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          | Ecriture de soi

4 août 2015 : Michel Simonet, Une rose et un balai (posté le 04/08/2015 à 14:01)

Quand on est cantonnier, on se cantonne à ramasser, et ce cantonnement se transforme en liberté. Le balayeur à la rose raconte, dans le désordre, le petchi et le foutoir mais sans le moindre déchet, sa vie d'escargot à char-coquille parfumé de rose et de puanteur. Il s'invente des collègues poètes (Joachim du Balay et François Gravillon), fait renaître de son balai magique des lieux mythiques comme le Triangle des Bermudes, réfléchit à sa condition de travailleur de l'ombre en orange aveuglant, dresse l'inventaire à la Prévert de ses trouvailles, dont il parsème ce livre léger, sérieux et rigolo. Eloge du travail bien fait, avec la lenteur qui lui est nécessaire, et toujours à recommencer, ce petit livre lumineux ne passe pas inaperçu, un peu comme la rose mystérieuse que le passant fribourgeois regarde avec joie quand il la croise, trop pressé (comme une orange) pour s'arrêter. 

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20 mars 2015 : Georges Bernanos, Les grands cimetières sous la lune (posté le 20/03/2015 à 16:03)

Bernanos semble constamment marcher sur l'arrête d'une montagne, tout près du précipice où il voit que le monde tombe. Il assiste aux massacres épouvantables de la guerre d'Espagne et voit les siens, l'Eglise catholique à laquelle malgré tout il reste fidèle, sombrer dans le déshonneur, bénir les tueries, s'allier avec les diables Mussolini, Hitler et Franco. Son arme à lui, c'est la plume, une plume qui tire sur tous les médiocres, les politiciens français en particulier, et ceux de droite d'abord, qui au nom de la Nation sont prêts à se soumettre aux plus odieuses dictatures. Cela fait-il cependant de lui un homme de gauche? Loin de là. Il s'affirme royaliste et regarde la démocratie avec mépris. Bien sûr, ses mots semblent aujourd'hui d'un autre temps. On n'y adhère plus. Mais il a réussi à conserver son honneur au milieu de la guerre totale. Ils sont peu. 

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24 décembre 2014 : Hermann Hesse, L'Art de l'oisiveté (posté le 24/12/2014 à 16:23)

L'oisiveté est l'art de l'oiseau. Hermann Hesse se retire du monde et chante d'un air amusé, ironique ou émerveillé ce qu'il observe. Ce qui compte, pour l'oisif, c'est l'instant présent, un nuage du soir qui se croit poisson rouge, un concert de grande musique, une nuit d'insomnie aux bruits infinis, un retour éphémère dans la ville de l'enfance, un paysage peint dans un village tessinois, une forêt sous la neige. Bien sûr, Hermann Hesse ne peut que se désoler du rythme du monde. Quand il faut retrouver la frénésie des villes, le populisme des performances virtuoses, les sapins assassinés de Noël, c'est à contre-coeur, à contre-courant, ne courant ni après les honneurs ni après les hommes. Hermann Hesse a hâte de retrouver son coin perdu avant qu'il ne soit envahi par les touristes aveugles. Il se réjouit de passer des jours entiers à se passionner pour la couleur des zinnias. On l'envie. 

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19 juillet 2014 : Blaise Cendrars, Le Brésil, Des hommes sont venus (posté le 19/07/2014 à 16:36)

Qu'est-ce que le Brésil sinon le foot? D'abord, il a semblé à Cendrars et aux découvreurs que c'était un paradis, puis on est entré dans le pays, on y a trouvé des hommes, et parmi eux, un homme blanc, Caramuru le mystérieux, puis on y a trouvé l'Amazonie, la forêt sans fin que l'on tue pour y construire des villes, forêt qui un jour ou l'autre se venge, casse les pavés, renaît, gagne la partie. Du paradis terrestre on est passé à l'enfer vert. Pourtant, Cendrars aime le Brésil. Il en aime les hommes, les cariocas du Carnaval, les chercheurs pauvres de diamants, les négrillons de Copacabana, et rien ne lui est plus doux que les klaxons de Sao Paulo. Nature et civilisation se font la guerre au Brésil. On hésite à prendre part à la lutte et on se réfugie dans la religion football. 

