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19 juillet 2006 : Dan Brown, Da Vinci Code (posté le 03/12/2008 à 20:45)
C'était donc ça, le livre qui fait trembler le Vatican ? Ce roman policier construit comme un téléfilm où un type, beau, et une fille, bonne, s'évertuent à résoudre des énigmes de potaches pour découvrir le secret scandaleux que tout le monde connaît déjà, le fait que Jésus était un homme, qu'il a baisé Marie-Madeleine et qu'il l'a engrossé (pourquoi pas ?) et qu'ainsi donc il n'était pas le fils de Dieu, Dan Brown faisant fi, dans un roman qui use et abuse de la notion de mystère, du mystère de l'identité du Christ, vrai dieu et vrai homme. Passons. Da Vinci Code n'est rien d'autre qu'une nouvelle version d'Indiana Jones, à la sauce américaine, avec le meurtre initial, l'erreur de la police, la fuite (si peu) rocambolesque des héros, la trahison du bon bougre devenu machiavélique, les micros cachés, deux ou trois morts qui traînent, la retrouvaille de la grand-mère et du frère perdus de vue (tout juste si Jacques Pradel n'est pas là avec sa caméra) et le baiser final, prude, sans la moindre trace d'érotisme, alors que le livre entier s'applique à magnifier le Féminin Sacré. Comment comprendre alors le succès fulgurant de ce roman ? Avouons la chose : moi-même je me suis laissé prendre. Il y a cette impression de collaborer à la découverte d'une vérité qui bouleverse l'ordre du monde en déchiffrant des anagrammes, cette satisfaction de se sentir soi-même le découvreur, comme si la solution d'un sodoku pouvait faire s'effondrer une civilisation entière. A ce petit jeu-là, la fin du livre ne peut que décevoir. Rien. Cette écume. Vierge vers. A n'en désigner que la coupe, le calice, le Saint-Graal. Le vrai mystère est sans doute là : par quel miracle un petit roman policier de rien du tout peut-il devenir une affaire mondiale ? Le dévoilement de ce secret-là me paraît beaucoup plus complexe que le jeu de piste de Dan Brown.
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10 juillet 2006 : Jean-Paul Sartre, La nausée (posté le 02/12/2008 à 18:33)
S'agit-il d'un roman philosophique ? Un être-au-monde dévoilé, celui de l'existant, de l'homme qui sent juste qu'il est de trop, qu'il est matière sans justification, que sa vie n'est pas, qu'il n'a pas de passé, tout ça, c'est sans doute la philosophie de Sartre, le fameux existentialisme, mais ce qui rend cette philosophie intéressante, c'est le fait qu'elle s'incarne d'abord dans le roman, dans la description d'un rapport concret de l'individu au monde qui l'entoure, qu'il ne parvient pas à comprendre mais qui est là, pire, qui existe, et, comme lui, est de trop, au point de foutre la nausée. Faire naître une philosophie de la nausée, du corps, voilà la richesse de Sartre. Ce roman n'est pas une chef-d'oeuvre littéraire. Il est parfois barbant, écrit souvent de manière banale, mais il y a des passages, ceux où l'être-au-monde nouveau est brusquement découvert, qui parlent au lecteur, qui se voit sommé de sentir, lui aussi, qu'il existe, et ce que ça implique. Le lecteur de La nausée ne doit pas, pour comprendre ce qu'il lit, se contenter de déchiffrer la théorie philosophique de l'existentialisme, il doit ressentir dans sa chair ce qu'est l'existence, ce qui se passe quand Roquentin est dégoûté par un galet parce que ce galet n'est, comme tout le reste, que de l'existence sans raison, absurde, comme l'homme. Les choses, dans le monde de Sartre, sont le véhicule de la révélation de ce qui est notre identité, la simple existence toute nue, à chaque instant niée parce que le temps passe, que le passé n'existe pas, qu'il n'y a pas de rédemption par la grâce de l'habitude bachelardienne, qu'à tout instant notre langue peut devenir "un énorme mille-pattes tout vif", que nous pouvons à tout instant devenir un cafard ou un cadavre. Que faire, alors ? Sartre esquisse une solution, l'écriture, mais sans trop y croire. Que faut-il écrire ? Des romans ? Mais n'est-ce pas créer de l'existant en plus, charger encore plus la barque déjà pleine ? Faut-il alors nier l'évidence perceptive et reconstruire malgré tout une cohérence du monde ? Peut-on vivre sans nous mentir à nous-même, sans faire semblant de croire que le monde, les choses et nous, avons une justification, un sens, un rôle à jouer ? Peut-on vivre sans inventer un Dieu qui ferait de nous des êtres et non pas uniquement des existants ? La nausée est bien un