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          | Poésie

12 juin 2012 : Maurice Chappaz, Chant de la Grande Dixence, Le Valais au gosier de grive (posté le 12/06/2012 à 14:01)

Modernité et Valais, antithèse? Chappaz hésite, voudrait chanter un Valais ancien, peuplés de paysans pieux, de femmes silencieuses, de montagnes sacrées, un Valais terre promise, âge d'or, vestige d'un catholicisme pur, mais "à la fin, tu es las de ce monde ancien", et le monstre de béton fascine, le travail des mineurs renoue avec la communion des moines de jadis, et avec les "grands Christ paysans". Aucun retour en arrière n'est possible, et la mort d'un pays se fait résurrection, les regrets se rêvent renaissance, le poète ne parle peut-être pas dans le vide, tombé d'une montagne violée sur une terre bétonnée.

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9 juin 2012 : Gustave Roud, Air de la solitude et autres écrits (posté le 09/06/2012 à 19:11)

Tenter de dire la campagne d'ici, le travail et le repos des paysans, les saisons qui se nuancent, la quête semble simple, elle creuse une solitude habitée de présences difficiles à reconnaître. Les errances et les promenades, dans le Jorat, sur la route aux arbres assassinés, entre Missy et Saint-Aubin, près d'une auberge où s'ennuie une serveuse triste, sur la tombe d'un camarade de service, sont le retour vers ce qui clignote, apparaît, vif et éternel, puis part, souvenir à recréer par les mots. La poésie de Roud est mystique, expression rêvée d'une vérité frôlée dans un arbre, un champ de blé, un chant d'oiseau. Elle parle aux morts pour ressaisir une éternité jadis ressentie. Elle est sans âge, à la fois échec et réussite, sens et absence, beauté et vanité de toute tentation de tout dire.

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28 mai 2012 : Jacques Roubaud, Quelque chose noir (posté le 28/05/2012 à 17:04)

Lecture à contre-courant d'un printemps joyeux, ce quelque chose noir essaie de dire, et sait qu'il échoue de dire, la mort d'une femme aimée. Elle est, corps et âme, chair caressée, présence chaude, puis, d'un coup, elle n'est plus, rien, matière inutile. Le poète est décontenancé, parce qu'il n'y a rien à dire, et encore moins à écrire, mais il tente quand même, sans illusion, de comprendre ce qui lui arrive, de recréer quelque chose qui survive à l'absence infinie, mais la réalité, brute, charogne, implacable, c'est qu'elle n'est plus, que les photographies sur le mur ne représentent plus rien, que les souvenirs et l'écriture du nom ne sont que chimères, nécessaires et impossibles. Les vers se brisent en mots vains, le sens s'envole, elle n'est plus, et dès lors, c'est comme si elle n'avait jamais été.

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15 mai 2012 : Guillaume Appolinaire, Poèmes à Lou, précédé de Il y a (posté le 15/05/2012 à 19:02)

Qu'est-ce qui donne ce charme si particulier aux mots d'Appolinaire? C'est une sorte de mystère simple, ou de familiarité originale, le vers ancien qui rime avec le vers libre, les dessins que l'on déchiffre avec peine. Il y a aussi l'amour qui se frotte à la guerre et le mélange si détonnant et si nouveau de la femme aimée, de son corps attendu, avec la mitraille, les terribles tranchées de 14-18, les obus, toujours liés intimement aux seins, comme si la guerre était une continuation de l'amour par d'autres moyens, les lettres quotidiennes d'un poète perdu loin de sa muse et qui, dans l'horreur, s'en amuse. Il y a dans les petits mots d'Appolinaire une légèreté bizarre, comme s'ils avaient pour mission d'éloigner le lecteur et Lou, femme plus imaginaire que réelle, de la brutale réalité du champ de bataille, pour s'ébattre dans un autre corps à corps, dans ces guerres d'une nuit qui ne connaissent sur le moment que des vainqueurs, et qui, à la longue, quand le poète meurt au front, ne créent que des vaincus.

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19 avril 2012 : Georges Pérec, Beaux présent belles absentes (posté le 19/04/2012 à 15:16)

Est-ce plus qu'un jeu? On cherche le nom caché ou on n'en utilise que les lettres. On s'amuse ou on se casse la nénette. Bref, rien que du divertissement, une poésie de circonstance, une virtuosité stérile. Vraiment? Relisons ces petits poèmes, sans nous soucier de leurs contraintes d'écriture. Ils demeurent charmants, bourrés de mots du dimanche et d'objets de tous les jours, imaginatifs et musicaux. La limitation des lettres crée la répétition des sons, ces si parlantes assonnances et alitérations qui font le plaisir de la lecture de poésie depuis toujours. En se compliquant la tâche, Pérec, l'air de rien, en s'éloignant pour notre plus grand plaisir de la prétention métaphysique de la "grande" poésie, revient au bricolage du langage qu'elle a toujours été, au son créateur de sens. Est-ce plus qu'un jeu? Non, mais pourquoi demander à la poésie d'être plus qu'un jeu?

