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          | Ma musique

Ecrire sur et à partir de la musique a-t-il un sens? Souvent, il semble que la musique se suffit à elle-même, mais je ne peux m'empêcher de lui donner des mots, de la décrire ou de l'interpréter, de me souvenir des cadeaux qu'elle m'a offerts, des émotions qu'elle m'a procurées et du silence qui s'est brisé grâce à elle. 

J'écrirai donc, au hasard de mes musiques, ce qu'elles m'inspirent. 

Stello, Au bal de l'hôtel de ville (posté le 07/04/2015 à 09:23)

La chanson jadis ne faisait pas tant de manières. Il s'agissait bêtement de raconter une histoire qu'on puisse mieux retenir grâce à la musique. Bref, ce qui comptait, c'était le texte. Aujourd'hui, qui écoute encore les paroles des chansons? D'abord faudrait-il les entendre… Là, ce n'est pas grand chose, un bal à l'oeil, à boire, à manger, à fumer, une bagarre pour que ça s'anime un peu. Pas de quoi fouetter un chat. Le plaisir vient de quelques mots qu'on avait oubliés : "rafistoler", "une espèce de croquant" (on se croirait chez Brassens), "je m'en suis flanqué par dessus les oreilles", "mon brûle-gueule" (pas réentendu depuis L'Albatros), "quel coup pour la fanfare", "je dégotte et une belle brune", "nous allons en suer une", "avec ma légitime". Il est bon parfois de retrouver sa langue. 

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Wolfgang Amadeus Mozart, Credo in unum Deum de la Messe en Do Majeur "Dominicusmesse" K66, par le Choeur Arnold Schönberg et le Concentus Musicus de Vienne, sous la direction de Nikolaus Harnoncourt (posté le 06/04/2015 à 15:37)

Mozart enfant déjà balance entre fougue et apaisement. Le credo est affirmé avec toute la rudesse qui sied, mais très vite, la vague retombe en catimini sur le plaisir d'une mélodie qui oublie qu'elle parle du Très-Haut. C'est d'ailleurs sur "descendit" que le plaisir humain est le plus vif. Dieu descend sur la terre. C'est qu'il s'ennuie dans son Ciel sans Mozart, qu'il a envie de jouer avec lui à courir après les notes agitées des violons excités et derrière les gambettes affolées des jeunes filles excitantes. Le divin Mozart n'est divin que par sa trop parfaite humanité. 

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Pierre Perret, Vingt-six ans à nous deux (posté le 06/04/2015 à 10:18)

Quand elle sont chantées sur fond de ukulélé par Pierre Perret, les amours adolescentes, d'habitude si nunuches et si girlies (rien que le mot soulève le coeur), prennent une saveur délicieuse. D'abord, la musique : Brel qui chante Mathilde en lieu et place de M. Pokora. Cinéma? Woody Allen plutôt que cinquante nuances de cucul la praline. Littérature? Gotlieb et Reiser, car les amours interdites sont Charlie. Le prof de français (mais c'est moi, ça!)? Un tantinet débile. Celui d'histoire (encore moi!)? "La môme Jeanne d'Arc inventait le barbecue." Innocents, les fricotements qui picotent un peu trop tôt? Tu parles! Dès qu'on a l'âge, on largue tous ces coinços et on se casse à Honolulu par le premier avion pas trop suicidaire venu! 

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Dennis Armitage, Happy-go-lucky-rag, par the London Light Orchestra, sous la direction de Marc Reift (posté le 06/04/2015 à 10:02)

Salon de thé londonien, diligence à travers les plaines de l'Arizona, soirée choucroute à Grandsivaz, on hésite. L'orchestre frétille de la moustache. Les chevaux s'emballent. Gérard a invité la marraine à danser. Cup of tee? Non, merci, j'ai une frontière à franchir, des mines d'or à exploiter, des saloons à ruiner et une cuillère à recevoir. 