roman philosophique, puisqu'il pose à chaque individu des questions qui remettent en cause jusqu'à sa propre identité, mais il est un roman, qui fait s'incarner cette remise en cause dans un personnage, ce qui a pour effet de donner un impact sur le lecteur beaucoup plus grand que n'importe quel traité de philosophie. Après la lecture de La nausée, je suis cependant obligé de reconnaître un double scepticisme, d'abord parce que cette expérience décrite par Roquentin n'est qu'une expérience de papier vécue par un individu qui, paradoxalement, n'existe pas, et que je n'ai pas moi-même eu cette révélation charnelle de l'existence qui a pour effet de rejeter l'individu dans la solitude, ensuite parce que je ne saisis pas vraiment le fondement philosophique de ce roman, n'ayant pas (encore) lu l'oeuvre proprement philosophique de Sartre, qui m'effraye un peu, comme toute réflexion purement abstraite. La lecture de La nausée va peut-être me permettre de me lancer à l'eau, à faire le pas de lire enfin, comme je le désire depuis longtemps, de vrais textes philosophiques. A suivre.
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27 juin 2006 : Jean-Philippe Toussaint, Fuir (posté le 30/11/2008 à 11:37)
Au fil des livres, Toussaint devient plus sombre et plus tendre, presque romantique. Tout dans ce roman est mouvement, fuite perpétuelle, sentiment de la fragilité de l'instant, main de Li Qi tenue sur cette moto qui fuit absurdement dans Pékin, larmes de Marie à la fin du roman, où tout s'arrête, au milieu de la mer. L'attention aux détails les plus saugrenus ne fait qu'accroître cette densité de l'instant vécu, annonce de la mort du père de Marie dans le téléphone portable venant arrêter non pas le train qui file à grande vitesse mais le narrateur, qui se trouve immobilisé dans les bras de Li Qi, vivant par procuration le sentiment de Marie que pourtant il est sans doute en train de perdre. On a l'impression parfois, en lisant ce roman, de lire de la poésie, tant tout semble parfois s'arrêter en plein mouvement, tant les couleurs abondent, tant les sentiments se heurtent dans la poitrine d'un personnage qui ne s'épanche pas, mais qui décrit presque froidement ce qu'il vit, des détails les plus absurdes, toujours signifiants, aux sentiments les plus intimes. J'attends avec impatience le prochain Toussaint.
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10 juin 2006 : Jean-Philippe Toussaint, Faire l’amour (posté le 23/11/2008 à 23:05)
Sans doute un pas de plus chez Toussaint. Le rire devient moins franc même si les situations décrites gardent le caractère iconoclaste de La salle de bain et de La télévision, même si le narrateur se retrouve en train de nager en pleine nuit dans la piscine d'un grand hôtel de Tokyo. Il semble qu'au fil des romans, le narrateur s'investit de plus de plus. Alors que dans La salle de bain rien ne semblait le toucher, il se retrouve ici hypersensible dès qu'il est question de Marie, la femme qu'il aime et qu'il quitte parce qu'il ne peut plus lui faire l'amour à cause d'un fax qui apparaît sur l'écran bleu d'une télévision. Cette histoire de rupture, toujours saugrenue et prêtant souvent à sourire, est doublée d'une violence et d'une sensualité que l'on ne trouvait pas dans les romans précédents. En élargissant sa palette émotionnelle sans changer de style, Toussaint rend son oeuvre plus ambiguë et donc plus riche. Le saugrenu devient grotesque, le rire devient jaune, l'humour devient sérieux, on sent que derrière tout ça, il y a quelque chose comme une tragédie. Les événements ne sont plus anodins, il ne s'agit plus de fougères oubliées dans le frigo des voisins du dessus ou de Polonais qui préparent une poulpe mais d'un homme, le narrateur lui-même, qui souffre sans se l'avouer tout à fait. Un exemple ? "je m'étais mis à fredonner mentalement, très doucement, de façon lente et saccadée, répétitive et absurde, une vieille chanson des Beatles dont je déroulais la mélodie dans un murmure mental déchiré et poignant : "All you need is love love love is all you need", et, sans pouvoir aller plus avant dans la chanson, ma poitrine se soulevait dans un nouveau spasme et quelques gouttes de vomi très aigre giclait dans la cuvette". Derrière une description apparemment insensée un peu de sens s'élabore. Pour guérir il suffirait de l'amour mais le narrateur, emprisonné dans la succession absurde des instants, ne parvient pas à retrouver le temps perdu.
