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          | Poésie

6 août 2016 : Yves Bonnefoy, L'Heure présente, et autres textes (posté le 06/08/2016 à 09:57)

Le tâtonnement poétique d'Yves Bonnefoy s'est achevé. Qu'a-t-il cherché? Etreindre l'horizon, le questionner, saisir ici et maintenant le mystère d'être, marcher dans les pas des ombres qui s'étirent à l'infini, mettre en scène l'essentiel frisson des mots. Des images dont on ne sait jamais si elles sont des reflets de la réalité ou des délires de la rêverie frappent le lecteur, qui, avec le poète, reste sur le seuil du sens, perçoit ce que les détails ont de sacré et ridicule : des enfants qui portent des ballons sur une route américaine, Adam et Eve chassés du jardin se découvrant l'un l'autre et inventant les mots, des scènes d'Hamlet qui s'éparpillent et s'effondrent, tout un monde surgi de presque rien et bientôt de retour dans le vide mais qui seul donne du sens au passage incongru de l'homme sur la terre. 

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19 juillet 2015 : Friedrich Nietzsche, Poèmes 1858-1888, Dithyrambes pour Dionysos (posté le 19/07/2015 à 14:06)

Nietzsche naît allemand, il meurt grec. Il commence par pleurer sa patrie à la manière des romantiques. Il finit par suicider Dieu en lui pour lui donner des pieds qui dansent. Sa quête de légèreté l'élève sans cesse, non vers le ciel, mais vers l'homme, vers Zarathoustra, vers le joyeux, vers le libéré de toute vertu : "Devant tous les vertueux / Je veux être débiteur / Etre nommé l'endetté, le chargé de toute grande dette!" Etrange écho...

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24 mai 2015 : Novalis, Les Disciples à Saïs, Hymnes à la nuit, Chants religieux (posté le 24/05/2015 à 18:46)

La poésie de Novalis cherche à dire ce qui est. Elle cherche la nuit. Elle veut la saisir tout entière. Elle trouve la Nature, l'embrasse de mots. Toujours, le poète vibre. Il se donne corps et âme, parce que tout cela a un sens, parce que la souffrance est nécessaire, parce qu'elle est transcendée, parce que la nuit ne tombe que par amour du jour suivant. Cette poésie nous est devenue étrangère. Novalis semble naïf, trop exalté pour qu'on s'y accroche, trop croyant pour qu'on ne rigole pas avec la meute. Le romantisme en son adolescence est mort. S'en remettra-t-on une nuit? 

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21 février 2015 : Friedrich Hölderlin, Odes, Elégies, Hymnes (posté le 21/02/2015 à 11:57)

Le monde, jadis, était encore peuplé de dieux et des lumières. Hölderlin tente de toucher à la joie, à la présence des dieux dans le fleuve ou sur la montagne, à des lueurs de Grèce en Allemagne (étrange accord, aujourd'hui…). Il chante l'essence de la vie, le sentiment d'être là, la terre pas encore séparée du ciel. Sans doute déjà naît la mélancolie, mais les dieux ne sont pas encore morts. Wagner n'a pas encore volé l'or du Rhin. Hölderlin, le dernier, voit dans le monde plus que le vide habillé de fantômes. 

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17 janvier 2015 : William Blake, Le Mariage du Ciel et de l'Enfer, et autres poèmes (posté le 17/01/2015 à 16:18)

Les immensités de Dieu et de Satan se mélangent. Elles se combattent et se fondent l'une dans l'autre. Tout dans cette poésie a la force de l'infini qui se déchire. La prophétie éclate et disparaît. Des êtres mythiques aux noms bizarres, Urizen, Theotormon, Rintrah, Jésus-Christ, naissent, meurent et enfantent. Le Bien et le Mal perdent le Nord. Tout toujours se renverse et se bouleverse, et le lecteur se perd, noyé par le feu des catastrophes et par la force des mots qui se cognent. Demeure, après l'étourdissement de la lecture, un reste de force et d'énergie, et le sentiment d'avoir assisté, subjugué et incrédule, au combat intérieur d'un univers en déroute. 

