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27 septembre 2008 : Yvette Z’Graggen, Un long voyage, précédé de La preuve (posté le 27/12/2008 à 18:16)
Deux petites nouvelles toutes simples, une écriture soignée, sans chichi, des mots qui sonnent juste. Les relations entre un père et sa fille, leur incompréhension, puis entre un grand-père et sa petite fille, la découverte de leur origine commune, ce voyage au temps où il avait son âge, la maison de son enfance qu'il ne vendra pas, la solitude d'une vie ratée qui s'efface un peu, une main qui se pose sur une autre main, peu de mots, la naissance, avortée dans "La preuve", esquissée dans "Un long voyage", de ce rien qui tente d'unir les gens seuls, l'amour. Derrière la banalité, la sobriété de ces deux nouvelles, se jouent nos vies, ma vie qui peine tant à sortir de son silence.
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13 septembre 2008 : Anne-Lise Grobéty, Défense d’entrer (posté le 27/12/2008 à 18:11)
Quatre petites nouvelles, presque quatre mondes, mais toujours la nature qui sursaute la vie, une haie qui tue, une factrice fleurie qui vole, une mère-ellipse qui..., une fiancée d'hiver qui s'érotise de glace, toujours bien écrit, inégal sans doute, "La fiancée d'hiver" tremblante de subtile beauté et "Défense d'entrer" banalement fantastique, la fine écriture d'une femme d'ici, d'un peu plus haut, une simplicité qui entre peut-être en poésie, une prose sur le point de se déproser, quelques courts instants d'agréable lecture, à la piscine, sur le lit de ma soeur, rien de plus, bien assez. Lecture-parenthèse, plaisir minuscule, que demander d'autre ?
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23 mai 2008 : Voltaire, Candide (posté le 27/12/2008 à 15:10)
Lire pour enseigner, c'est presque oublier qu'on lit. On pense à ce qu'on dit. On oublie ce qu'on lit. On oublie qu'on a lu. J'ai parlé d'ironie, de lumières, de conte ; j'ai évoqué l'esclavage, Montesquieu, l'Encyclopédie, Leibniz. Je me suis oublié. Au delà de son utilité didactique indéniable, est-ce que j'aime Candide ? N'y a-t-il pas quelque chose de trop facile dans l'ironie voltairienne, un rire et une pensée trop immédiats ? Pour être bien écrit, c'est bien écrit, rien à dire. La parodie fonctionne, c'est rocambolesque à souhait, invraisemblable à s'en lécher les babines, mais ça laisse sur sa faim. Voltaire, c'est les Lumières de destruction massive, le coup de pied dans la fourmilière, le rire satisfait. C'est assis. Et ça donne envie de se replonger dans Diderot.
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21 mars 2007 : Guy de Maupassant, Le Horla et autres nouvelles fantastiques (posté le 27/12/2008 à 14:58)
Il est des êtres étranges qui rôdent, invisibles parce que nos sens sont incomplets, des êtres présents ici et maintenant, menaçants. Maupassant, contre et avec son époque, fasciné par le magnétisme, raconte des histoires bizarres où la folie s'invite à la table de la raison comme s'invite le Horla dans la maison du fou. A la fin de la lecture, comme en ce moment, il y a cette impression de quelqu'un, derrière mon dos. On se met à y croire. Pourquoi ? La réponse est sans doute dans la construction du récit. Tout est fait pour que la peur, petit à petit, inéluctablement, s'installe. Tous les narrateurs, au début, n'y croient pas, puis ils se résolvent à la folie, demandent même à être enfermés, protégés. D'où vient cette fascination pour l'inexpliqué, le surnaturel ? Je ne me sens pas l'envie d'y répondre maintenant, et doit bien admettre que je ne suis pas autant bousculé dans mon esprit fatigué que Maupassant voudrait que je le sois.