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5 juin 2006 : Jean-Philippe Toussaint, La télévision (posté le 23/11/2008 à 11:17)
Délicieux petit roman, le style si sympathique de Toussaint, cette drôlerie constante, cette distance ironique sur les événements vécus, cette façon de faire passer pour normales des situations absurdes, incarnée merveilleusement dans cette phrase entre parenthèses, là où le narrateur se lâche un peu : "la réalité, une fois de plus, était beaucoup plus simple : j'avais tout simplement oublié une fougère dans le frigo de mes voisins du dessus". Tout est raconté avec naturel, la lecture de Musset nu dans un parc de Berlin où les gens se déshabillent sans que cela ne pose de problème à personne, l'arrosage des fleurs du voisin qui dit des mots d'amour en allemand à ses plantes vertes, les séances de piscines les lunettes sur le front, et surtout la décision irrévocable et révoquée sans cesse d'arrêter de regarder la télévision. La télévision, en plus de faire semblant de réfléchir sur notre rapport à la télévision, fait l'éloge de la paresse, le narrateur choisissant de travailler son livre sur Titien (ou le Titien, question qu'il ne résout pas et qui l'empêche d'écrire) en nageant plutôt qu'en écrivant. Paradoxalement, le roman est le récit d'une non-écriture, d'un texte qui ne va pas plus loin que "Quand Musset" mais qui permet les histoires saugrenues racontées par un narrateur qui semble ne pas se rendre compte du caractère iconoclaste de son récit. La télévision, c'est aussi un éloge de l'individu libre, qui fait ce qu'il veut, c'est à dire rien, mais observe ce qu'il fait, notant les détails les plus banals et les plus bizarres de sa vie de tous les jours en leur donnant le caractère d'une aventure nonchalante, montrant ainsi que c'est le regard que nous portons sur le monde qui fait de celui-ci soit une morne plaine soit une aventure carnavalesque. Le narrateur de La télévision, mine de rien, est un type épatant, qu'on aimerait bien voir débouler au coin de la rue, se pencher sur les oeuvres complètes d'Alfred de Musset à la BCU ou faire ses traversées tranquillement à la piscine couverte de Payerne, entre le type en costume de bain bleu rikiki et la dame qui ne s'arrête jamais au bord de la piscine pour souffler un peu alors que moi, je suis obligé de m'arrêter après vingt mètres pour faire des ciseaux avec les jambes en attendant qu'arrivent les deux jeunes filles qui arrivent à nager et à causer en même temps.
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29 mai 2006 : Gustave Flaubert, Salammbô (posté le 20/11/2008 à 18:43)
Etrange roman que Salammbô, difficile à aborder, lu souvent avec distraction, avant que, tout à coup, des passages forts, rouges, violents, viennent réveiller le lecteur qui s'ennuyait. Ai-je aimé ce roman ? J'y ai été indifférent au début puis une forme de fascination s'est installée. Ce monde recréé de toute pièce, cette impression fausse de lire un auteur antique, cette double distance infinie, la distance entre Flaubert et la Carthage de l'antiquité et la distance entre moi et Flaubert, rend le roman en même temps pénible et mystérieux. Tout nous échappe, c'est voulu. Derrière cette distance, il y a cependant des procédés novateurs, le vidage des personnages, simples marionnettes dans les mains des forces historiques, le jeu des points de vue qui fait imperceptiblement passer le lecteur de la vision d'un camp à l'autre sans pour autant que ne s'installe une véritable opposition entre les Mercenaires et les Carthaginois, également barbares. Ces procédés ne sont pas cependant ce qui retient d'abord l'attention. Les scènes de violence, horribles, sacrées, étranges, crues, les Carthaginois dans les fosses, les Mercenaires qui se mangent parmi, le martyr de Mâtho, la "grillade des moutards", sont puissantes mais, comme toujours dans ce roman, mises à distance par le style si particulier de Flaubert, cette ironie toujours aux abois, ce pathos esquissé et écarté, cette impossibilité de la moindre identification à quoi que ce soit. Le lecteur se trouve largué. Il adore ça, mais là, c'en est sans doute trop, ou pas assez. Revenons à la question : ai-je aimé Salammbô ? Non.
