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| Critique

5 juillet 2009 : Pierre de Boisdeffre, La cafetière est sur la table ou Contre le "Nouveau Roman" (posté le 05/07/2009 à 21:05) |
"Non, Robbe-Grillet, vous n'êtes pas un romancier". Jugement sans appel. Je me suis creusé la tête pour rien. La Jalousie ? Un "piège à con". J'ai été con. Voire. Boisdeffre s'est sans doute fait avoir par Roland Barthes. A La Jalousie, le bouquin avec lequel il est le plus violent et celui qui me semble être la seule véritable réussite de Robbe-Grillet, il n'a rien compris. Il a vu une "littérature objective", des descriptions sans sens, une minutie d'ingénieur en ennui, là où il y a peut-être la folie obsessionnelle d'un homme, l'énonciation parasitée par la jalousie, le drame de celui qui est sans cesse sûr d'être trompétout en étant tout aussi sûr de se tromper lui-même. Mais au fond, la critique du Nouveau Roman, de la table rase opérée par les révolutionnaires des années 50 et 60, n'est sans doute pas une erreur. Robbe-Grillet est mort depuis longtemps, on est revenu à Balzac. Le Nouveau Roman est passé à côté de ses lecteurs parce qu'il ne pouvait être que l'expérience limite vouée à l'échec de quelques uns. Il ne pouvait pas faire école, mais juste témoigner qu'après 1945, tout, absolument tout, était à reprendre à zéro, que c'était une entreprise à la fois impossible est nécessaire. Etait-ce, comme le pense Boisdeffre, une moisissure qui s'étend sur la littérature ? Evidemment non. Ce serait faire porter le chapeau d'un monde en déliquescence à ceux qui, après autopsie, tentaient de le faire renaître sous une forme nouvelle. | |
2 juin 2009 : Jean-Luc Rispail, Les surréalistes, une génération entre le rêve et l'action (posté le 03/06/2009 à 09:37) |
"Surréaliste", aujourd'hui, c'est une insulte; ça signifie quelque chose comme "non-sens désagréable". On est bien loin de la Révolution prise au sérieux des Breton, Eluard et autres Aragon. Le souffle est retombé. Les surréalistes ne sont plus qu'une poignée d'hurluberlus rêvassant à une abracadabrantesque révolution de l'esprit qui s'est achevée dans la reprise de la vieille tradition de la poésie amoureuse pétrarquisante. Pourquoi ceux qui incarnaient entre les deux guerres le renouveau de la culture nous paraissent-ils aujourd'hui si ringards? Pourquoi leurs querelles incessantes autour du "hasard objectif" nous paraissent-elles si futiles? Pourquoi lit-on aujourd'hui leurs expérimentations poétiques qu'avec circonspection et incompréhension? Pourquoi les excommunications de Breton nous paraissent-elles si arbitraires? Pourquoi sommes-nous tentés de bazarder toutes les bizarreries de l'époque sous la commode étiquette "surréalisme" dont le sens s'est obscurci? Sans doute parce que le surréalisme a été un échec, qu'il est demeuré, contre sa volonté, un mouvement littéraire et artistique réservé à une élite snob. Il est frappant de constater que ce que l'on retient des auteurs et peintres surréalistes, les oeuvres qui nous semblent aujourd'hui les plus parlantes, se situent dans les marges d'un mouvement dont le centre de gravité est de plus en plus difficile à situer. | |
12 janvier 2009 : Claude Bourqui, La Commedia dell’arte (posté le 14/01/2009 à 19:18) |
Phénomène intéressant que ce théâtre à l’italienne qui a envahi l’Europe entière pendant près de deux siècles. Il s’agirait en fait, si l’on suit Claude Bourqui, de la première forme de théâtre moderne. Les comédiens italiens, au milieu du 16ème siècle, deviennent professionnels et cherchent à produire un théâtre rentable. Il faut que leurs spectacles plaisent à un large public, qu’ils soient adaptés aux divers lieux qu’ils fréquentent, qu’ils s’assouplissent pour varier les effets, qu’ils se libèrent de l’étreinte étouffante des textes d’auteurs. L’effet plutôt que l’intrigue, l’efficacité plutôt que la leçon de morale, le rire plutôt que la