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          | Ecriture de soi

22 décembre 2016 : Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux (posté le 22/12/2016 à 21:53)

Sans doute faudrait-il être soi-même amoureux pour entrer vraiment dans les mots de Barthes autour de l'amour. Le discours amoureux n'est dicible, ou lisible, que par l'amoureux lui-même, qui passe son temps à s'identifier au héros malheureux, au chercheur de tendresse, au discoureur savant qui tente de donner forme à la folie aimante. Mon impression de non-amoureux qui a lu ceci pour retomber dans la marmite est d'être passé à côté d'un sens secret. Comment se réininitier? La lecture ne suffit pas. Les mots, en amour, au fond, sont secondaires. 

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1er novembre 2016 : Paul Morand, Eloge du repos (posté le 01/11/2016 à 10:37)

Le titre séduit le paresseux et le style le lettreux. Paul Morand, qui fut en son temps un oisif professionnel, propose un mode d'emploi du temps perdu, un apprentissage du ne rien faire. Il réduit les voyages à leur essence, raccourcit les distances, ralentit la fuite en avant. Il évoque des sports tranquilles, champêtres, actifs sans l'être trop. Il calme le jeu. Le repos n'est pas la mort ni le sommeil. Il est l'activité contrôlée, la course qui s'arrête en chemin, la maîtrise de soi. Le rappeler n'est pas inutile. 

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18 octobre 2016 : André Malraux, Antimémoires (posté le 18/10/2016 à 17:40)

Malraux étourdit son lecteur de rencontres imposantes : De Gaule, Nehru, Mao. Il sillonne le monde pour y repenser la condition humaine. Il tisse des liens entres les musées égyptiens et les jardins japonais, il raconte les heures où il frôla la mort, la camaraderie des prisonniers et des tankistes, la fascination de l'Asie, l'héroïsme de la Résistance. Ses mémoires qui en refusent l'étiquette sont écrites comme des romans, comme un retour sur les thèmes d'une écriture, sur L'Espoir, sur La Condition humaine, sur le mythe gaulliste. A la fois analyse politique, réflexion artistique et dialogues métaphysiques, ce livre dévoile la complexité de son auteur à travers celle d'un monde multiple, foisonnant, dangereux et perdu. Chez Malraux, tout est toujours en mouvement. C'est sans doute cela qui nous étourdit. 

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12 juin 2016 : Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois (posté le 12/06/2016 à 15:55)

Vivre seul dans une cabane au milieu de la forêt, au bord d'un étang, loin des tentations du monde et de l'argent, semer des haricots, marcher, de temps en temps accueillir des amis ou des vagabonds, observer les mille événements passionnants que la nature tous les jours met sous nos yeux aveuglés : Thoreau montre un chemin, caillouteux et merveilleux, sur lequel se perdre pour se gagner. Il décrit la guerre des fourmis et la couleur de l'eau, sans cesse autre, toujours en mouvement, à chaque instant surprenante; il rencontre des êtres simples, bûcherons ou poissons, qui savent que vivre n'a rien en commun avec ce que, là-bas, déjà si loin, on nous présente comme étant la vie, la course aux sous, le fracas de la politique, l'agrandissement des maisons à mesure que l'homme rétrécit. Lire Thoreau, c'est faire acte de résistance, même si l'on hésite encore - mais pourquoi? - à tout plaquer pour enfin vivre, à balancer dans l'étang glacé nos bidules électroniques, nos laisses numériques et nos attaches pécuniaires. La nature est notre être le plus intime. Trouvons-la avant que notre dispersion absurde la tue pour de bon. 

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20 mars 2016 : Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du Promeneur solitaire (posté le 20/03/2016 à 17:17)

Il y a chez Rousseau quelque chose d'à la fois énervant et attendrissant. Il semble de prime abord que le vieillard des promenades ne fait que de se plaindre, qu'il s'enfonce dans la paranoïa à force de voir partout des ennemis et qu'il passe son temps à pleurnicher. Puis on se dit que cet homme a raison, que sa solitude est salutaire, qu'une journée passée sur l'Île Saint-Pierre à se perdre dans la nature, qu'un après-midi passé à cueillir en marchant quelques fleurs à coller dans son herbier, qu'une vie de bon sauvage vaut mieux que les honneurs de la fausse amitié et que les bruits insensés du monde. Rousseau ne cherche pas à plaire, peut-être est-ce pour cela qu'il énerve. Il nous montre trop ses défauts pour que l'on ne s'y reconnaisse pas, d'où sans doute le petit malaise qu'on ressent à le (se) lire. 