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7 mai 2006 : Albert Cohen, Belle du Seigneur (posté le 18/11/2008 à 19:23)

Qu’écrire en quelques lignes à propos d’un tel chef-d’œuvre ? Dire que le style de Cohen, charnel, puissant, iconoclaste, biblique, dérisoire, épique, tragique, absurde, foisonnant, luxuriant, inscrit Belle du Seigneur au sommet de l’expérience littéraire et bien plus que cela, de l’expérience humaine. Il y a dans cet amas de papier plus d’humanité que dans les corps qui se meuvent sans cesse devant nos yeux. Belle du Seigneur, roman d’amour, roman de la solitude, roman du social, roman juif, roman comique, roman tragique, tout y est. Les personnages sont d’une richesse infinie, Solal, le matérialiste, l’amoureux forcené, le lucide, le juif errant, le jaloux, le fou, le sous-bouffon déchu, le solitaire, le Don Juan tragique, le tendre, le violent, Ariane, la pudique, l’effrontée, la soumise, l’amoureuse absolue, la religieuse, le corps jubilant puis maudit, la naïve, Adrien Deume, idiot attendrissant, son père zozotant et sa mère grotesque, les Valeureux, ridicules, sérieux, à mourir de rire, Mariette, délicieusement populaire. Mais les personnages ne sont rien. Tout est langage, fête et tragédie du langage, discours intérieurs interminables et géniaux, non-dits qui laissent le couple infernal glisser toujours plus bas, jusqu’à la mort, présente tout au long d’un roman qui mêle avec une force incroyable l’amour et la mort, le corps et l’esprit, tension constante de la passion amoureuse, tentative illusoire et nécessaire d’élever le corps au niveau de l’esprit, même si l’on sait, même si Solal, le lucide, sait que l’esprit n’existe pas, qu’il n’y a que le corps, malgré Dieu, fantôme aimé. Belle du Seigneur est une Bible, un monument vivant, une fresque éveillée, colorée, sans cesse mouvante, entraînant l’esprit du lecteur au plus profond de lui-même, au cœur de ses entrailles, de ses passions exaspérées retenues, du grotesque humain et de son sublime, parce que le sublime, c’est le grotesque, que les discours les plus extravagants, celui de Solal le premier soir au Ritz, ceux de Mangeclous, le monologue intérieur de Solal qui regarde sa bien-aimée coudre, les soliloques d’Ariane dans son bain, bien d’autres encore, farces profondes, humour qui frappe au cœur des douleurs les plus intimes, sont les plus beaux, les plus émouvants, ceux qui nous disent la vérité. Belle du Seigneur est aussi le roman de l’attente, Solal attendu par le petit Deume qui se prostitue pour l’illusion de la réussite, les amants qui s’attendent, se retrouvent, se perdent, puis s’enferment dans leur amour comme les juifs s’enfermaient dans les caves, se détruisent mutuellement, pour faire durer une passion impossible et nécessaire, et attendent ce qu’ils ont toujours attendu, la mort, le mythe de l’union éternelle, Roméo et Juliette. L’attente n’aboutit à rien. Tout n’est que théâtre, marionnettes de chair collées l’une à l’autre, puis os jetés aux chiens. Belle du Seigneur fait aimer la vie et haïr la mort. Tout est vanité, discours vides de sens, babouinerie, mais la babouinerie est ce qui fait de l’homme l’animal le plus beau et le plus faible, le plus pitoyable, celui que l’on ne peut qu’aimer avec passion, jusqu’aux extrémités de son être, jusque dans ce qu’il a de plus détestable. Cet amour fou et irrépressible de l’homme, cette passion sans borne d’Ariane et de Solal l’un pour l’autre, est ce qui sauve l’humanité en même temps qu’il est ce qui la détruit. Lire Belle du Seigneur, c’est se sentir plus que jamais humain.