réflexion. Les comédiens eux-mêmes pondent des canevas, bribes de pièces sur lesquelles ils brodent, chacun dans son rôle. On raconte toujours la même chose, peu importe, ce sont les grosses ficèles qui marchent, les pitreries d’Arlequin, les fanfaronnades du Matamore, les soupirs de l’amoureuse (beaucoup plus érotiques qu’on ne se le représente, on s’éloigne ici du comique…), les ridicules du vieillard Pantalon. Faisons rire et pleurer dans les chaumières, on gagnera plus de sous. La télévision avant la lettre, le star système, le cinéma. Rien de nouveau sous le soleil aujourd’hui, une révolution à l’époque. On sort enfin du genre figé, la tragédie pour se catharsiser, la comédie pour s’améliorer les vices, on mélange le tout, on saute du coq à l’âne pour voir ce que ça donne comme effet sur le spectateur. Si ça marche, on en rajoutera un peu la prochaine fois, si ça foire, on laisse tomber. Bref, le théâtre prend vie et je me demande une nouvelle fois quel sens cela peut bien avoir que de lire les textes des pièces de théâtre. | |
1er avril 2008 : Jean-Paul Dekiss, Jules Verne, un humain planétaire (posté le 27/12/2008 à 15:05) |
Biographie richement illustrée de Jules Verne, ce livre a un principal intérêt, il donne envie de lire les romans de Jules Verne, de les décloisonner, des réadultifier. Verne, d'après Dekiss, c'est bien plus que cet auteur didactique pour adolescents que l'on s'imagine. Comme souvent dans la littérature dite pour jeunes, ce sont les adultes qui y prennent le plus de plaisir. Il ne faut surtout pas l'oublier au moment où on l'enseigne à des ados. Sans doute avons-nous tous idéalisé nos lectures de Jules Verne, lectures d'un passé mythique où nous découvrions ce monde fascinant du roman duquel nous ne sommes pas sortis mais que nous regrettons à chaque lecture, par nature décevante, ne retrouvant pas le vrai dépaysement que Jules Verne, croyons-nous, permettait jadis. Ô temps à jamais enfouis de l'identification... Cette biographie, en plus de pousser à relire (et à lire, parce qu'il faut bien admettre que j'ai très peu lu Jules Verne) cette oeuvre, nous pousse à redécouvrir l'époque de Jules Verne, ce dix-neuvième si souvent glauque et ennuyeux sur lequel Verne souffle un vent de fraîcheur (peut-être, je subis un peu la lecture de cette biographie élogieuse). Lire pour rêver, retourner aux fondements de la lecture, belle tentation à laquelle, si j'avais le temps, je céderais. On a toujours le temps... | |
16 janvier 2008 : Jacqueline de Romilly, Jacqueline de Romilly raconte l’Orestie d’Eschyle (posté le 27/12/2008 à 11:21) |
Belle synthèse de la trilogie, insistance sur la question centrale de la justice, progression constante vers une justice plus humaine. Petit à petit fait place à la justice vengeresse des anciens dieux, ces terribles Erynies qui poursuivent les meurtriers, la justice argumentée, précautionneuse, responsable, des hommes, soutenus par les dieux nouveaux, lumineux, Apollon, Athéna. La chaîne de la violence est brisée : « tout le sens de la trilogie est d’arrêter enfin cette continuité en faisant qu’Oreste soit acquitté et qu’un nouveau droit, une nouvelle façon de régler le cas des fautes humaines, entre en vigueur à la fin de la trilogie ». A la haine se substitue ce que l’on appelle aujourd’hui la justice, le châtiment certes, mais pas de manière arbitraire et violente. On se met à argumenter. Comment faire passer ce message aux élèves ? comment leur faire piger que L’Orestie, si étrangère pour eux (et pour moi), leur parle de choses qui les concernent ? Il va falloir scruter le texte, le malaxer, tirer de lui le plus possible. Deuxième élément sur lequel Jacqueline de Romilly met l’accent : les chœurs, leur rôle toujours plus actif, simples commentateurs la plupart du temps dans Agamemnon, conseillers dans Les Choéphores, véritables personnages dans Les Euménides. Là encore, il faut que je me mette au boulot, que je repère ce que je veux faire repérer demain, déjà, aux élèves. Au travail. | |
