|
| Histoire
16 mai 2016 : Jacques Le Goff, Faut-il vraiment découper l'histoire en tranches? (posté le 16/05/2016 à 14:09) |
Les questions de périodisation, en histoire, semblent réglées depuis belle lurette : Antiquité, Moyen Âge, Renaissance… Ce petit livre remet en cause ce découpage en montrant pour commencer qu'il est beaucoup plus récent qu'on ne se l'imagine, puis en essayant de prouver que la Renaissance n'est que la dernière partie du Moyen Âge, qui, selon Jacques Le Goff, se termine au dix-huitième siècle, avec les Lumières, l'Encyclopédie et la Révolution. Le retour à l'Antiquité, auquel on a donné tant d'importance, est une constante au Moyen Âge, qui a connu en fait plusieurs renaissances. L'humanisme? Déjà en route depuis longtemps. Les grandes découvertes? la boussole, au Moyen Âge. Bref, la Renaissance fait partie du Moyen Âge. Convaincant? A méditer en tout cas… | |
14 mai 2016 : Jacques de Saint Victor, Blasphème, Brève histoire d'un "crime imaginaire" (posté le 14/05/2016 à 20:19) |
Retracer l'histoire du blasphème, c'est retracer l'histoire de la liberté. Ce crime imaginaire (insulter un être dont rien ne prouve qu'il existe) est autant politique que religieux. Il connaît son heure de gloire au moment où les rois se proclament de droit divin, car il devient un crime de lèse-majesté : si j'insulte Dieu alors que c'est Dieu qui légitime le pouvoir du roi, je deviens un traître et mon crime est donc très grave. Dès que naît la démocratie, dès que le pouvoir tire son origine du peuple, le blasphème retrouve son caractère imaginaire : en insultant Dieu, j'insulte à nouveau un être auquel chacun est libre de croire ou non. Mais en insultant Dieu, en disant du mal des religions, en en montrant les côtés sombres, est-ce que j'insulte par la même occasion les croyants? Là semble être le débat à l'heure actuelle. Ce livre prend une position claire : dire du mal d'une religion est une liberté fondamentale et ne constitue pas une insulte aux croyants. Cette position est difficile à tenir, on lui opposera le choc, la conviction intime, la blessure, bref que des arguments émotionnels, parce qu'au niveau rationnel, les religions ont perdu la bataille depuis belle lurette. Le problème, c'est que l'être humain, fondamentalement, n'est pas rationnel. | |
1er mai 2016 : Eric J. Hobsbawm, L'Âge des extrêmes, Histoire du court XXe siècle (posté le 01/05/2016 à 09:28) |
Si le vingtième siècle fut court, il fut néanmoins bien plein, trop plein même. Hobsbawm le divise en trois périodes : l'ère des catastrophes, 1914-1945, le monde à feu et à sang; l'âge d'or, ces trente glorieuses qui nous semblent de plus en plus lointaines et miraculeuses; la débâcle, qui aboutit à la chute du communisme mais en aucun cas à la victoire du capitalisme. L'historien observe les évolutions politiques, économiques, culturelles, scientifiques ou encore démographiques du monde. Ses observations, nombreuses et parfois hors des sentiers battus, tentent de donner du sens à ce siècle qui commence si mal et qui ne finit pas beaucoup mieux, elles cherchent des mécanismes, des explications au mouvement d'accélération qui nous dépasse de plus en plus, elles essaient d'ouvrir des perspectives sur le nouveau siècle qui s'ouvre (le livre est écrit au début des années 1990). Bien sûr, ces perspectives ne sont pas glorieuses (l'âge d'or n'a été qu'une parenthèse), parce que le capitalisme n'a pas battu le communisme, comme on le croit volontiers à l'époque, et comme les quelques aveugles qui nous gouvernent le croient encore, le capitalisme aussi, à la fin du siècle, est en train de s'effondrer, de tuer la planète et l'humanité. Sa conclusion? Il faut changer. Quoi et comment? Là, l'historien avoue son impuissance. La nôtre n'est pas moins grande. | |
30 janvier 2016 : Ignacio Ramonet, L'Empire de la surveillance (posté le 30/01/2016 à 08:49) |
