meslectures

          | Ma musique

Ecrire sur et à partir de la musique a-t-il un sens? Souvent, il semble que la musique se suffit à elle-même, mais je ne peux m'empêcher de lui donner des mots, de la décrire ou de l'interpréter, de me souvenir des cadeaux qu'elle m'a offerts, des émotions qu'elle m'a procurées et du silence qui s'est brisé grâce à elle. 

J'écrirai donc, au hasard de mes musiques, ce qu'elles m'inspirent. 

Sarcloret, Une warteck et un cardinal, terrasse! (posté le 04/03/2015 à 22:47)

La vie en rose vue de Suisse : l'abonnement Betty Bossy, l'armée de milice, le chocolat Tobler, le secret bancaire, sept-cent Tamouls. Virez l'intrus. Ou planquez-le à la Gouglera au milieu des sauvages. 

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Michel Bühler, Faubourg de Buenos Aires (posté le 28/02/2015 à 14:38)

Les chanteurs aujourd'hui ne sont plus engagés que par leur maison de disque. Michel Bühler tient pourtant encore le coup, alors qu'il a tous les défauts du monde : il est gauchiste à l'heure de la droitisation, tiers-mondiste à l'heure du choc des civilisations, antimilitariste à l'heure du terrorisme qui redonne des couilles aux colonels en déprime, soixante-huitard à l'heure du retour de manivelle, indigné pour de vrai à l'heure du cynisme qui se croit malin et des postures pseudo-scandalisées, et surtout langue de vipère à l'heure de la langue de bois. Il continue, droit comme un I et raide comme la justice de Berne, à cracher sur sa télé quand le monde est décidément trop con, et à danser des valses tristes quand des innocents, à l'autre bout du monde, se font assassiner.

"Le sang gicle sur les carreaux", chantait-il au temps de Videla, sur un air de rien, comme pour apaiser les souffrances des laissés-pour-compte. Il continue aujourd'hui à pleurer à la gueule des puissants, à s'indigner dans le désert, à croire qu'une chansonnette peut peut-être changer le monde. Michel Bühler, c'est le Jean Ziegler de la chanson, une espèce en voie de disparition, mille fois hélas.  

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Arthur Honneger : Psaume "Ne crains rien" du Roi David, par John Elwes (ténor) et l'Orchestre de la Fondation Gulbenkian, sous la direction de Michel Corboz (posté le 21/02/2015 à 21:13)

L'oiseau des montagnes s'est envolé. Pan dans les plumes. Une clarinette et une voix divine viennent souffler un vent plus calme. Le Roi David a pris le large. Il s'est évadé de la grange sublime, s'est arrêté un instant au coeur de l'Empire du Milieu, puis est revenu dans son désert puiser la beauté dans l'eau sacrée du Jourdain. 

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Georg Friedrich Händel : And the glory of the Lord du Messie, par le Regent Chamber Choir et le City of London Sinfonia, sous la direction de Gary Cole (posté le 21/02/2015 à 16:47)

Peut-on imaginer musique plus britannique? Händel a jeté dans la Tamise tout ce qui lui restait de teuton et le voilà, perruque poudrée sur son visage flegmatique, sujet de sa Majesté la Reine Elisabeth. God save the Queen!

Dieu est anglais. Il boit le thé avec la duchesse de Cornouailles, Camilla Parker Bowles, et avec l'archevêque de Cantorbury. Des enfants de choeur en soutane rouge chantent sa gloire tranquille tandis qu'entrent, en procession solennelle, au coeur sacré de l'abbaye de Westminster, le Prince Philipp Mountbatten, duc d'Edimbourg, en kilt d'apparat du plus bel effet, avec à son bras Pippa Middleton, demoiselle d'honneur de son altesse royale la Duchesse de Cambridge. Tous se lèvent alors, éblouis par la grâce de la couronne royale bientôt déposée noblement sur les oreilles du Prince Charles de Galles, dès que maman aura cassé sa pipe. Händel étouffe alors un pouffement vulgaire qui aurait pu trahir son origine bâtarde, mais il est anglais et fait semblant de ne pas piger la boutade. 

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Serge Lama, Les ports de l'Atlantique (posté le 20/02/2015 à 17:12)

Des chanteurs qui "vont gueulant", il n'en reste plus beaucoup. Il semble qu'il faille, aujourd'hui, ne laisser couler qu'un filet de voix, qu'un ruisselet de timbre, qu'une gouttelette de coffre. Serge Lama, délicieusement dépassé, hurle plus fort que l'océan. Il défie, Christophe Colomb planté au port, les raz-de-marrée et les ouragans. Il en fait trop, il se croit déjà en Amérique quand il n'est qu'au petit jour d'une nuit noyée d'alcool et qu'il patauge dans une odeur de fin d'amour.