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25 avril 2006 : Jean-Philippe Toussaint, La salle de bain (posté le 17/11/2008 à 17:18)
Etrange petit récit qui n'en est peut-être pas un, qui se referme sur lui-même, sur le narrateur reclus dans sa salle de bain, allongé dans sa baignoire. Un voyage a lieu, une aventure, des rencontres fantastiques, ces polonais qui repeignent ses murs et préparent une poulpe pour le dîner, exotisme à domicile, un départ en train, Venise où le personnage regarde des matchs de foot dans un hôtel puis va à l'hôpital sans se faire soigner. Tout cela n'est rien mais acquiert dans ce petit livre une saveur particulière. Il y a aussi Edmondsson, la femme du narrateur, qui le rejoint à Venise, repart pour Paris, vit une vie normale de laquelle sans raison apparente, parce qu'il est agréable de passer sa journée dans la salle de bain, le narrateur s'est éloigné, qu'il retrouve pourtant dans un voyage sans but, imaginaire peut-être puisque la fin du roman reprend son début. Tout ça est drôle, saugrenu souvent, pince-sans-rire. Le narrateur a quelque chose d'enfantin. Il vit dans son monde, hors de la société ou posant sur elle un regard étonné, distant, humoristique, libre. Un petit rien du tout qui cache peut-être une critique virulente et efficace de l'homme moderne qui ne se voit plus vivre parce qu'il vit trop, un éloge de la paresse qui fait un bien fou, qui repose des discours économiques et politiques qui perdent de vue l'essentiel, le bonheur de l'homme, possible peut-être uniquement dans le calme d'un cloître ou d'une salle de bain.
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7 avril 2006 : Alfred Jarry, L’amour absolu (posté le 16/11/2008 à 09:03)
L'histoire d'Emmanuel Dieu est bien complexe, inaccessible, ce qui est normal. Ce roman est impossible à lire parce qu'il raconte l'histoire de Dieu, l'Un qui se multiplie, créant simultanément Eve et Marie, Adam et Joseph, qui ne sont qu'une seule personne ou deux (ou trois, parce que l'Esprit n'est jamais très éloigné). Les personnages n'en sont peut-être pas. Leur mort et leur naissance n'existent peut-être pas. Tout et rien figurent dans ce fatras de références bibliques, mythologiques, rabelaisiennes, ubuesques. Le lecteur fasciné reste au seuil du Livre, qui est mensonge ou qui est absolu, mais comme le mensonge est absolu, à peu de choses près (l'absolu est l'infini et le mensonge l'infini moins un, c'est-à-dire l'infini), il ne peut que rien y comprendre. Expérience pas si fréquente qu'il n'y paraît pour le lecteur moderne. Ce roman va beaucoup plus loin que l'autoproclamé nouveau roman. Trop loin. Illisible, inhumain.
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6 avril 2006 : Alfred Jarry, Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien (posté le 15/11/2008 à 17:24)
Voilà une expérience de lecture tout à fait particulière. Un langage obscure avec un lexique riche et rare, un style volontairement hermétique, bien qu'emprunté à l'écriture des notaires, des scientifiques et de Rabelais, une pléiade de références que le lecteur moyen (moi) ignore et qui crée une inflation de notes qui viennent rendre la lecture encore plus difficile, tout semble fait pour entraver le lecteur. Pourtant on a ce sentiment que le texte qui nous est balancé à la figure constitue une nouveauté nécessaire. Sans rien y comprendre, on prend plaisir à cette lecture et on a le sentiment que quelque chose de limpide est caché sous l'incroyable complexité d'une histoire très simple, qu'une formule mathématique peut nous donner la solution de tout : "Dieu est le point tangent de zéro et de l'infini". Le voyage du docteur, de l'huissier et de Bosse-de-Nage, dont le discours constitue l'apogée philosophique du texte ("ha ha"), est le fruit d'un délire raisonné. On entre dans un (ou plusieurs) monde(s) absolument imaginaire(s) et nouveau(x), on rencontre des être drolatiques qui sont en fait des amis de Jarry, paraît-il, on pousse des logiques absurdes jusqu'au bout et on atteint au terme de l'odyssée, car ce roman est aussi une réécriture de L'Odyssée, la vérité. La quête du pataphysicien, après avoir expérimenté tout et n'importe quoi, aboutit à des formules mathématiques qui permettent de définir la surface de Dieu, de manière certes complètement loufoque, mais sérieuse. C'est à force de n'y comprendre rien qu'on comprend tout. Ne pas comprendre Jarry est donc nécessaire pour le comprendre. Compris ?
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