Nous sommes donc surveillés en permanence par des machines. Big Brother est devenu réel. Il est l'alliance monstrueuse de la Silicon Valey et de la NSA. Il vend nos vies à l'Etat, qui détient des millions de données sur chacun de nous. Ce dont les totalitarismes rêvaient, les démocraties l'ont fait. Voilà ce que ce livre cherche à montrer. Faut-il le croire? N'exagère-t-il pas? N'y a-t-il pas un taux de surveillance acceptable? J'avoue rester dubitatif, mais il est néanmoins très inquiétant de constater que ce sont des logarithmes qui nous fichent à partir de mots tirés au sort dans notre quotidien connecté. Est-on efficace contre le terrorisme - c'est-à-dire contre tout ce qui déplaît aux Etats, tant ce mot fétiche est usé et abusé - en cédant le contrôle à des machines? L'Etat se protège-t-il vraiment quand il fouine dans la vie de ses citoyens? La vie privée est-elle vraiment en phase d'obsolescence programmée? L'irruption éclair d'Internet pose plus de question pour l'instant qu'elle n'en résout. Ce livre a l'avantage, même s'il semble parfois outrancier, de mettre le doigt sur certaines de ces questions. | |
13 janvier 2016 : Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal (posté le 13/01/2016 à 19:36) |
Comment juger les criminels nazis? Comment établir leur part de responsabilité dans la machine de l'extermination? Ces criminels sont-ils des monstres ou des personnes ordinaires que le hasard a perverties? Les questions posées par Hannah Arendt sont redoutables. En décrivant le procès d'Eichmann, elle esquisse des réponses. Elle suit l'accusé dans sa minable carrière qui se mue en planification de la mort et montre son incapacité à se souvenir de l'essentiel et à comprendre à quel point ses actes sont odieux. Elle montre aussi comment l'accusation souvent ne s'intéresse pas directement au cas Eichmann ou comment elle surestime son rôle. Elle montre encore que les catégories juridiques habituelles deviennent obsolètes quand il s'agit de la Shoah. Eichmann prétend, comme tous les criminels nazis, n'avoir fait qu'obéir aux ordres, mais comme le système nazi en lui-même est criminel, obéir au moindre ordre qui en émane n'est-il pas également criminel? On se retrouve, à la fin de cette lecture, avec plus de questions encore qu'au début. C'est qu'un tel événement historique ne peut que nous interroger sans fin sur qui nous sommes. | |
16 décembre 2015 : Georges Vidal, Histoire des communismes au XXème siècle (posté le 16/12/2015 à 22:07) |
Le communisme, cela semble bien loin, alors que le pays le plus peuplé du monde se réclame encore de lui. Il semble, à l'heure du libéralisme économique triomphant, que son vieux rival vaincu n'a jamais fait le poids. Pourtant, on ne peut rien comprendre à l'histoire du vingtième siècle sans y prendre en compte le surgissement - enfant de la Première Guerre mondiale, de la misère, du despotisme et de l'espoir -, la montée en puissance puis le déclin du communisme. Ce livre ne parle d'ailleurs pas du communisme mais des communismes, car ce mouvement a toujours été divisé, il a toujours été en guerre interne et il n'est pas mort sous l'assaut de l'ennemi mais en se sabordant lui-même, en se divisant en groupes antagonistes tellement petits qu'ils en sont devenus insignifiants. Faut-il, maintenant qu'on en est revenu, abandonner les communismes dans les oubliettes de l'histoire? Faut-il n'en retenir que les crimes? Si tous les communismes furent un échec terrible pour des millions de gens, ils ont néanmoins tenté de fonder un monde nouveau. A coup sûr renaîtront des avatars du communisme. Espérons-les meilleurs que leurs ancêtres. | |
9 septembre 2015 : Michel Pastoureau, Bleu, Histoire d'une couleur (posté le 09/09/2015 à 22:03) |
Le bleu est aujourd'hui la couleur préférée de la majorité de la population alors que dans l'antiquité, cette couleur n'existait presque pas. Ce petit livre qui brasse teinturerie, héraldique, science, peinture, religion ou encore politique montre l'apparition progressive de la couleur bleue, d'abord en fond de scène, puis de plus en plus à l'avant quand elle devient la couleur de la Révolution française, puis celle des Républicains, puis enfin celle des Conservateurs, se déteignant petit à petit, perdant petit à petit son caractère fort. Le bleu aujourd'hui plaît parce qu'il calme et parce qu'il ne fait pas de vague. S'il a notre préférence, c'est parce qu'il ne porte pas le poids de symboles des couleurs saturées d'histoire, que sont le rouge, le noir ou encore le blanc. | |