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Jacques Dutronc, Mini, mini, mini (posté le 04/04/2015 à 19:39)

"Tout est mini dans notre vie." La constatation du père Dutronc ne paie pas de mine. "Mini, mini, ça manque d'air." Lui n'en manque pas. Nous oui. Minijupe, ça passe encore. Pour le reste… 

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Arthur Honneger : Marche des Hébreux du Roi David, par Lambert Wilson, récitant, et le l'orchestre de la fondation Gulbenkian, sous la direction de Michel Corboz (posté le 01/04/2015 à 17:53)

Les trompettes de Jérusalem sonnent aigre. "Vous avez rétabli la paix en Israël." La parole n'a hélas rien de prophétique. Les armées marchent toujours au pas déglingué de l'horreur, écrasant la misère de Gaza pour une victoire qui n'a rien d'une fête. Il est des terres qui n'en finissent pas de payer leur sainteté. 

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Jean Yanne, La gamberge (posté le 24/03/2015 à 18:35)

Il est des mots désuets et des visages barbus que l'on retrouve avec un plaisir un rien voilé, parce qu'illusoire. Jean Yanne ne rigole plus au pays trop passé des trépassés et l'on ne sait plus guère ce qu'est un mirliflore. Bien sûr, dans nos cervelles fatiguées par des amours qu'elles n'ont pas connues, ça gamberge toujours et de plus en plus ferme. Mais nos désirs de conquérants s'émoussent. Fini la puissance, les folies de notre jeunesse et les utopies de nos vingt berges. Il ne reste aujourd'hui de nous que des guenilles et des miettes de chanson. 

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Franz Schubert, Benedictus de la Messe en Sol majeu, D.167, par Lucia Popp, soprano, Adolf Dallapozza, ténor, Dietrich Fischer-Dieskau, basse, le choeur et l'orchestre symphonique de la radio bavaroise, sous la direction de Wolfgang Sawallisch (posté le 12/03/2015 à 18:33)

Bénir, c'est caresser. Schubert ne se prive pas de ce plaisir simple. Il laisse la voix féminine s'approcher du saint des saints (je ne peux m'empêcher de songer "sein des seins"); il la laisse s'y installer calmement sur de douillets coussins, avant que ne la rejoignent deux hommes qui l'entrelacent de mélodies chaudes. Extase sacrée... On en oublierait presque la gloire de Dieu.

Le choeur soudain vient violemment réveiller les rêveurs. C'est au Ciel que triomphe le Seigneur. Les joies d'ici-bas ne doivent pas lui faire concurrence. "Hélas", soupire la voix féminine. 

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Johannes Brahms, Von alten Liebesliedern, 7 Lieder op.62, par le RIAS Kammerchor sous la direction de Marcus Creed (posté le 08/03/2015 à 21:42)

La musique romantique ne peut se chanter qu'en allemand. Elle ne peut que susurrer "mein Schatz" dans un jardin de "grüne Grass" et de "Röslein". Brahms piétine les belles platebandes sans les déflorer (même si les Röslein deviennent Rösslein et les roses rosses), puis il s'allonge sur le mot "Liebe", si beau dans la longueur de son i. Rien de bien grave. L'allemand se fait léger. Il oublie qu'il peut devenir hurlement. "Die Zeit ward uns nicht lang". Il flotte dans l'air un espoir de printemps. 

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Dibouk, Araber Tanz (posté le 08/03/2015 à 21:04)

Pourquoi la musique klezmer fait-elle tant de bien? Est-ce par les souffrances infinies qu'elle transcende? Est-ce par les joies qu'elle cherche à tâtons? Est-ce par l'union sans guerre de l'ici et de l'étrange?

Nous étions dans un grenier, vingt à tout casser, dans le village de Baulmes, perdus au-dessus du brouillard, clarinettistes en goguette. Tout commença lentement, puis, insensiblement et si sensible, le violon désaccorda les cordes de sa folie, l'accordéon étira son long corps de vent en rafale, et la clarinette s'envola vers l'extase tremblante d'un instant parfait.

Je me souviens qu'un couple assis se mit à danser et que la contrebassiste s'appelait Lamour. Je me souviens aussi que cette soirée m'avait mis du Baulmes au coeur et que ce coin paumé du Nord Vaudois pour moi se confondra toujours avec la mélancolie heureuse de la musique klezmer. 

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