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          | Théâtre

17 juillet 2014 : Pierre Corneille, Le Menteur (posté le 17/07/2014 à 12:21)

La comédie où l'on se cause en vers a le charme des vieux meubles qui craquent. L'éloquence y est légère et le rire intérieur. Le menteur sera-t-il puni, lui qui ne sait qu'inventer des sornettes pour se sortir de tous les guêpiers? Quand il tombe amoureux, sait-il bien de qui? Et sait-on si c'est vrai? Ses victimes tomberont-elles dans le panneau? Découvriront-elles le pot aux roses? Si oui, quel conte notre fabulateur va-t-il encore bricoler pour retomber sur ses pattes? Sera-t-il au final l'arroseur arrosé? Corneille ne répond pas tout à fait. Il ne blâme pas méchamment. Il laisse le menteur s'empêtrer dans ses contradictions. Peut-être même l'encourage-t-il. Il aurait pu tomber dans le moralisme sévère. Il lui préfère l'amusement subtil. Le lecteur lui en sait gré. 

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13 août 2013 : August Strindberg, Le Songe (posté le 13/08/2013 à 15:47)

La fille d'Indra descend sur terre pour y éprouver la vie humaine, comme le Christ en son temps, mais sans résurrection. Elle y rencontre des hommes de misère, un avocat, un poète, un officier, qui regardent pousser un château, qui n'osent ouvrir une porte interdite, qui souffrent, sans cesse et sans soulagement. Le décor change, par enchantement, mais le coeur des hommes continue à pleurer, malgré des scènes qui font sourire, des extravagances et des mystères. Indra se marie, a un enfant, voit que ce n'est pas là vraiment le bonheur, s'échappe de son devoir, est rattrapée, remonte au ciel. Etrange livre, parce calqué sur le rêve, sur l'infini des possibles qui ne peut rien contre le vide des vies, ce Songe doit, pour être aimé, se lire comme on rêve, les yeux ouverts. 

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29 mars 2013 : William Shakespeare, Hamlet (posté le 29/03/2013 à 21:08)

Entre folie, désespoir, honneur et malheur, Hamlet se débat. Il doit venger son père. Le veut-il? Il doit haïr sa mère? Le peut-il? Il doit être, ou ne pas être. Il part, revient, meurt. Le drame se déploie sur la scène si riche du théâtre shakespearien, entre le marbre des palais et les crânes des cimetière. Une femme aimée se noie. Des passions s'affrontent. Tout meurt. De temps en temps, un fossoyeur, macabre, plaisante. Même quand tout sombre, un reste de sourire, un délire presque comique rappelle la futilité des hommes, puis une épée les transperce, et le sang, toujours le sang, coule, pas même noble, absurde avant la lettre.

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12 mars 2013 : William Shakespeare, Roméo et Juliette (posté le 12/03/2013 à 14:29)

On croit connaître Roméo et Juliette, la scène du balcon, les familles qui se disputent, l'amour interdit, la mort, mais lire les mots de Shakespeare redonne à ce couple devenu mythe toute sa fraîchesse, toute son éternelle jeunesse, tout son insondable malheur. L'amour de Roméo et de Juliette, c'est la passion à son comble, le coeur qui chavire à l'instant même de la rencontre, l'union totale de deux êtres. C'est un amour auquel plus grand monde ne croit, c'est un amour sans limite, c'est un amour pur, le regretté Grand Amour. Comme toujours dans Shakespeare, le sang jonche la scène et les morts font des petits. La violence ne se cache pas, elle se déchaîne, malgré quelques rires incongrus, comme ceux de la grivoise nourrice, qui donnent à cette litanie de malheurs un instant de répis bien mérité. La scène finale, dans le tombeau, glace d'effroi. Shakespeare ne semble pas l'avoir écrite pour le théâtre, trop petit pour contenir tant de génie. Shakespeare y pressent le cinéma. Roméo et Juliette ont été odieusement kitchisés depuis, mais relire leur histoire leur redonne la force et la faiblesse de leur tragique humanité.

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26 février 2013 : William Shakespeare, Richard III (posté le 26/02/2013 à 14:53)

Orgie de meurtre, tourbillon de sang, condensé de tyrannie, cette pièce étourdit et passe trop vite. Richard veut le pouvoir, et il fait tout pour. Il assassine tous ceux qui l'y précèdent, ceux de sa propre famille, et, dans la flaque de sang, il plaisante, minaude pour obtenir une femme qui le maudit, comme il se doit, puis cède, comme il ne se devrait pas. Des fantômes viennent le troubler, parce qu'il lui reste un reste de conscience. Ils l'effraient. Il ne le écoute pas, et meurt, abandonné même par son cheval. Ce tyran-là est-il possible? Hélas, des noms viennent, plus récents, et ils demeurent aussi incompréhensibles, grotesques et glaçants que ce Richard sans âme, que rien ne retient dans le giron d'une humanité qu'il (et qu'ils) nient.

