meslectures

          | Religion

10 juin 2012 : La Bible (posté le 10/06/2012 à 12:37)

Qu'écrire sur un tel livre? Dieu crée tout, puis il choisit son peuple, qui, mille fois, le renie, et que, mille fois, il punit. Le cycle semble sans fin. Les lois sont sans cesse réaffirmées, et sans cesse transgressées, malgré les visions terribles des prophètes, les chants menaçants des psaumes et le mauvais exemple des rois impies. Cercle vicieux? Peut-être, ou naissance dans la douleur de l'idée bizarre qu'il n'y a qu'un seul Dieu et que tout le reste est usurpation. Le cercle est brisé par le Christ, porteur des péchés de tous, agneau sacrifié, qui met fin au règne de la loi pour lui substituer celui de la foi, et de l'amour. Tout se termine dans une apocalypse qui, bizarrement, fait très "Ancien Testament", comme si rien n'avait vraiment changé dans l'esprit des hommes qui croient au Dieu unique de la Bible. En dire plus? Sans doute, mais tout a déjà été dit par tous, parce que ce livre, le roi des livres, contient tout et son contraire, preuve peut-être qu'il est de mains d'hommes et que Dieu, s'il existe, ne parle pas.

Commentaires

20 janvier 2012 : Sigmund Freud, L'homme Moïse et la religion monothéiste (posté le 20/01/2012 à 15:32)

Quête historique de l'origine d'une religion? Quête intérieure d'un sens à la croyance? Ce livre ouvre des hypothèses incertaines et des analogies sans doute partielles, qui interpellent. Première affirmation : Moïse était égyptien, et il a imposé à des étrangers, les Juifs, une religion alors interdite en Egypte, celle d'Akhenaton, première manifestation du monothéisme. Bien sûr, l'historien est perplexe. Admettons. Qu'est-ce que ça change? Ensuite, les Juifs se révoltent et ils tuent Moïse. L'évènement, ainsi que la religion du chef assassiné, sont refoulés pendant un certain temps pour réapparaître, modifiés, sous l'identité de Yahvé, un autre dieu, cruel, qui devient le protecteur et le punisseur du peuple juif. Freud, pour expliquer tout cela, invoque bien sûr la psychanalyse, faisant sans cesse le va-et-vient discutable entre l'individu et la masse, et voit dans la vénération et la crainte d'un dieu unique le retour de celles du père primitif, pourtant assassiné, comme Moïse. Il voit aussi dans le Christianisme le sacrifice du fils assassin qui prend la place du père. Convainquant ? Impression de flottement, comme si tout cela pouvait en effet avoir quelque vraisemblance, mais comme si aussi tout cela errait dans le flou, théorie, à l'instar de la psychanalyse à la fois difficile à comprendre et sans autre base que les sables mouvants de l'inconscient, de l'histoire ancienne et des croyances religieuses.

Commentaires

23 août 2011 : Jacques Bouveresse, Que peut-on faire de la religion?, suivi de deux fragments inédits de Wittgenstein présentés par Ilse Somavilla (posté le 23/08/2011 à 19:24)

La question est évidemment sans réponse, et l'auteur tourne autour du pot. Tout d'abord, il y a le problème de la raison. Peut-on atteindre par la science les vérités de la foi ? D'aucuns s'y sont essayé jadis, et s'y sont cassé les dents. La foi religieuse serait donc du côté de l'irrationnel, de la folie, du tout autre que le monde. Pourtant, elle doit être la vérité, l'explication ultime de nos vies si bizarrement apparues sur la terre. Il faut, pour être vraiment religieux, faire un saut dans le vide, vers une lumière aveuglante qui montre, comme dans la parabole de Wittgenstein, que le monde sous lumière rouge et sous cloche n'était pas celui que la lumière vraie éclaire. Au fond, on ne peut que vivre de manière religieuse, sans jamais rien prouver, se laisser emporter par une vérité que l'on croit être la seule vraie, dans ce monde où, paradoxalement, chacun a sa vérité, comme si la vérité pouvait être multiple. On peut aussi refuser le saut, en rester à l'expérience du monde et de la science, et ne voir, comme Russel, dans la religion, qu'un placebo à appliquer sur des peurs (la mort, le sens de la vie), et dans la vérité qu'un moyen sûr de diviser les hommes, qui, si chacun croit que sa vérité est la vérité (est-il possible de faire autrement?), s'entretueront pour des idées. Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente...