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18 novembre 2007 : Jacques Chessex, Monsieur (posté le 26/12/2008 à 16:58)
La délicieuse prose de Chessex, troublée, continue son effet. Quel est son secret ? Il le cherche, le fuit quand il l'approche, le secret est sacré, touchons-y, n'y pénétrons pas. Appel du vide, appel de la vie, Jacques Chessex se tiraille. Planer, comme un oiseau, devenir plus léger, perdre corps, mais humer le corps des femmes, leur sexe ouvert, y plonger comme on replongerait au creux de cette maman qu'on n'a pas su aimer. Chessex culpabilise, il ne sera jamais tout à fait catholique. Sa mère, ses fils, ses femmes, il a fait faux. A côté, il raconte ses frasques, s'en délecte, sans regret, l'essentiel n'est pas là, l'essentiel est secret, on ne peut le comprendre, demeurons demeuré, idiot de Dieu, laissons-nous enivrer par la douce chaleur de l'urine d'une petite fille de jadis, au fond d'une armoire, par les claquements du fouet, à Payerne, sur le corps nu de la petite voisine. Le vent sur Payerne, aujourd'hui encore, nous en renvoie les gémissements. Nous en bandons encore. C'est ici qu'il faudrait culpabiliser. C'est ailleurs, fort heureusement, que Chessex le fait. Le scandale est secret, il se déplace, se taper une novice dans un couvent n'est rien. C'est même sans doute bien. Le corps de l'organiste, sur l'instrument, ne fâche pas, la vieille qui suce puis qui meurt du cancer, n'est pas glauque. Glauque est le silence à la mère, l'absence aux enfants. Chessex toujours plus humain, toujours plus conscient de son rien, toujours plus tourné vers ce qui compte, le vide, le sexe ouvert et vide des femmes fouillées, aimées, abandonnées. Chessex fait tout faux. Il y trouve la vérité. Plus idiot que jamais. Divin marquis à la sauce calviniste.
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3 septembre 2007 : Jacques Chessex, Portrait des Vaudois (posté le 24/12/2008 à 16:34)
Le voisin, c'est toujours moi mais autrement. Le Vaudois, c'est un Fribourgeois raté (calviniste). Chessex décrit un monde à l'agonie, il le triture, l'essore, le sacrifie. Lyrisme du cochon, balancements des pendus, beuveries des Croix-blanches, litanie de l'hôpital, le Vaudois sous toutes les coutures, reniflé, exhumé (comme le père, devenu pays dans l'ambiguïté d'un suicide devenu liberté), caressé, désiré, aimé. Chessex ose le dithyrambe. Il s'emporte et emporte le lecteur dans un monde sensuel, orgiaque (ogresque), il traque le sacrilège, persifle le perfide curé (nous les envahissons, ils le veulent, mais quand même, ils sont de Vaud, Gros de Vaud, alors les catholiques (même si...), ça reste des vieilles bourriques, une fille de Corcelles, ça fréquente pas un gars de Cousset, descendu de son énorme silo fantasmé) ; il chante le soûlon, le colporteur, le paysan, la maîtresse d'école et la serveuse de bistrot ; il en fait trop, il se répète, il en rajoute, et c'est là que ça devient savoureux, dans ces longues listes de personnages farfelus, tout droit sorti du cortège des Brandons de Payerne, l'origine, juste là derrière. Florilègeons. D'abord, les cathos, pas ceux d'aujourd'hui, adorablement médiévaux, ceux du concile : "Dans leurs rangs hésitants surgissent de bêlants paléontologues obscurantistes prêts à codifier l'univers en alphas et en omégas, des thomistes sartriens, des jésuites phénoménologues assoiffés de congrès et semeurs de tirés-à-part, des psychanalystes freudiens disant leur messe à la petite aube avant d'étendre sur leur divan de riches paroissiennes alanguies à la libido mal comprise, ah voici les frocs progressifs, les capuchons syndicalistes, les commandos de dominicains marxistes et léninistes, les cohortes de cornettes unidimensionnelles, les cilices malthusiens, les barrettes structuralistes, les calottes féministes, les tonsures sociologiques, les croisillons anticolonialistes, les manipules anticapitalistes,..." Et ça n'est pas fini, il en pond encore une page, des vertes et des pas mûres, la queue-leu-leu ne s'arrête pas, tout le monde est invité au bal, même les malades : "Debout les estropiés fétides, les clopinants, les claudicants, les déprimés, les moribonds, les urémiques, les cafetiers cirrhotiques, les peaux trouées, les anémiques, les cardiaques, les paralytiques pâles et transpirants, les rachitiques scrofuleux, les épileptiques souriant de honte, les poitrinaires crétinisés de Montagne magique, les petites vieilles baudelairiennes qu'il faudra détordre à coup de genoux pour les coincer aux cercueils de sapin, les aveugles vraiment affreux et somnambules, les lesbiennes décrépites suceuses de chocolat blanc...". Là, je m'arrête un instant, juste pour apprécier la formule, et, je cède au plaisir de rajouter, en guise de conclusion, les personnages suivants, mais évidemment pas les derniers, monstres loufoques et tragiques d'un carnaval des fous qui transcende Hugo et le frottant à Baudelaire : "les chiffonniers crachant leur effrayant rubis dans les lavabos bruyants comme des orgues". Le sublime et le grotesque, Chessex plus génial et plus romantique dégénéré que jamais.