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21 février 2016 : Henri Michaux, Connaissance par les gouffres (posté le 21/02/2016 à 18:55)

Etrange livre qui tente de dire l'indicible, qui essaie de relater l'expérience de la drogue et celle de la folie. Michaux (d)écrit la mescaline qui assaille le cerveau, il fait de la poésie sous haschisch, il tente de drôles de champignons qui n'ont rien de drôle, puis il entre, par le biais des drogues, dans la tête des fous, il montre l'enfer qu'ils s'inventent et où ils sont enfermés, il les restitue dans la vérité de leur délire. Le lecteur assiste, surpris, à la naissance d'un monde parallèle. Il reste à son bord, désorienté, impressionné par les mille détours possibles et imaginaires du cerveau humain quand il se déglingue. 

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27 janvier 2016 : Jean-Philippe Toussaint, Football (posté le 27/01/2016 à 21:09)

Dans l'écriture de Jean-Philippe Toussaint, même le football - sport honni s'il en est - devient charmant, palpitant, profond. L'auteur évoque ses souvenirs de stade, ses pérégrinations japonaises, ses prises de distance et sa rechute, une nuit d'orage dantesque, lors des penaltys de la demi-finale Pays-Bas-Argentine du Mundial 2014. Il montre des visages et des gestes, des mines heureuses de supporters belges ou suédois, des files d'attente interminables aux abords des stades, des manies et des rites qui renaissent au moment sacré du match. Bref, on est loin du foot poubelle, de Sepp Blatter, des sextapes et de la vulgarité si rance que dégage ce sport ordinairement. Redonner du souffle au ballon rond, redonner vie au mythe piétiné à grands coups de crampons dorés, ce petit livre y parvient. On en viendrait presque à se réconcilier avec le foot. 

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12 janvier 2016 : Jean-Philippe Toussaint, L'urgence et la patience (posté le 12/01/2016 à 16:51)

Ecrire. Verbe intransitif. Jean-Philippe Toussaint raconte, avec la précision et l'humour qu'on lui connaît, ses premiers pas dans l'écriture, ses habitudes d'écrivain, les lectures qui l'ont forcé à écrire, les bureaux où il se mit à la tâche et les hôtels qu'il a bâtis dans ses romans. Il montre l'entreprise de longue haleine qu'est l'écriture, les jours et les années de patience qu'il faut pour trouver le rythme d'un texte, seul critère véritable pour le styliste, et les instants où écrire va tout seul, où il faut courir après le texte qui fuit comme un cheval dans un aéroport japonais. Le lecteur prend plaisir à s'attarder quelques minutes dans l'atelier de l'artiste, qui déjà a pris le bus pour d'autres mots, d'autres mystères, d'autres pluviers et d'autres ravanastrons. 

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9 janvier 2016 : Stefan Zweig et Klaus Mann, Correspondance 1925-1941 (posté le 09/01/2016 à 07:55)

Deux écrivains de langue allemande tentent, par leur dialogue, de sauver les meubles au moment de l'effondrement. Tous deux assistent avec effarement à l'assassinat de la culture allemande par les nazis. Tous deux doivent fuir. Leur réaction pourtant diffère. Zweig doute. Il hésite à prendre part au combat. Il se pose en intellectuel détaché de la boue politique. Mann veut agir. Il fonde une revue pour les écrivains allemands dissidents, cherche à y attirer son illustre aîné, n'y parvient pas parce que sa revue est trop politisée, trop manifestement anti-nazie, pas assez "littéraire". Bref, ce dialogue pose des questions essentielles : quelle est la place de la littérature par rapport à la politique? Jusqu'à quel point peut-elle rester indépendant de la politique? quelle est la place de l'intellectuel dans la société? que peut-on faire, avec un simple crayon, contre la barbarie? Zweig et Mann, perdus dans dans un monde qui s'effondre, finissent par en arriver à la même conclusion : le suicide. 

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31 août 2015 : Günter Grass, D'une Allemagne à l'autre, Journal de l'année 1990 (posté le 01/09/2015 à 10:14)

Dans un journal, tout se mélange. Günter Grass note ce qui lui passe par la tête à propos de sa vie quotidienne errante entre ses maisons allemande et portugaise. Il évoque ses nombreux enfants, les rencontres avec des amis, les repas, presque toujours du poisson qui donne l'eau à la bouche. Il s'inquiète aussi de la situation politique de l'Allemagne en réunification, de l'Ouest qui bouffe l'Est, avant que l'actualité internationale ne prenne le pas sur son pays, avec la Guerre du Golfe et l'éclatement encore à venir de l'URSS. Il esquisse aussi - et c'est sans doute le plus intéressant dans ce fourre-tout - ses prochains romans, à commencer par L'appel du crapaud, dont on voit se dessiner petit à petit la trame. Le journal s'arrête quand l'écriture du roman prend le dessus. La lecture se poursuit naturellement en suivant L'appel du crapaud. 

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