Peut-être faudrait-il écrire "faim d'amour"?

Le cri du goéland-lama a la gueule de bois, mais il crache à tue-tête à la figure des sans-rêves.

Il faut écrire "soif d'amour".

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Serge Reggiani, Le vieux singe (posté le 19/02/2015 à 12:21)

Quand la chanson s'égare au cirque, c'est toujours pour pleurer. Les clowns y meurent. Les acrobates s'y cassent la gueule. Les vieux singes y font des grimaces qui ne sont pas de cinéma. La mélodie reste légère, orgue de barbarie et roulements de tambour, mais le spectacle est fini. Le temps a passé. Le vieux singe se souvient des baobabs. Il finira dans un zoo, sous des arbres de pacotille. 

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Bourvil, La marche des matelassiers (posté le 17/02/2015 à 00:01)

La chanson bête est aujourd'hui assommée par la chanson con. Au temps béni de Bourvil, sur les cassettes blanches et bleues de ma grand-mère, il y avait des mauvais jeux de mots laids, des fou-rires pour un rien et des fanfares pas très bien alignées. Qui ose encore dire "ça va? et toi…le à matelas"? Le witz est usé jusqu'à la corde (à linge) mais il fait du bien, parce qu'il ne se prend pas pour une star (ou pour une étoile...à matelas). Le chanteur prend du plaisir à se vautrer dans les bras d'Irma (là, mâte-la!) et à passer pour un corniaud, un mot définitivement associé à Bourvil, parce qu'il faut, pour bien jouer l'imbécile, plus de talent qu'on ne le croit (l'à matelas). Mais cette histoire de matelas m'attire sur le mien, où m'attendent les bras de Morphée, sans doute une copine à l'Irma de Bourvil.

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Sir Michael Tippett, Première partie Lento de la Symphonie n°3, par l'orchestre symphonique de Londres, sous la direction de Sir Colin Davis (posté le 14/02/2015 à 23:05)

Le récit commence en trombe, en coup de massue, puis les sons s'éparpillent. La musique semble s'émietter, se recomposer, redire pour se rassurer quelques mélodies trop souvent interrompues. Y a-t-il une danse? Elle boite. Des cloches s'éveillent en sursaut. Fausse alerte. Le blitz est passé à côté. On se cache à la cave. Des gouttes d'eau. La danse? Son souvenir seulement. On descend des escalier. La danse? Il y a aussi des restes de cloche. Big Ben? On a oublié quelle heure a sonné. Il fait de plus en plus sombre. On a peur. On songe à des choses qui font mal, à des amis enfouis, à des enfants assassinés. Les cordes se tendent en un presque-cri qui emplit l'espace, le sature, le rend irrespirable. Quand se tairont-elles? Il semble que tout à nouveau se clairsème. Tu parles! Elles sortent de la bouche d'égout comme des plantes carnivores. Il n'en reste qu'une. Elle se laisse hypnotiser par le motif des gouttes perlées. Tout se noie sous le rien de l'eau. Tout redit sans cesse, inquiet, le petit air énervant. On mourra avec ces ignobles notes enfoncées sous le crâne. Les cordes enfin viendront nous délivrer. Les gouttelettes resteront, fossilisées dans les baguettes d'un xylophone, enfermées dans les doigts d'une harpe. On aura rêvé une musique nouvelle. 

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Johann Sebastian Bach, Oratio de Noël BWV 248, Première partie "Jauchzet Frohlocket, auf, preiset die Tage", par l'Akademie für alte Musik de Berlin et le RIAS Kammerchor, sous la direction de René Jacobs (posté le 07/02/2015 à 10:02)

Définitivement, Bach, ça bondit, ça palpite, ça s'amuse, ça danse et ça rend heureux. Les timbales et les trompettes font battre le coeur plus fort. Puis le chant donne des ailes aux jambes qui sautillent. On se sent si léger qu'on croit s'envoler. Quel pied que de chanter cela! Alors je me mets à fredonner, sur d'autres mots, "Tönet, ihr Pauken! Erschallet, Trompeten!", parce que le sacré et le profane ne font qu'un chez Bach et que toute vraie musique tient à la fois de la prière et de la noce. 

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Harry Nilsson, Everybody's talkin' (posté le 30/01/2015 à 20:13)

Il est des musiques, certains jours trop enneigés, qui sonnent comme un au revoir. Celle-ci dessine une longue route, un geste de la main qui devient toute petite, une vague à l'âme qui ne parvient pas à ne pas songer que grand-maman s'en est allée. 

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