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          | Philosophie

1er mars 2015 : Amin Maalouf, Les identités meurtrières (posté le 01/03/2015 à 09:18)

Il est des lectures dont on ne sait pas trop quoi penser. Celle-ci me laisse perplexe. Bien entendu, je suis d'accord avec la plupart des propos de l'auteur, qui rappelle que l'identité est multiple, qu'elle ne doit pas se construire en excluant l'autre, qu'elle doit intégrer la diversité et ne pas se braquer sur une seule de ses composantes, que ce soit la religion, la nationalité ou la langue. Mais tout cela me paraît tellement évident, tellement banal, que j'en aurais voulu plus, que j'aurais aimé que l'auteur cesse parfois de chercher l'impossible équilibre de la relativité, qu'il oublie de prendre des pincettes, qu'il ne ménage pas la chèvre et le chou, qu'il affirme une identité moins consensuelle. Son analyse de la mondialisation, qui à la fois unifie autour des Etats-Unis et diversifie notre vision du monde, semble judicieuse, mais elle sonne comme déjà entendue, comme reprenant les clichés habituels. L'identité de l'homme mondialisé reste à créer. Ce petit bouquin n'en est qu'une ébauche. 

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14 février 2015 : Voltaire, Lettres philosophiques (posté le 14/02/2015 à 17:11)

Voltaire touche à tout. Il se mêle de tout, réfléchit, donne son avis sur tout. En Angleterre, il admire Newton et quelques originaux, quakers ou poètes. Puis il en vient à la politique, pour mieux dézinguer l'absolutisme à la française, s'intéresse à la science, pour lui donner l'avantage sur la religion, se confronte à Pascal, pour répondre à des pensées qui décidément sont trop pessimistes. Bref, Voltaire toujours pense. On a perdu beaucoup du contexte, mais on applaudit au principe : toute chose vue nécessite réflexion. Et on se dit qu'on aurait besoin de quelques Voltaire de plus à notre époque. 

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31 janvier 2015 : Gaston Bachelard, L'Air et les Songes, Essai sur l'imagination du mouvement (posté le 31/01/2015 à 15:35)

Penser l'imaginaire, c'est s'envoler. Bachelard, même dans l'insaisissable, dans le vent, dans le nuage, s'attache (se tache) à la matière. Ici, c'est la matière en mouvement, la matière qui veut échapper à sa pesanteur, la matière qui se refuse à elle-même. Des ailes naissent sous les talons, le regard se tourne vers le haut, vers la lumière, l'arbre s'étire jusqu'au ciel, il nous berce dans l'air, il nous donne l'impression d'échapper à la terre. L'élément air est l'élément le moins concret. Il a besoin de plus de rêverie que les autres. Il a besoin de fuir sans cesse. Pour le saisir, nous avons besoin de bouger dans tous les sens, de déployer une énergie qui ne sait pas ce qu'elle cherche, de vivre en volant. Le souffle des mots nous y aide car les mots eux-mêmes sont de l'air, tels ces mots vie et âme, qui sont l'inspiration et l'expiration, la naissance et la mort, l'envol et la chute. 

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22 décembre 2014 : Gaston Bachelard, L'Eau et les Rêves (posté le 22/12/2014 à 16:08)

Qu'est-ce que l'eau pour l'homme? Que suscite-t-elle en lui? Quels sont les rêves de l'eau? L'enquête de Bachelard plonge profond (d'emblée la métaphore est omniprésente) dans l'impensé liquide. Il cherche, à travers les mots des poètes, les sens (l'essence, la distillation, l'évaporation) de cette matière fuyante ou stagnante, calme ou rapide, pure ou pâteuse. Il y voit la vie sereine et l'appel de la mort, le miroir et le trouble, le sang et le lait. L'eau est une matière féminine, maternelle, originelle. Elle rassure et elle gronde. Elle est toujours douce. L'eau de mer est-elle vraiment de l'eau? Seulement si, me dis-je, elle devient eau de mère, lait onctueux dont on ne se lasse pas. L'enquête cherche aussi à lier l'eau et les autres éléments, l'eau et la terre dans la pâte que l'on malaxe, l'eau et le feu dans l'alcool qui la rend folle, l'eau de l'air quand tombe la pluie. Attacher esprit et matière, montrer qu'on ne pense qu'à travers les éléments, voilà la tentative de Bachelard quand il plonge dans l'eau. Laissons-le maintenant s'envoler dans les airs. 