Commentaires

Saint Augustin, Les Confessions (posté le 22/07/2011 à 19:32)

Beaucoup de questions, peu de réponses dans ce texte d'un autre temps. Augustin se confesse de ses erreurs, une vie dissolue, attachée aux biens terrestre, puis se lance dans une quête passionnée de Dieu, découvert dans la doctrine chrétienne, qu'il contribue à définir. Que peut-il rester de tout ça ? Tout d'abord, la première partie : pourquoi le monde, la vie sur terre et ses plaisirs, créés et voulus par ce Dieu tout puissant et bon, sont-ils vus si sévèrement par le pécheur qui se repend ? En quoi sont-ils si nuisibles? Sans doute parce son idéal est la présence ici et maintenant d'une vie avec Dieu, passée à contempler sa création (mais en jouir, n'est-ce pas aussi une vie avec Dieu?) et à résoudre les questions auxquelles seule la religion révélée (d'après Augustin, bien sûr) donne des réponses satisfaisantes. C'est la deuxième partie du livre. Prenons-en une ou deux pour y penser un peu. Que faisait Dieu avant la création du monde ? Réponse d'Augustin : cette question n'a pas de sens pour Dieu, puisqu'il ne vit pas le temps, qu'il n'y a pas pour lui d'avant et d'après. Mais pour nous, la question reste entière, et l'esprit humain reste coincé. Autre question, celle qui est la plus cruciale : qu'est-ce que c'est que ce Dieu dont parle Augustin ? Ce Dieu est partout, même en nous alors même qu'on s'éloigne de lui, il est l'origine, mais il a permis le mal, qui pourtant n'est pas (c'est, je crois, l'erreur des manichéens) une entité autre que lui. Je reste sur le seuil. Ce Dieu cloche à quelque part. La réflexion est infinie, comme Dieu, ou comme le hasard, ou comme le néant.

Commentaires

9 janvier 2008 : Marcel Gauchet Le désenchantement du monde (posté le 26/12/2008 à 18:17)
Retracer les thèses fécondes de Marcel Gauchet n'est pas une tâche facile, tant son discours, auquel on finit par adhérer, se dérobe sous un style savant. Très compliqué et peut-être très simple. Une histoire politique de la religion, donc, mais aussi, une histoire religieuse de la politique. Au commencement était la religion, le monde était coupé radicalement de son origine tout en en conservant les marques partout. Tout faisait sens, tout était magie. Le religieux était partout. Chacun était à sa place, à son rang. C'était comme ça. Dieu avait institué le monde à son idée, les hommes n'avaient qu'à suivre. (Ce que je raconte est d'une platitude invraisemblable, je résume et j'aplatis des idées bien plus élaborées, mais voilà, je fais ce que je peux, je traduit mal mais de manière à ce que peut-être j'en retienne quelque chose). Tout aurait très bien pu rester comme ça. Sauf que s'est développée une religion pas comme les autres, la religion qui a permis la sortie de la religion, qui la contenait structurellement en elle, le christianisme. Gauchet insiste sur les effets de structure, sur une certaine logique du changement, sur ce qui rend possible une évolution que l'Histoire, dans son indétermination, effectuera ou pas. Tout aurait très bien pu se passer autrement, mais pas n'importe comment. Qu'est-ce qui se passe avec le christianisme ? Encore une fois, simplifions à outrance en espérant ne pas déformer. Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, s'est fait chair pour nous sauver. Qu'est-ce que ça veut dire ? Que le tout autre, le Dieu qui, dans les religions d'avant, avait créé un monde au commencement pour nous l'avait laissé avec ses signifiances établies, devient le même, l'humain ici et maintenant. Dieu se rapproche. Il devient un autre en nous. Nous sommes Jésus, homme et Dieu, quand nous sommes chrétiens. Ce qui était extérieur devient intérieur. Le transcendant devient immanent. (Gauchet est beaucoup plus logique, cohérent que moi, il me semble que je résume en sautant des étapes et qu'il me manque quelque chose pour comprendre vraiment le processus de désenchantement du monde). Bref, où en sommes-nous aujourd'hui ? Dans un monde qui n'a plus la religion comme fondement, dans un monde où tout est dans l'homme, le même et l'autre, dans un monde dynamique alors que le monde religieux était posé comme établi une fois pour toute. Nous vivions avant dans le passé qui se réitérait dans le présent, nous vivons désormais dans la construction d'un futur qui nous échappe, tendus vers ce qu'il est possible que demain soit mais à jamais dans l'ignorance de ce futur. Nous sommes condamnés sans fin à agir plutôt qu'à être, à ne plus savoir qui nous sommes mais à nous créer hommes, sujets libres, sans Dieu ni maîtres autre que nous-mêmes et donc d'autant plus soumis à des forces qui ont le défaut d'être cachées alors qu'elle sont nous. Bref, Rimbaud a dit en quatre mots ce que Gauchet dit en quatre-cent pages, je est un autre.
Commentaires