20 mars 2007 : Roland Barthes, Le plaisir du texte (posté le 23/12/2008 à 21:20) |
Le temps est venu de regarder ce texte de plus près, c'est-à-dire au plus près de mon propre plaisir à le lire, afin de rédiger enfin ces cinq ou six dernières pages de mes études de lettres. Comment vais-je planifier mon propos ? Comment écrire un texte construit, planifier, explicatif, rationnel, académique, estudiantin, à partir de fragments ? Expliquer le texte serait le trahir. Pour bien, il faudrait moi-même écrire par fragments, mais voilà, c'est un travail universitaire que je dois pondre, un texte stéréotypé, le contraire même d'un texte de plaisir. Planifions donc, à contre-coeur, en essayant de garder à l'esprit qu'expliquer Barthes, ce n'est que faire semblant de le comprendre. Deux notions, donc, intimement liées : le plaisir et la jouissance, tantôt distinguées nettement, tantôt se rejoignant. Tentons des définitions ou plutôt empruntons à Barthes lui-même des définitions : "Le plaisir du texte, c'est ça : la valeur passée au rang somptueux de signifiant". Qu'est-ce que ça veut dire ? Schématisons, provisoirement : le plaisir du texte (de manière générale, la jouissance pouvant être parfois considérée comme une simple composante du plaisir) s'oppose au pouvoir (cf La Leçon), c'est-à-dire, à la langue en tant qu'institution qui force le discours, quel qu'il soit, à être idéologique, donc fasciste. Le plaisir du texte, si tout discours est idéologique, ça se trouve où, alors ? Réponse de Barthes, difficile : le plaisir du texte est atopique, il n'est pas localisable, il est hors-langage même s'il est à l'intérieur, il est ce qui dans le langage remet en cause le langage en effaçant tout métalangage, en détruisant sa propre catégorie discursive, ou (Barthes, et l'on sent en soi monter le plaisir, rajoute "s'il en a envie") en s'attaquant aux structures canoniques de la langue elle-même. Bref (je ne peux que citer, sans toujours tout comprendre) le plaisir du texte se vit dans un "état philosophal de la matière langagière", donc au moment où la valeur, ce suppôt du pouvoir (frigide par définition), trouve sa place non comme habituellement dans le signifié mais dans le signifiant. Revenons, car ce que je fais n'a rien ni d'un schéma, ni d'un plan, je m'en doutais, à la distinction entre plaisir et jouissance. Ces deux forces sont des "parallèles qui ne peuvent se rencontrer", elles se contredisent sans s'opposer, le plaisir étant de l'ordre du comblement, de l'euphorie, du confort, alors que la jouissance, c'est la secousse, l'ébranlement, la perte. Le sujet jouit en même temps de ces deux composantes de ce que Barthes nomme le Tout-Plaisir. Il jouit de la consistance de son moi et de sa perte, ce qui, pour Barthes, est doublement pervers, car, il faudra rajouter ça dans mon analyse, il y a un rapport étroit entre plaisir et perversion, puisque le plaisir du texte, en ce qu'il s'oppose au fascisme des discours, à la répétition honteuse qui fait croire qu'un même mot est à sa place pour dire tout et son contraire (l'immonde stéréotype), ne peut que subvertir l'ordre établi, non en établissant un ordre nouveau, mais en radicalisant la nouveauté. La jouissance est liée à la nouveauté, ne l'oublions pas dans notre analyse, qui pourra ainsi convoquer pour faire bien, pour prostituer mon dernier texte universitaire, pour flatter bassement la culture de Thomas Hunkeler, le Nouveau Roman, Alain Robbe-Grillet et compagnie. Donc, les ingrédients de la recette : plaisir contre pouvoir et discours idéologique, plaisir et jouissance en parallèles injoignables, perversion, érotisme, signifiant contre signifié, mélanger le tout en un texte qui évite à la fois d'être un texte de plaisir et de ne pas en être, draguer notre lecteur tout en sachant qu'il s'agit d'un professeur d'université et de trois minables crédits ECTS. | |