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14 avril 2014 : Alberto Manguel, Journal d'un lecteur (posté le 14/04/2014 à 21:51)

Vagabonder à travers les livres que l'on aime, relire ceux qui sont indispensables, noter quelques réflexions au passage, voilà le projet de ce bouquin. Une année avec des chefs-d'oeuvres, des voix que la vie n'auraient pas dû exiler, de vieilles amours réincarnées, des vieux potes dépotés. Le lecteur du lecteur qui relit se lit lui-même à travers un autre et d'autres livres qu'il ne connaît pas ou qu'il avait oublié. Ce que raconte Manguel, bien sûr, me parle au plus au point, parce que lire est nécessaire, parce que la vie se crée dans les livres, qu'elle y trouve son langage et son sens, qu'elle s'y perd pour y retrouver ce qu'elle ne cherchait pas. Et si moi aussi, je tentais l'expérience, quels seraient les bouquins retenus? Il y aurait, comme chez Manguel, Don Quichotte, en souvenir d'une plage des Canaries, du soleil et des illusions d'un adolescent qui s'inventait des Dulcinées à tour de bras. Il y aurait aussi Les Misérables pour retrouver les larmes des mes quatorze ans à la mort de Jean Valjean. Il y aurait Derborence, seul dans les rochers, dégustation de l'âpre goût d'ici. Il y aurait Montaigne quand il emmêle le corps et l'esprit dans sa phrase sans fin. Et, parce que la longue phrase se remange avec plus de joie que les mots trop secs, je rajouterais, en vrac, Belle du Seigneur, La route des Flandres et La Recherche du Temps perdu. Terminons par un petit San-Antonio de derrière les fagots et le tour est joué. Mais on ne refait jamais vraiment le tour de ses lectures parce qu'on ne fait jamais vraiment non plus le tour de soi-même. Alberto Manguel, à la fin du livre, ne connaît pas encore sa prochaine aventure. Moi non plus. Ouf. 

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11 novembre 2012 : David Livingstone, Explorations dans l'Afrique australe (1840-1864) (posté le 11/11/2012 à 20:39)

Les récits du plus célèbre explorateur anglais en Afrique laissent deux impressions : d'abord, l'entousiasme pour l'aventure humaine, la remontée des fleuves dans des conditions très dure, la rencontre de populations hostiles ou accueillantes, la description fascinée des chutes Victoria; ensuite, la méfiance suscitée par un discours où l'on pressent la colonisation, l'idée de supériorité raciale, l'évangélisation forcée de gens qui ne demandaient qu'à continuer à vivre comme ils l'ont toujours fait. Livingstone part assurément avec de bonnes intentions et se laisse séduire par les peuplades dont il traverse les territoires, mais il reste ce sentiment de supériorité qui a si vite dégénéré en tyranie. Les anglais sont choqués par la traites d'esclaves noirs par les Arabes. Ils s'installent, puis se comportent guère mieux. Livingstone n'en est pas encore là. Il pose des jalons, naïvement.

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12 avril 2012 : Virgile Elias Gehrig, Soifs et Vertiges (posté le 12/04/2012 à 16:19)

Petites phrases qui font mouche ou qui tombent à l'eau, ces fragments de souffrances et de joies voyagent à travers l'esprit lucide et fou d'un homme qui écrit, hors des circuits en cul-de-sac d'une société qui noient le désir sous le plaisir insensé. Trop sérieux pour dire le rire ? Sans doute. Trop affirmatif pour les méandres d'une quête de sens ? Peut-être. Trop parsemés, au coeur de sa lucidité, de lieux communs? Hélas. Mais, à n'en pas douter, ça bouscule, ça pose la question obsédante d'écrire, ça élève le débat vers des sommets, l'amour et la mort, le Christ et la poésie, ces cimes si floutées par le vulgaire divertissement d'un monde qui prend pour du bonheur l'agitement frénétique et mécanisé des marionnettes que nous devenons quand la pensée se sclérose.