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13 février 2013 : Johann Wolfgang von Goethe, Faust (posté le 13/02/2013 à 14:30)

Le mythe de l'âme vendue au diable est bien connu. En croyant obtenir des bienfaits, on plonge de le malheur éternel. On signe l'acte tragique dès le début. On l'oublie un instant et on y replonge. Le Faust de Goethe n'est cependant pas une tragédie. On y rit, entre étudiants débauchés ou sorcières en sabbat, et on y folâtre, épris d'amour pour une Marguerite qui cède trop vite, et qui regrette ensuite amèrement la perte de sa vertu. Les temps et les moeurs changent. Bien sûr, la lecture ne laisse qu'imaginer les scènes grandioses, horribles ou secrètes. Les mots seuls ne suffisent pas. On a l'impression de lire un livret d'opéra, et d'ailleurs, c'est sous cette forme que se feront les meilleurs Faust...

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10 novembre 2012 : Friedrich Dürrenmatt, Le Météore (posté le 10/11/2012 à 22:06)

Seul le mourant ne meurt pas. Par deux fois, on le déclare décédé. Il se relève, et ce sont ceux qui viennent à son chevet qui meurent. Pourtant, lui, il ne veut qu'une chose, c'est mourir, et ceux qui viennent à son chevet ne viennent pas pour y pleurer. Il a beau être Prix Nobel, c'est un vieux misanthrope qui n'intéresse personne. Le défilé des victimes du faux mort est aussi macabre qu'absurde : un mauvais peintre dont le mort fait brûler les toiles qui représentaient sa femme nue, la femme en question qui a le privilège inouï de coucher avec un mort vigoureux, le propriétaire de la piaule à qui le mort fait croire qu'il a été l'amant de sa fidèle épouse, un pasteur qui croit voir le Christ, le médecin maladroit qui joue se réputation, et enfin, en fanfare, l'armée du salut qui chante l'alleluia glorieux d'un homme qui cherche juste à crever en paix. Tout cela est un bijou d'humour noir, un grinçant hymne à la vie, un baiser tendre à la mort qui vient.

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2 septembre 2012 : Jean de la Taille, Les Corrivaux (posté le 02/09/2012 à 21:03)

Ce qui semble être la première comédie française en prose n'est qu'un amusement bien sage et bien connu : des amoureux transis, des jeunes filles abusées à qui l'on ne demandent pas leur avis, un père avare, des valets comploteurs, une mère outragée par la grossesse de sa fille, tous les personnages de la comédie amoureuse sont là. La différence avec ce qui suivra, c'est que ce sont les pères qui gagnent, que le mariage arrangé y est célébré plutôt que critiqué, que les jeunes hommes ne sont que des impulsifs qui s'introduisent dans la chambre des jeunes filles de manière inconsidérée. La fin, qui contente tout le monde et que l'on connaît avant même le début de la pièce, célèbre un triple mariage de raison, sans la passion qui fera bientôt du théâtre un art enfin vivant. Tout cela n'est que balbutiant...

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24 août 2012 : Jean-Antoine de Baïf, Le brave (posté le 24/08/2012 à 13:14)

Il y a du progrès. Parfois, c'est même pas mal, ça. Les personnages sont ces stéréotypes que l'on aime, le valet finaud Finet, l'amoureux gentil, la dame peu farouche, le benêt Humevent, et le fanfaron, naïf et orgueilleux, qui se prend pour un héros et que l'on prend pour un blaireau. Bien sûr, la pièce consiste en une machination pour tromper le faux héros, amoureux de la fausse dame, avec changements de costumes, appartés moqueurs, quiproquos et final attendu. Bref, que du bonheur... Sauf que tout cela est bien trop pédagogique. On nous explique tout ce qui va se passer, de long en large et en travers, dans des discours interminables, et l'action, quand elle a lieu, passe si vite qu'on ne s'est pas aperçu du changement. Théâtre de mots, de phrases, de rhétorique qui sera sauvé par le geste, le costume, la mimique, quand les Italiens auront contaminé le sage théâtre français...

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16 août 2012 : Jean-Antoine de Baïf, L'Eunuque (posté le 16/08/2012 à 22:20)

L'obscur théâtre de la Renaissance française attend Molière pour éclater. Baïf, un de ces fameux poètes de la Pléiade éclipsés par Ronsard, s'essaie à la traduction, en octosyllabes, de Térence, et ça donne un truc assez pénible à lire (et sans doute encore plus à regarder) où l'on comprend plus ou moins qu'un type tombe amoureux d'une pucelle, se fait passer pour un eunuque, la viole, et finalement, sans que cela ne choque personne (les moeurs sont volatiles et les temps changent...), épouse cette pucelle qui ne l'est plus, sans d'ailleurs que ce personnages n'ait posé les pieds sur la scène. Théâtre de discours, statique, mou, dont le comique est lourdingue, cette pièce était tombée dans l'oubli. Qu'elle y retourne...

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