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22 novembre 2014 : Henry David Thoreau, De la marche (posté le 22/11/2014 à 21:41)

Marcher, c'est penser. Penser, c'est se laisser faire par la Nature (la majuscule, chez Thoreau, est plus que nécessaire). Le philosophe marche au hasard, guidé par la forêt hors des routes trop droites, là où les autres ne passent pas, toujours vers l'Ouest ou vers la cime des arbres. Il s'agit de tenter de vivre l'instant, rien que l'instant, le présent d'un oiseau qui chante ou d'une montagne au loin. N'y a-t-il pas de liberté plus grande que celle-ci? N'y a-t-il pas de contestation de l'ordre établi (j'avais écrit "étable", divine erreur!), de désobéissance civile plus radicale que celle qui consiste à cesser de se cogner la tête contre le travail, à cesser de courir à sa perte ou à son profit pour marcher vers soi-même et vers la sensation pure d'être vivant? Thoreau nous montre le chemin où s'égarer pour mieux se trouver. 

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21 novembre 2014 : Guy Debord, la Société du Spectacle (posté le 21/11/2014 à 19:10)

Avouons ne pas y avoir compris grand chose. Qu'est-ce que le spectacle dont parle Guy Debord? Cela semble être une mise en scène et une représentation du monde qui ne permet plus de voir et de vivre la réalité. Nous sommes entourés par un discours sans fondement autre que lui-même qui occupe toute la place. Il s'agit de trouver le moyen d'y résister. Ne pas comprendre grand chose aux propos de Debord est peut-être la preuve que le spectacle a gagné la partie et que sa critique radicale, en refusant toute pédagogie, reste un cri trop compliqué pour les paresseux spectateurs que les hommes sont devenus. 

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28 octobre 2014 : Denis Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville (posté le 28/10/2014 à 18:10)

C'est devenu un classique : les civilisés ne sont pas ceux qu'on croit. Diderot, comme Montaigne avant lui et comme Montesquieu, délègue au bon sauvage la mission de critiquer sans en avoir l'air la société européenne. Bien sûr, ce bon Otaïtien est un mythe, ses moeurs libres sont plus un rêve de Diderot qu'une réalité, mais la critique reste judicieuse. Pourquoi ne se marier qu'une seule fois et pour toujours? Pourquoi refuser de céder à la tentation naturelle? Pourquoi condamner des actes qui ne sont pas, si l'on y réfléchit à travers le point de vue innocent de l'étranger, si funestes que cela? Ce que met en avant Diderot, c'est la loi naturelle, qu'il oppose à la morale d'une société dominée par des fripons qui inventent des crimes pour mieux faire main basse sur ceux qu'ils ont à leur botte. Les institutions les plus sacrées, la religion, l'Etat, le mariage (qu'il soit pour tous ou pour quelques-uns), semblent soudain contre-nature. Les tabous tombent. Pourquoi interdire l'inceste et dénigrer l'adultère, si cela permet d'accroître la richesse des hommes et des femmes en leur donnant des enfants? La question reste scandaleuse. Ce n'est pas une raison pour ne pas risquer de la poser. 

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19 août 2014 : John Stuart Mill, De la liberté (posté le 19/08/2014 à 11:44)

Le principe énoncé dans ce livre sonne à la fois comme une évidence et comme une nécessité. Sur tous les sujets qui ne le concernent que lui, l'individu est absolument libre et la société n'a aucun droit de lui imposer quoi que ce soit, ni sa façon de vivre (et Dieu sait si encore aujourd'hui, les modes de vie sont déterminés par la société), ni sa croyance religieuse (alors que toutes les religions, qui se disent vérité, cherchent à s'imposer par tous les moyens), ni son opinion politique, ni ce qu'il achète ou vend, ni les gens qu'il fréquente. Cette liberté ne peut être limitée que si elle touche à celle d'autrui, que si elle nuit à la société et non à l'individu seul. Celui que se nuit à lui-même, on peut certes essayer de l'en dissuader, mais non lui imposer une pensée ou une action qu'il refuse. Le rôle de l'Etat sera donc de créer les conditions pour que la liberté de chacun puisse s'exprimer et se vivre. La liberté n'est donc pas l'ennemie de l'égalité. Elle en est le but. Mill s'attarde ensuite sur des cas pratiques, des situations-limites, en essayant toujours de trouver l'équilibre entre la valeur fondamentale de la liberté individuelle et le bien commun. Cet équilibre est bien sûr toujours précaire mais je crois qu'il doit toujours être un but à atteindre. Le plus grand bien qu'un homme puisse avoir, c'est la liberté. 