8 novembre 2006 : Jacques Derrida, Foi et Savoir, suivi de Le siècle et le Pardon (posté le 21/12/2008 à 21:48)
Qu'est-ce que la religion pour Derrida ? La lecture de ce bouquin ne permet bien évidemment pas de répondre à cette question. Elle empêche même sans doute que l'on puisse penser que cette question a une réponse. Il y a dans l'écriture de Derrida une prudence extrême, car chaque mot a son importance, et elle est décisive. Esquissons cependant deux ou trois pistes de compréhension de la question, évoquons trois ou quatre idées intéressantes (bien que sans doute réduites ici à des banalités). Tout d'abord, Derrida définit (il aurait sans doute horreur de ce terme) les deux sources de la religion, le sacré (ou l'intact, l'indemne, le sauf, l'immun, heilig, holly, Derrida reproduit à chaque fois la liste afin peut-être de montrer que l'on ne peut pas réduire les concepts à une seule expression) et la foi (la croyance, la fiduciarité). Il montre également, et en cela il réconcilie peut-être philosophie et religion, que tout savoir suppose une foi, c'est-à-dire, pour simplifier peut-être trop, que je ne sais que ce que je crois que je sais. Il montre aussi que l'on ne peut penser la religion et son rapport au monde aujourd'hui que de l'intérieur d'une tradition, que toute pensée aujourd'hui demeure chrétienne et latine, à tel point que notre époque ne serait pas celle de la sécularisation mais celle de la mondialatinisation. Thèse intéressante, dans la mesure où elle s'intéresse à la religion chrétienne non en tant qu'institution à la peine mais en tant que mode de fonctionnement de la pensée. Cette idée est reprise à propos du pardon, qui, pour Derrida, ne peut être que gratuit, sans la moindre fonction politique ou psychologique et sans la moindre compréhension et excuse de l'acte pardonné, bien au contraire : "le pardon pardonne seulement l'impardonnable". En pensant cela, Derrida me semble fondamentalement chrétien. Le pardon est une folie, comme l'amour (dont il est sans doute - j'extrapole - une des composantes) tel qu'il est défini par la tradition chrétienne (Saint Augustin : "Aime et fais ce que tu veux"). Le problème de l'amour chrétien et du pardon chrétien, par la même occasion, c'est qu'il n'est pas pur. Si je pardonne, dans une optique chrétienne, c'est toujours dans le but d'obtenir le salut. Or le pardon derridien, plus beau parce plus pur et donc plus fou, suppose l'impossibilité du salut. Pardonner ne change rien. C'est un acte purement gratuit. Et cet acte change tout, bien entendu... C'est un acte religieux, puisqu'il est un acte indemne de toute fin extérieure à lui-même et donc sacré, tout en supposant la croyance de celui qui pardonne dans la possibilité d'un acte pourtant rationnellement impossible : pardonner l'impardonnable. Lire Derrida après Onfray, ça complique les choses et ça relativise la séduction des propos de l'athéologue, qui se révèlent être, en comparaison avec la prudence de la prose derridienne, terriblement dogmatiques, aveuglément croyants.
Commentaires