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16 avril 2012 : Valery Larbaud, Les Poésies de A.O. Barnabooth (posté le 16/04/2012 à 19:05)

Borborygmes et voyages exotiques, les mots de Larbaud, simples, nus et divers, se lisent avec un sourire ou un regret, pas plus, modestes évocations d'un monde en dérive et d'un homme qui s'y attache. Cendras sans aventure ou Appolinaire sans extravagance, Larbaud coule de source, photographe des petits moments et des petits êtres, une mendiante qui danse, quelque part en Espagne, un femme russe qui porte des seaux d'eau, ou un fumoir anglais qui met dans la tête une chanson de François Morel. Ne demandons rien de plus à la poésie. Ainsi, elle suffit, loin de son ordinaire prétention à dire plus qu'elle ne peut.

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3 avril 2012 : Fernando Pessoa, Le Gardeur de troupeaux et autre poèmes d'Alberto Caeiro avec Poésies d'Alvaro de Campos (posté le 06/04/2012 à 13:15)

C'est comme si on lisait deux poètes. Le premier, Alberto Caeiro, dit, à l'infini, que ce qui est ce qui est, qu'une fleur est une fleur, et que c'est tout, qu'il n'y a pas besoin de penser, qu'il faut juste voir les choses, sans y chercher un sens, un mystère, une symbolique, sans y ajouter ce qui n'y est pas à l'évidence. Le deuxième, Alvaro de Campos, veut tout saisir, tout pénétrer, tout comprendre, et, malgré le tourbillon du vu et du vécu, tombe dans la désespérance de n'y rien comprendre, pas même lui-même, et ploie sous le vertige mystérieux d'être. Pourquoi suis-je moi? Inaccessible réponse. Deux attitudes possible. Je suis moi et je n'y pense pas; je suis moi et je cours après l'énigme que je résoudrai toujours après-demain, dans une procrastination constante du sens de la vie. Pessoa adopte les deux attitudes, comme nous tous, radeaux tanguant sans cesse entre le plaisir sans arrière-pensées, constatant joyeusement que le ruisseau est le ruisseau, et la question piège : l'eau du ruisseau qui coule est-elle réelle ou n'est-elle que mouvement, jamais identique à ce qu'elle était l'instant d'avant? La poésie est à la fois refus de la philosophie et appel d'un sens fuyant.

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9 mars 2012 : Rainer Maria Rilke, Les élégies de Duino, suivi de Les sonnets à Orphée (posté le 09/03/2012 à 14:52)

Frustration. Il faudrait le vivre en allemand. Je vois le texte original, y saisit des mots au vol, des bouts de phrases, puis je lis la traduction, souvent en me disant que ce n'est pas cela, qu'en allemand, c'est plus simplement dit, que traduire la poésie est impossible, que le langage de Rilke demeure fondamentalement étranger à mon esprit francophone, qu'il y a trop d'abstraction et de pensée dans ce que je voudrais concret, rapide, sonore et limpide. Comme souvent, un poète passe, intouchable et lointain, comme un ange, et je reste sur les planches, albatros qui ne pige rien au brûle-gueule des mots qui donnent la nostalgie d'avant Babel.

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16 février 2012 : Rainer Maria Rilke, Vergers et autres poèmes français (posté le 16/02/2012 à 14:40)

Dans la mélancolie d'une Saint-Valentin solitaire, la rose que je reçois me console. C'est une rose de mots, simple et pleine de son rêve, "Narcisse exaucé" dont les pétales sont une caresse aux pétales. La ballade dans le verger, qui fait comme s'il ne sommeillait plus, se colore de saveurs et de pensées vers là-haut, à la cime des arbres et de la vie, dans la rocaille enivrante d'un Valais lumineux. Simplicité et justesse, Rilke touche à l'idéal de la poésie, sans en avoir l'air, en s'appropriant cette langue française si liquide dans ses cascades raffraichissantes, et si légère dans la beauté fragile d'une rose heureuse ou d'une mélodie passagère.

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10 février 2012 : Arthur Rimbaud, Une Saison en enfer (posté le 10/02/2012 à 16:12)

Pourquoi la fascination Rimbaud? Avouons un étonnement. Qu'ai-je lu? Le parcours mystérieux d'un esprit qui s'égare. Mon esprit ne s'y retrouve pas. C'est comme si je ne l'avais pas lu (l'avais-je déjà lu auparavant? je n'en sais rien). Les mots apparaissent, puis ils s'effacent. La poésie de Rimbaud est illumination, mais l'aveuglement noircit le génie. Je n'y ai rien compris.

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