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8 juin 2014 : Tomas Tranströmer, Baltiques, Oeuvres complètes 1954-2004 (posté le 08/06/2014 à 11:40)

La poésie d'aujourd'hui marche entre forêts et océans, cherche dans le vent et l'herbe des restes de sens et des images renversées d'une vérité évadée. Les mots de Tomas Tranströmer, toujours plus parcimonieux, disent des villes et des cabanes, écoutent des musiques déjà mortes, respirent des parfums envolés. S'y esquissent un Nord familier et bizarre, un voyage immobile, une nuit sans fin illuminée parfois d'aurores boréales quand au détour d'une formule magique, d'une métaphore insoupçonnée, d'une vision juste, le lecteur sent qu'il y a du vrai. Sans doute faudra-t-il (ou faudrait-il) relire ces mots, s'en imprégner, les confronter à mes propres fulgurances. Comme toujours, la poésie est bulle de savon. 

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17 janvier 2014 : Jacques Prévert, Choses et autres (posté le 17/01/2014 à 16:47)

Fatras de liberté, l'étalage des mots de Prévert fait chaud au coeur. Les mots simples s'y endimanchent, mais s'y endimanchent sans messe, sans défilés, sans le sang qui coule des mitraillettes. On se balade en souriant, révolté, grinçant et léger, entre souvenirs d'une enfance qui s'obstine au bonheur, comptines qui se racontent sans se compter, chansonnettes sérieuses, mots-valises qui vous voyagent l'âme, scènettes absurdes et jolies, ou tweets avant l'heure (au hasard, "Métaphysique : tout cela pour dire comment ils ne savent pas pourquoi"). Prévert fait sa fête à la langue, il la chatouille, il lui fait du bouche-à-bouche quand on la tue à coups de prières et de savanteries. Alors les mots respirent en rythme, ils chantonnent pour faire taire la logique marmonnante des flics grammaticaux, ils démontrent sans mathématique qu'ils sont magiques, monstrueux et beaux. 

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4 janvier 2014 : Daniel Mariano, le corps, l'écume (posté le 04/01/2014 à 12:05)

Donner des mots à l'absente, dire celle qui s'éloigne, apercevoir les signes de son corps dans la graine ou l'écume, dans le ciel ou la neige, la quête semble perdue d'avance, parce que tout a disparu, mais, dans cette poésie qui se dessine en traces fulgurantes, en sensualité désabusée, en tendresse sèche, le lecteur, qui ne sait pas de qui tout cela veut dire le nom, sent que la terre, si on s'accroche à elle, parle, et qu'à travers elle, à travers les plantes et les bêtes, parle peut-être la voix tue des disparus. Faire se taire le silence, voilà ce que tente Daniel Mariano. On a parfois l'impression qu'il y parvient. 

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14 décembre 2013 : Pablo Neruda, Résidence sur la terre (posté le 14/12/2013 à 12:42)

De ce recueil, Neruda préférait la fin. Nous lui préférons le début, le temps lyrique, presque innocent, où le regard se portait sur les jambes nues, sur le monde réel, sur le poète lui-même, sur l'érotisme d'une femme aimée. Ensuite, il y a l'Espagne, l'épopée tragique des brigades internationales, le chant de guerre qui se transforme en éloge du communisme et de l'Armée Rouge dont Neruda ne voit pas qu'elle ne libère pas l'Europe mais qu'elle repeint juste les murs de la prison en rouge. L'épopée se trompe de héros. Le poète perd sa lucidité, parce que "la lumière qui arrive" à la toute fin n'est qu'illusion et ténèbres. La poésie, quand elle devient politique ou quand elle devient arme, crée le malaise. Le temps de la poésie épique est mort à tout jamais. 

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15 septembre 2013 : Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit (posté le 15/09/2013 à 16:23)

Tout le charme pittoresque d'un romantisme noir qui réinvente le langage d'un Moyen-Age qu'on redécouvre se condense dans ces poèmes en prose qui sortent de leur chapeau magique des aventures qu'on croyait oubliées, des sabbats de sorcières, des nains affreux, des pendus sur la potence, des chevaliers et des gueux, des moines dépravés et, cerise sur le mystère, le diable, qui rôde et qui séduit. Le lecteur moderne se plonge avec délice dans un double passé, celui du temps des poètes gourmands, des Victor Hugo de Province, et celui des rois et des lépreux, qui ressuscite un monde enfoui et qui lui donne des couleurs vives et des paroles démodées. On a l'impression de déchiffrer un manuscrit ancien, un parchemin de vélin, et d'y trouver un trésor : les mots de jadis. 

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