6 février 2007 : Roland Barthes, Le plaisir du texte (posté le 22/12/2008 à 20:48) |
Six ans d'études en littérature française, à quoi bon ? Dernier petit travail à faire, ceci, Le plaisir du texte, en venir enfin à l'essentiel, même si rien n'est essentiel sinon l'accidentel, la jouissance qui vient là où on ne l'attend pas, comme dans la vie (la lecture est dans la vie et les lettrés l'oublient pour oublier qu'ils prennent du plaisir à lire). Barthes, ça se lit avec plaisir, ça se déguste, ça se caresse, ça granule, ça grésille, bref ça illustre ses propos. La théorie littéraire, ô barbante des barbantes à l'ordinaire, devient fête, parce que l'écriture, celle de Barthes lui-même, est le kamasutra du langage (quel plaisir que de lire de tels propos !). L'écriture et la lecture, nécessaires l'une à l'autre, s'érotisent enfin, et l'auteur, jadis tué par Barthes lui-même, renaît dans le fantasme et dans le rêve du lecteur, car l'auteur, comme Dieu, ça ne se vénère pas, ça se désire, ça se rêve et ça s'aime. Lire n'a de sens que si j'y prends du plaisir, que si cette activité devient pour moi sensuelle, que si les mots de papiers ont des odeurs, pas les odeurs de leurs signifiés, peu importe qu'une rose de roman sente la rose ou la merde, mais les odeurs de ma liberté devant le texte, disons mieux, dans le texte, car le lecteur est dans le texte, il s'y projète, il se laisse caresser par la voix de l'auteur, le fameux grain de la voix, et par le monde rêvé dans le texte, porte ouverte sur l'effacement et sur l'abondance, refonte de la vie banale, ailleurs, nulle part. Lire (je m'éloigne de Barthes car on ne peut écrire la lecture qu'à partir de soi-même, de sa propre expérience, ce que j'essaie de faire depuis bientôt un an), c'est (en fait je reviens à Barthes) donner corps au texte. Si le texte lu n'a pas pris corps, si je n'ai que nourri ma cervelle, je perds mon temps mais il n'empêche que je lis, que je suis toujours, sans cesse, un livre à la main, que j'en traverse plusieurs à la fois et que je sens dans mon corps et mon esprit qu'un bon livre, c'est celui qui fait battre le coeur un peu plus vite ou celui qui noue l'estomac sans que l'on sache pourquoi, juste parce que le texte pénètre le corps. Et l'esprit, affolé, poussé dans ses derniers retranchements, jouit de son anéantissement, car le but de la lecture, si rarement atteint, c'est l'orgasme, rien de plus, rien de moins. Le reste, le savoir et son désir, la communication des idées et de la pensée, la représentation d'un monde inconnu, ça n'est qu'un moyen ou qu'une compensation, parce que la vraie jouissance du texte et le vrai plaisir du lecteur, tout est fait, hélas, pour qu'on n'y succombe pas. | |
26 décembre 2006 : Daniel Pennac, Comme un roman (posté le 22/12/2008 à 17:48) |
Encore une fois, une lecture qui pose la question de la lecture, y répond même, presque. Comparer Pennac à Barthes ? Foin ! Ils disent, l’un pour les fortes têtes, l’autre pour les enfants, la même chose, qu’au cœur de la lecture, il y a le plaisir et non le devoir, que l’on lit comme on aime, que « le temps de lire, comme le temps d’aimer, dilate le temps de vivre », que lire (je parle de Pennac, mais il semble, mais mes lectures sont en cours, que Barthes, après mille savants détours, aboutit à la même conclusion), c’est vivre, pas apprendre (sauf quand, souvent, apprendre, c’est vivre). La question posée est au cœur de mon futur métier, celui de « pédagogue » : comment faire aimer la lecture ? Comment rendre possible pour d’autre le plaisir que j’ai à lire ? Comment faire que d’autres, malgré l’extrême difficulté de certains pavés, les lisent avec la même passion que moi ? Car, bien sûr, sous les pavés, dans les pavés, il y a la plage, celle de Balbec dans la Recherche, type même du livre qu’on ne peut