23 octobre 2006 : Michel Onfray, Traité d’athéologie (posté le 21/12/2008 à 21:41)
Tiens, le mot n'existe pas. L'ordinateur souligne en rouge. Serait-il lui aussi à ce point imprégné de l'idéologie monothéiste (le mot existe) dominante ? Le bouquin de Michel Onfray, qui ne fait pas dans la dentelle, détruit toutes les balivernes religieuses avec une violence qui n'a d'égale que celle déployée par les religions elles-mêmes pour défendre leurs mondes imaginaires, leurs arrières-mondes qui empêchent aux hommes de vivre dans le seul monde dont ils sont sûrs, la terre, en leur présentant un paradis qui en est l'exact inverse. Les thèses de Michel Onfray sont très séduisantes, bien plus que la manière dont il les défend, notamment en réécrivant très rapidement l'histoire pour faire du christianisme le fruit de la névrose de Saint Paul et de la soif de pouvoir absolu de Constantin. L'histoire est toujours plus complexe que ça, les religions sans doute aussi. Cependant, en affirmant qu'il est impossible de faire reposer une vision du monde sur un livre écrit par plusieurs auteurs durant plusieurs siècles et dans lequel on trouve tout et son contraire, Michel Onfray met à jour une évidence dont on se demande pour quelle raison (la sacro-sainte tolérance ?) elle n'est pas plus souvent affirmée. A quoi peut bien servir la fiction religieuse, la vie éternelle en des prés où l'herbe est fraîche et où nos corps, si volontiers martyrisés par les religieux, deviennent glorieux, presque spirituels, sinon à consolider un pouvoir qui empêche aux individus de revendiquer une vie meilleure ici et maintenant ? A quoi peut bien servir la référence à un livre unique sacré, Bonne Nouvelle tamponnée par Dieu lui-même, sinon à prendre la place que tous les autres livres peuvent revendiquer ? A quoi peut bien servir la révélation de la vérité sinon à tuer dans l'oeuf toute velléité des hommes, philosophes et scientifiques en premier lieu, à découvrir par le biais de leur propre raison ce qu'est le monde dans lequel nous vivons et quelle est la façon la plus intelligence d'y passer le peu de temps de vie que nous avons ? Cette lecture renforce en moi ce sentiment de duperie qui a été celle de mon enfance durant laquelle on m'a obligé à me prosterner devant un Dieu dont on n'a jamais pu me prouver rationnellement l'existence puisque le livre dont on lisait des passages choisis était la vérité et que penser qu'il était possible que Dieu ne soit qu'une invention humaine tenait de l'impensable parce qu'on ne pense pas hors du moule chrétien. Cette lecture, douloureuse parce que j'y adhère, me coupe radicalement du monde dans lequel je vis et des gens que j'aime. Alors j'essaie d'être critique, de faire par exemple à Michel Onfray le reproche de ne jamais évoquer le protestantisme. J'essaie de sauver les meubles pour pouvoir parler aux gens et la duperie, parce que tout le monde ne peut pas être Michel Onfray, continue.
Commentaires

18 octobre 2006 : Môhan Wijayaratna, Sermons du Bouddha (posté le 09/11/2008 à 22:07)

Vu d'ici, du haut de vingt siècles de christianisme, le bouddhisme, c'est l'autre absolu, le contraire en tout, sauf que, voilà, le christianisme se meurt à petit feu en moi. Le bouddhisme, qu'est-ce que c'est? Une religion? Mon esprit occidental répond résolument non. Le bouddhisme est un nihilisme. Qu'y cherche-t-on? La vacuité, le vide, la fin des désirs, la fin des perceptions, le non-Soi, l'absence de la pensée, bref on n'y cherche rien, et surtout pas Dieu, ce bonhomme dont nous serions la réplique, ce truc qui fait que l'univers a un sens, une raison, un contenu vrai. Tourner le dos au christianisme revient-il alors à se rapprocher du bouddhisme? Dans l'absolu, sans doute oui, mais force est de constater que je n'adhère absolument pas à cette négation de la vie, de l'individu et de la raison qu'incarne, à mes yeux novices, le bouddhisme. En bon post-chrétien, je suis incapable de renoncer à tout ce qui fait que je suis un individu libre et autonome, un Moi indiscutable et un raisonneur qui pense sans doute idiotement qu'il est possible de comprendre le monde. Si le pape a raison de rappeler le lien qui existe entre foi et raison, je ne puis que constater qu'il me reste des résidus de foi, ce que le bouddhisme nomme des "écoulements mentaux toxique". Plus tout à fait chrétien et pas encore bouddhiste, que suis-je? Perdu entre un monde dont je sens qu'il est vide et un Moi qui ne veut pas admettre sa propre inexistence, je me retrouve sans doute en ce lieu où l'on croit vivre l'instant présent en se fichant bien de son caractère illusoire et où l'on tente d'accepter que l'instant d'après, la vie éternelle promise par le christianisme, n'existe pas. Je suis et je ne serai pas, et l'être ne devient ni éternel ni inexistant, mais provisoire. Je suis évidemment alors dans une position incohérente, la seule tenable, parce qu'être chrétien et être bouddhisme est impossible, puisque je ne peux pas nier l'existence et encore moins croire en une continuation de celle-ci après la mort. Position tenable, ai-je dit?

Commentaires

Page Précédente

Supprimer les publicités sur ce site pendant 1 an


Tous droits réservés