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4 août 2014 : Judith Butler, Qu'est-ce qu'une vie bonne? (posté le 04/08/2014 à 12:37)

Qu'est-ce qu'une vie bonne? La question est redoutable et l'auteure bien entendu n'y répond pas par une sorte de manuel de savoir-vivre ou de savoir-être. Elle préfère prolonger la question : qu'est-ce qu'une vie bonne dans une vie mauvaise? Comment ceux qu'elle appelle les sans deuil, les déclassés, les laissés pour compte, peuvent-ils mener une vie bonne alors qu'ils se trouvent, sans qu'ils en soient responsables, dans une vie mauvaise? Comment peuvent-ils tout simplement mener leur vie? La question morale d'emblée devient une question sociale, économique et politique, parce qu'on ne mène pas sa vie seul, parce que pour mener une vie bonne, certaines conditions sont nécessaires. La difficulté, c'est donc de concilier la dimension individuelle, morale, et la dimension collective, politique. Il ne s'agit pas de se sacrifier pour une cause commune. Il s'agit d'agir sur la société et sur l'économie pour qu'elles créent les conditions de la liberté pour tous et pour chacun. Suffit-il de se révolter, de protester et - le mot est à la mode - de s'indigner? Cela est certes nécessaire, mais c'est insuffisant. Il faut aussi créer une vraie démocratie, une politique qui retrouve le sens du bien commun, une économie qui permette à chacun de vivre. On ne mène une vie bonne que si l'on a une vie. 

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10 juillet 2014 : Tzvetan Todorov, Les Ennemis intimes de la démocratie (posté le 10/07/2014 à 14:35)

Penser que la démocratie est malade semble bien banal. Todorov identifie les maux, ceux dont on se doutait un peu : messianisme, ultralibéralisme, populisme. Il montre les liens et les conséquences de ces évolutions, choisit des exemples parlants. Quand donc la démocratie se mord-elle la queue? Premièrement, quand elle cherche à s'imposer par la force. L'exemple de l'Irak saute bien sûr aux yeux et Todorov, en 2012, n'a pas encore vu le petchi actuel. La démocratie, bien entendu, ne se décrète pas. Ce qui est plus intéressant, car jusque là on enfonce des portes ouvertes, c'est le lien qu'il fait entre le messianisme communiste et celui des démocraties. En bon structuraliste, il montre que cela fonctionne de la même façon : notre système est le meilleur, donc il doit inéluctablement s'étendre au monde entier et c'est notre devoir de l'y implanter au plus vite, même si les peuplades primitives que l'on sauve de la tyrannie ne comprennent pas bien ce que l'on vient foutre chez elles. Deuxièmement, Todorov dénonce ce qu'il appelle la tyrannie des individus, l'excès de liberté qui oublie que l'être humain est un animal social, et son pendant économique, le marché débridé qui ne songe qu'au profit. Là aussi, ça sonne comme du déjà entendu. Le pas de plus chez Todorov, c'est la "toyotisation des esprits", le fait que non seulement l'économie dicte la marche du monde mais qu'elle formate également nos têtes à travers l'invasion des techniques de management et le matraquage médiatique. Nous voilà donc prêt, si nous ne résistons pas, à tomber dans le piège des démagogues, des grands rhétoriciens de notre époque, des populistes qui, face au mur de la complexité, préfèrent foncer en désignant les premiers coupables venus, ces étrangers qui ne vivent pas comme nous et qui sont donc forcément mauvais. Le diagnostic est juste. C'est en son sein que la démocratie cache ses ennemis. Saura-t-elle s'en débarrasser sans se détruire elle-même?

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