pas faire lire par obligation mais que l’on doit faire désirer. Qu’un élève lise, spontanément, La Recherche du temps perdu, qu’il entre, malgré la densité de la page proustienne, dans ce monde qui transforme l’intérieur du lecteur et enseigner la littérature, en parler, en donner un aperçu par la lecture à haute voix des textes n’aura pas été vain. Qu’un autre se plonge dans Belle du Seigneur, qu’un troisième saute la description de la bataille de Waterloo dans Les Misérables, mais pleure en lisant la mort de Jean Valjean, comme ce fut mon cas à quatorze ans, et toutes les réflexions savantes deviennent du pipeau, du vient-ensuite, souvent nécessaire, mais toujours secondaire. Cette lecture de Comme un roman a un intérêt direct, puisqu’en ce moment, je n’ai qu’une envie, me plonger, une fois de plus, dans un pavé, n’importe lequel, dans une aventure de lecture, dans un monde nouveau, inédit, merveilleux, dans une histoire d’amour qui piquera au temps passé à accomplir mes obligations (du genre terminer mes études), un peu de temps gagné, car, laissons causer le livre, « le temps de lire est toujours du temps volé. (Tout comme le temps d’écrire, d’ailleurs, ou le temps d’aimer.). Si on devait envisager l’amour du point de vue de notre emploi du temps, qui s’y risquerait ? Qui a le temps d’être amoureux ? A-t-on jamais vu, pourtant, un amoureux ne pas prendre le temps d’aimer ? ». Lisons, donc, et aimons, ça créera plein de problèmes, mais la vie, citons encore et toujours, gavons-nous des mots des autres, « c’est ce qui vous arrive alors que vous étiez en train de prévoir autre chose » (Jeanne Moreau). Mais il est temps pour moi, vite, je ne sais pas pour combien de temps, de rejoindre Georges Pérec.
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17 novembre 2006 : Roland Barthes, Critique et vérité (posté le 22/12/2008 à 13:15) |
« « Toucher » à un texte, non des yeux, mais de l’écriture, met entre la critique et la lecture un abîme, qui est celui-là même que toute signification met entre son bord signifiant et son bord signifié. Car du sens que la lecture donne à l’œuvre, comme du signifié, personne au monde ne sait rien, peut-être parce que ce sens, étant le désir, s’établit au-delà du code de la langue ». Que fais-je en ce moment ? Que fais-je depuis neuf mois ? Roland Barthes complique les choses. Je ne fais pas, ne soyons pas naïf, que de noter des impressions de lecture, même si c’est sans doute ce que j’ai voulu faire. Je fais bien plus, je tente d’ouvrir un champ de sens (peut-être parfois plusieurs), celui qui me frappe après (jamais pendant, sinon dans une pensée pré-écritoire) la lecture. Bref, j’agis en critique, en critique minimal sans doute, écrivant bien souvent loin de l’expérience de lecture et même du texte lu. Agis-je en « nouveau critique » ? ou en « nouveau nouveau critique », comme il aurait pu y avoir un « nouveau nouveau roman » ? A vrai dire, je n’en sais rien, mais il est sûr que j’adhère aux critiques formulées contre l’ancienne critique, que j’essaie inconsciemment et imparfaitement de ne pas tomber dans les travers des « certitudes du langage », de la « cohérence psychologique » et de la « clarté ». J’adhère également pleinement au fait que mon activité, en rédigeant ces commentaires de lectures, est une activité d’écrivain, qui met en cause (pas assez, me semble-t-il) le langage, qui cherche plus des ambiguïtés à la Faudemay (il faudrait relire les pages qui précèdent, peut-être suis-je en train de surestimer mes commentaires de dilettante) que des vérités toutes faites à la Giraud. Par contre, il y a un point, central, qui me pose problème, dans la théorie de Barthes, c’est celui du sujet ou plus précisément de son absence, parallèle à celle de l’auteur. Est-il vrai d’affirmer que « la littérature n’énonce jamais que l’absence du sujet » ? Que veut-il dire au juste par là ? Comment définit-il cette notion ambiguë de sujet ? C’est sans doute sur ce problème qu’il va falloir palabrer lors des prochaines semaines du colloque prétexte à cette lecture vivifiante pour le critique pas trop naïf que j’aimerais être, le lecteur que je suis l’étant déjà assez, comme l’est tout lecteur. | |