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24 février 2012 : Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, et autres lettres (posté le 24/02/2012 à 12:04)

Un poète qui écrit à un autre poète, et encore un autre qui le lit. Et pourtant, comme dans la chanson de Léo Ferré, la solitude. Rilke revendique sa solitude, il l'assume, il l'aime et il la partage à d'autres solitudes, d'autres plongées en soi-même pour y trouver, par un travail assidu, acharné, nécessaire, l'art, l'art de dire les choses, l'art d'écrire vrai, l'art d'écrire soi-même. Qu'est-ce qu'un poète? Un être qui vit dans l'impossibilité de ne pas écrire. Suis-je poète? Je ne suis pas assez seul, et trop fainéant. Les mots, pourtant, les traductions du réel qui passe en silence, remontent à la surfance, demandent à dire. Dire une rose, dire un regard, dire une motte de terre, dire un goût passager dans la bouche seraient le travail d'une vie, la recherche illusoire d'une vérité fuyante, la pierre sans cesse retombant qui rend Sisyphe heureux.

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18 février 2012 : Hector Berlioz, Mémoires (posté le 18/02/2012 à 09:04)

Plonger dans la vie exaltée d'un grand musicien donne à sa musique un supplément de coeur. Berlioz incarne à merveille l'artiste romantique, en est presque la carricature. Il s'enflame pour l'art et l'amour, les fusionne en une épouse shakespearienne, et pourfend, donquichotesquement, les moeurs musicales dissolues de ses contemporains, qui (horreur ultime, impensable aujourd'hui et dans l'esprit en avance de Berlioz) réarrangent les symphonies de Beeethoven et sont incapables de monter correctement la moindre petite oeuvre à mille exécutants du brave Hector, qui erre à travers l'Europe dans l'espoir de trouver un ophycléide jouant juste. Tantôt fleur bleue, quand, vieux, il réécrit au rêve amoureux de ses douze ans, tantôt féroce, quand il décrit comment le jury (des architectes et des scultpeurs...) déscernait le prix de Rome, quand il zozotte la méchanteté de Cherubini et de tous les directeurs d'opéras et de conservatoires, ou quand il énonce les compétences des musiciens qui ne l'aiment pas, Berlioz parvient à captiver un lecteur prêt à le suivre dans ses pérégrinations à travers l'Allemagne et la Russie et dans sa romanesque fuite de Rome pour tuer l'amant de son amie, fuite avortée, car Berlioz, toujours, revient à la musique, son émotion la plus vraie et son énervement le plus outrancier.

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4 octobre 2011 : Ernest Hemingway, Paris est une fête (posté le 04/10/2011 à 18:28)

Lecture en écho du dernier Woody Allen: Paris dans les années 20, la dèche, quelques génies de l'écriture qui tentent de sortir de l'ombre, des beuveries,des aventures un peu rocambolesques, les courses de chevaux et de vélos, les vacances en montagne, bref un âge d'or, une errance heureuse dans les rues d'une ville qu'on souhaiterait ressusciter, un bref retour au temps béni de la jeunesse. Le fusil qui tuera Hem' n'est pourtant pas loin. Son écriture ne laisse rien présager. Elle est toute de simplicité, centrée sur la justesse de la description de petits instants et de dialogues qui font que l'on sent, si longtemps après, si ailleurs, un petit vent agréable de ce Paris de rêve venir nous caresser l'esprit. Et ça fait du bien.

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