23 août 2015 : Michel Pastoureau, Noir, Histoire d'une couleur (posté le 23/08/2015 à 13:48) |
Faire l'histoire d'une couleur, c'est en même temps faire l'histoire des mentalités, celle de la mode, celle de la science et - j'en oublie - celle de la religion. Le noir, dans le système des couleurs, a une place très particulière. Tout d'abord, est-il une couleur? Michel Pastoureau montre que cette question a obtenu des réponses diverses au cours de l'histoire, que le noir fut au départ la couleur fondamentale, tout étant issu des ténèbres. Ensuite, il semble être devenu une couleur parmi d'autres, associée au mal mais pas seulement. Il fut porté en signe de richesse par les nobles au temps où les fourrures de zibelines étaient les plus chères, puis adopté par tous ceux qui voulaient se donner l'air sérieux. Quand échappe-t-il à nouveau au monde des couleurs? Lorsque Newton ne le voit pas dans le spectre des couleurs. Le noir et blanc commencent alors à s'opposer à la couleur, au point qu'il semble que jadis on vivait en noir et blanc… Aujourd'hui, le noir a retrouvé sa normalité . On le voit partout mais sans qu'il ne choque. On ne s'habille même plus toujours de noir aux enterrements. | |
6 août 2015 : Antoine Sfeir, L'islam contre l'islam, L'interminable guerre des sunnites et des chiites (posté le 06/08/2015 à 11:56) |
Vue de loin, l'islam, ça paraît simple : un Dieu, un prophète, un livre sacré, cinq piliers, des gens plus ou moins fanatiques. Ce petit livre montre que, comme on s'y attendait, c'est plus compliqué, que l'islam se composent de mouvements antagonistes qui ont chacun leur histoire et leurs traditions. Pour un sunnite, un chiite est un hérétique, et vice-versa, sans compter qu'à l'intérieur des deux grandes tendances, il y a mille groupes plus ou moins imbriqués. Aujourd'hui, après des siècles de sommeil, la vieille guerre interne à l'islam renaît et déborde le monde musulman. L'Iran chiite retrouve une place de premier rang, au grand dam des sunnites d'Arabie. Les populations se retrouvent prises entre deux feux, ou plus, et la violence s'installe, sans doute pour longtemps, parce que les guerres de religions se passent d'abord dans les têtes et que dans beaucoup d'entre elles la confusion et le fanatisme se mélangent pour mieux se déchaîner dans la violence. L'islam contre l'islam peut-être ne disparaîtra-t-il qu'à la mort de l'islam. | |
31 juillet 2015 : Edward W. Said, L'Orientalisme (posté le 31/07/2015 à 16:03) |
La question des rapports entre l'Orient et l'Occident, tout le monde voit bien qu'elle est cruciale aujourd'hui. Ce que montre Said, c'est que tout ce que l'on raconte, ou presque sur "l'Orient" (les guillemets sont la conséquence logique de sa démonstration) est biaisé par la tradition orientaliste, qui est une des formes de la domination de l'Europe, puis des Etats-Unis, sur le monde. L'intérêt pour le monde arabe a toujours été, d'après les nombreux exemples que décortique Said, une manière de mettre à distance l'Autre, de lui nier la possibilité de prendre la parole lui-même pour établir sa propre identité, de s'en méfier comme d'un être inférieur, décadent, dangereux. Sommes-nous sortis de ce regard qui louche? Tout montre que non. L'Arabe, essentialisé comme terroriste, fanatique ou soumis à un islam simplifié à l'extrême, continue à être perçu sans nuance. Bien sûr, certains individus bruyants, tendent le bâton pour qu'on les batte. Bien sûr, les Orientaux aujourd'hui se défendent ou pire, attaquent, mais tant que, partout, on campera sur une vision du monde qui sépare de manière imperméable les "civilisations", on continuera à ne rien comprendre à l'Orient, à le fantasmer et à le détruire tant et si bien que lui-même nous (qui est ce nous?) détruira à notre tour. | |
Supprimer les publicités sur ce site pendant 1 an
|