2 novembre 2006 : Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture (posté le 09/11/2008 à 22:11) |
Ecrivons sur l'écriture afin d'en parler, paradoxe ? Ceci est le brouillon d'un mail qui ne lui ressemblera pas. Quelles questions poser, puisque telle est la consigne, en colloque, à mes camarades ? Barthes distingue l'écriture du langage et du style afin de dégager une liberté chez l'écrivain, qui ne peut se situer ni dans un horizon, la langue, ni dans une "structure charnelle" productrice du style. L'écriture procède d'un choix (elle serait donc bien autre chose que le "discours" de Foucault ?), elle a donc une valeur morale. C'est (je résume stupidement mais ça m'est nécessaire) une "morale de la forme" ; c'est (citons puisque j'ai pris des notes, en bon étudiant prémasterisé) "le choix de l'aire sociale au sein de laquelle l'écrivain décide de situer la Nature de son langage". Question première, fondamentale sans doute : ce choix est-il possible ? L'écriture libre n'est-elle pas une utopie ? Bribe de réponse dans la phrase finale du texte : "la Littérature devient l'Utopie du langage". Le choix premier de l'écrivain, sa liberté initiale se trouvent systématiquement confrontés aux limites de son temps, de sa classe sociale (employons ce terme antédiluvien puisque Barthes est encore, en 1954, en pleine vague marxisante et en plein dans l'écriture qui en découle) et, sans doute (Barthes le dit-il ?), de la forme adoptée, puisque le choix de l'écriture (je bouleverse l'ordre du texte, mais peu importe, ceci est un brainstorming), alors que la modernité a pour particularité de multiplier les écritures, "fait de la forme une conduite et provoque une éthique de l'écriture". Bref, mon discours se mord la queue. Je me résume : l'auteur choisit une forme et se trouve confrontée à celle-ci, au fait, je rajoute de mon propre cru, qu'il ne crée pas cette forme mais qu'il l'emprunte (à qui ?). Reposons donc la question : la liberté de l'écrivain existe-t-elle vraiment ? Tiens, voilà une réponse, dans mes notes : "L'écriture, libre à ses débuts, est finalement le lien qui enchaîne l'écrivain à une Histoire elle-même enchaînée : la société le marque des signes bien clairs de l'art afin de l'entraîner plus sûrement dans sa propre aliénation". Ce qui me pose problème, c'est cette liberté initiale. Il me semble que l'éthique présente dans la forme des textes tient de l'inconscient, qu'elle n'est donc pas une éthique et que l'écriture n'est qu'une variante du style, une nécessité (c'est-à-dire une éthique au sens kantien du terme ? Encore une fois je souffre de ne pas avoir assez lu de philosophie). Je me retrouve donc au seuil du point de départ. Ce qui manque cruellement au texte de Barthes, notamment à ses développements sur la différence entre une écriture classique qui est un art social de l'expression, une rhétorique supposant un langage quasiment mathématique où ce sont les rapports entre les mots qui comptent et non les mots eux-mêmes, devenus centraux dans la poésie (pas uniquement sans doute) moderne, où les rapports entre les mots ne sont que l'extension des mots eux-mêmes, c'est des exemples, des preuves, un étayage de propos certes intéressants mais invérifiables. Finalement, en guise de conclusion provisoire, je dois bien avouer que le but de l'essai de Barthes, "affirmer l'existence d'une réalité formelle indépendante de la langue et du style", ne me semble pas atteint. Qu0est-ce qui m'échappe ? Ou peut-être, qu'est-ce qui échappe à Barthes ? Et encore, quelles questions poser au beau Thomas Hunkeler, puisque ce brouillon brouille plus qu'il n'éclaire ma pensée ? | |
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