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13 mars 2007 : Philippe Delerm, La sieste assassinée (posté le 23/12/2008 à 21:15)
Saisir la vie de tous les jours pour en faire du bonheur en mots, quel plaisir ! Presque rien pour dire presque tout, les textes miniatures de Delerm font calmement penser à du Delerm, le fils, L'heure du tee , celle de ce "salut aux étoiles qui n'ose pas s'avouer" quand le rugbyman a transformé un essai, se retrouve chez Vincent (chez moi) dans L'heure du thé, "Gabriel Fauré, Mozart, Laurent Voulzy", prélude d'une nuit-litote que l'on devine avec plaisir. Les petites histoires un peu drôle et beaucoup vécues (on s'y croirait, le compliment qu'attend papa Delerm sans doute) qui se suivent nonchalamment dans ce livre, comme ma lecture, piquent dans le quotidien, le petit truc, le bidule, le détail qui compte et qui relègue loin derrière son évidence tout le reste parce que tout le reste, les grandes passions, les drames pathétiques, se trouve cristallisé dans un moment emblème, une photographie, deux ou trois mots bien sentis, rien de plus. Delerm ou la poésie du nécessaire : "On avait ce jour-là pas mal de courses à faire, quelques coups de téléphone à donner. La vérité n'étais pas au programme". Et voilà qu'elle déboule dans un petit livre qui vous donne envie d'écrire, vous aussi, d'acheter un petit carnet avec un élastique pour le fermer et d'y noter, au fil de vos pérégrinations quotidiennes, les petits événements que, si on ne les écrit pas, non seulement l'on oublie, mais que surtout l'on ne voit pas, sauf si un Philippe ou un Vincent Delerm vient cogner à votre porte pour vous rappeler qu'avant un oral de bac on va toujours à la piscine et que les filles de 1973 faisaient des exposés sur l'Apartheid ou sur le Che.
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6 mars 2007 : Vercors, Le silence de la mer, et autres récits (posté le 23/12/2008 à 18:49)
Résister ? Marraine, pendant une semaine, a résisté à la mort, mais la mort est plus forte, toujours. Deux français (c'était son nom à marraine, Francey) résistent à la parole, puis un mot est lâché, un seul, dans le vide. Un homme marche dans l'horreur, il voit, avant tout le monde, les camps de la mort, encore elle, toujours elle, les souffrances des déportés, l'injustice, l'absurde, et marraine, (Dieu merci, ai-je envie de dire. Si seulement... il est trop tard, je ne peux plus lui dire merci à ton Dieu, marraine, pardonne moi), s'en est allée en silence, sans souffrir, comme s'éteint une bougie. Comparer cette mort à celles qu'évoque le bouquin ? Non, marraine est morte heureuse, digne, sans rien à se reprocher, sainte peut-être, alors qu'en 1942, on mourait après sa propre mort. Marraine est morte sans le pathétique que ce livre distille un peu trop, sans idée de gloire, d'honneur, de grandeur, sans faire oeuvre, après avoir passé une vie simple, naïve, aimante, celle qui a été refusée à tant de gens, pour rien. Le livre évoque la femme qui ouvre la porte un matin et qui y voit Hitler, il évoque la disparition d'un homme qui avait pour seul crime d'être juif, il évoque la noirceur d'une époque, mais aussi les livres, ces livres qui sauvent la France, comme Le silence de la mer, qui paraît malgré tout, et ouvre l'aventure des éditions de Minuit. Le livre en lui-même n'a rien de folichon, c'est un peu facile, critique-t-on du haut de notre chambre à coucher, en 2007, en liberté, en silence, mais que Le silence de la mer ait été écrit, que je me sois mis à le lire, même si c'est pour en pointer les défauts, pour trouver le style un peu démonstratif, pour me dire que ces textes étaient de la littérature du dix-neuvième, ça donne à réfléchir. Au terme de cette lecture, il m'est nécessaire de me poser la question, maintenant et aujourd'hui, à minuit, dans mon cocon broyard : résister ? Les horreurs de 1942 sont bien loin de moi mais en ce moment-même des enfants sont massacrés, des femmes sont violées, pendant que je prends la pause en pensant que je succombe moi-même au pathos, à la facilité, au moralisme, en évoquant ce que j'oublie sans cesse. Ce soir marraine est morte. Elle aussi, je l'oublie. Je sais qu'elle est morte, mais je ne le sens pas en moi, comme je ne sens pas la mort de ces millions de Juifs que Vercors évoque, que mes lectures historiques rabâchent. La mort, quand c'est celle des autres, qu'est-ce que ça peut bien nous foutre ? J'oublie que la mort des autres, la mort de marraine, c'est un peu ma mort, le rappel de celle-ci, inévitable, impossible, nécessaire. Quelques images furtives de marraine, des photographies, puisque marraine, dès aujourd'hui, ça n'est plus que ça, l'image figée d'un passé qui ne reviendra plus. Le matin, elle lavait les brouettes, quand nous partions à l'école, de grosses bottes, un foulard, elle disait : "Adieu, dont !". Nous répondions : "Adieu, dindon !". Marraine la langue en travers, entre les dents, ce geste que j'essaie en ce moment d'imiter, maladroitement. Marraine qui remplissait la moitié du verre de sirop avant d'y rajouter de l'eau. Marraine qui, la veille de Noël, sous le sapin, chantait le Noël des bergers, de l'abbé Bovet, "dans la nuit l'était une étable,...". Marraine pliée en deux dans son jardin, tout l'été. Marraine qui priait le chapelet le dimanche soir avec grand-papa, qui en rajoutait des tonnes, parce qu'elle y croyait, marraine, parce que la religion, pour marraine, c'était sacré (c'est sans doute elle qui m'a fait perdre la foi, elle qui croyait tout, qui se faisait si facilement avoir par des illuminés). Marraine qui s'endormait devant la télé, comme papa. Marraine que nous faisait des beignets aux pommes, des croûtes au fromages imbibées de vin rouge, de l'omelette crue, du béton, et encore et toujours du sirop trop sucré, marraine assise à déjeuner à côté de grand-papa, qui la taquinait. Marraine le jour de la mort de grand-papa. Marraine qui nous disait : "C'est un joli travail". Marraine qui, en voyant revenir les chars de tabac s'étonnait toujours du travail que nous avions fait, parce que marraine, c'était avant tout une travailleuse acharnée, acharnée comme cette dernière semaine de sa vie où elle a tenu, sur ses réserves, sans boire, sans manger, pour montrer peut-être, sans s'en rendre compte, sa solidarité avec les malheureux que le livre prétexte à cet hommage montre et défend. Marraine qui enfilait le tabac sans s'arrêter, marraine qui s'est arrêtée cet après-midi, calmement. Il faudrait en rajouter mais il est tard, la vie continue, il est temps que moi aussi, je rejoigne le silence, que je termine ce qui ressemble trop ou pas assez à une prière. Marraine digne jusqu'au bout, Dieu merci.
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30 mars 2006 : Jacques Chessex, Le fort et autres nouvelles (La falaise et son habitant, Le mal retourne au mal, Octobre est le plus beau des mois) (posté le 09/11/2008 à 21:53)
Ces histoires qui se passent quelque part dans nos campagnes, tout près, sont de petits coups de ciseaux, la mort, tragique ou sublime, et les femmes, qu'elles soient marie-couche-toi-là ou sorcières, venant troubler un ordre qui n'est que façade, brisant sans crier gare les tabous les plus ancrés, le sexe, la mort. La pointe de ces nouvelles, la petite surprise qui chamboule ce qui semblait ordinaire ou qui résout le mystère, joue son rôle. Elle pique à vif. Celle que l'on prenait pour une sorcière est une jeune fille qui reçoit la visite d'un homme. C'est son amoureux d'antan. Un enfant semble regarder la nature. Il est mort au pied d'une falaise. Chessex a le sens de la nouvelle, petite forme de rien du tout qui ne marche que si elle est incisive. Tout ceci ne crée pas le même malaise que L'Ogre mais la mort de Barbara lors de son troisième avortement crée un petit vertige, quelque chose qui ressemble à de la pitié, sans jugement pour une fille qui n'est morte que pour avoir trop aimé la vie.
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