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| Philosophie

18 juin 2014 : Gaston Bachelard, Le droit de rêver (posté le 18/06/2014 à 18:43) |
Un philosophe peut-il penser le rêve? Gaston Bachelard s'y essaie, à travers la peinture, ce qu'elle dit du paysage et de l'homme, la sculpture, ce qu'elle affirme avec et contre les éléments dont elle est faite, la poésie, ce qu'elle dit de la verticalité du temps, ou la radio et ce qu'elle peut inventer pour donner à méditer. Il s'agit, pour le philosophe, de traquer ce que la raison ne peut pas dire, de saisir ce que l'art fait vraiment, en quoi il occupe une place fondamentale pour l'homme. Il pense alors son propre rapport à quelques oeuvres, la Bible illustrée par Chagall, les Nymphéas ou la poésie de Mallarmé. Le lecteur, qui ne connait pas tout, en vient lui-même à rêver l'art: à quoi ressemblent les gravures d'Albert Flocon? je n'en sais rien, mais à la lecture de Bachelard, j'avais l'impression de les connaitre intimement. Bien sûr, on souhaiterait une pensée plus systématique, des synthèses plus générales, mais c'est sans doute ailleurs qu'il faut les chercher, dans une oeuvre dont la lecture est désormais désirée. | |
29 avril 2014 : Michel Serres, Petite Poucette (posté le 29/04/2014 à 19:32) |
S'il est un domaine avec lequel on ne cesse de nous bassiner aujourd'hui, c'est bien celui des "nouvelles technologies". Michel Serres s'y attaque aussi, mais ni pour s'y vautrer bêtement comme les accros à Candy Crush Saga ni pour s'y opposer pour revenir au bon vieux temps du bouquin en papier et de la vie réelle. Ce qu'il cherche à comprendre, c'est ce que ces technologies changent dans notre rapport au savoir. Or il constate qu'elles changent tout à la manière dont nous apprenons. Le temps du cours magistral du maître abreuvant ses ouailles d'un savoir dont il était l'unique détenteur est fini. Aujourd'hui, tous les savoirs sont accessibles en deux coups de cuillère à clic. Bien sûr, il reste (et le prof, là, peut encore servir à quelque chose) à porter un regard critique sur ce savoir à disposition, à démêler le vrai du faux, le crédible du farfelu, l'utile du superflu. Mais ce travail, désormais, n'est plus celui d'un seul savant fou enfermé dans sa tour d'ivoire (le temps des tours semble se terminer, comme le temps de la page); c'est le travail de tous, ensemble, mis en contact par la toile d'araignée. La savoir ne peut qu'être collectif la tour devient vivante, vibrante, arbre plutôt que pierre ou ferraille. Bien sûr, cette construction-là, qui ne fait que commencer, est instable par nature et risque à tout instant de s'écrouler, mais elle semble être la seule voie possible aujourd'hui pour inventer un monde qui s'entrecomprend au lieu de s'entretuer. | |
13 mars 2014 : Georg Friedrich Hegel, Phénoménologie de l'esprit (posté le 13/03/2014 à 19:07) |
Il est des livres dont l'apprivoisement est ardu. Il est des pensées qui se perdent en se cherchant. Qu'a été pour moi la lecture de la Phénoménologie de l'esprit? Une marche à tâtons dans un labyrinthe, une noyade dans la complexité d'un esprit que se crée et s'abolit lui-même. Tout, dans la pensée abstraite (ô combien abstraite) de Hegel, se retourne sans cesse, se perd et se retrouve autre, erre du mouvement à l'être, de l'action à la conscience, de l'extérieur évident puis évidé à l'intérieur qui ne se connaît lui-même qu'en se supprimant. Alors que tout aurait dû se terminer dans le savoir absolu, je me retrouve dans la perplexité la plus totale. Mon esprit, en se mirant dans celui de Hegel qui se veut miroir de l'esprit universel, se déforme, il se défait, reconnaît sa défaite et avoue ne pas comprendre grand chose ni à Hegel ni à lui-même. | |
1er novembre 2013 : Edgar Morin, Science avec conscience (posté le 01/11/2013 à 16:07) |
En essayant d'introduire le sujet dans la science, Edgar Morin la complexifie. Il montre que le monde que la science essaie de décrire résiste toujours à la simplification, aux principes éternels, aux dogmes. Il montre aussi que les disciplines (physiques, biologiques, sociologiques, et même politiques) ne peuvent expliquer ce qui nous entoure et ce que nous sommes (car les deux sont liés de manière indéfectible) qu'en dialoguant entre elles, qu'en quittant son pré carré. Il s'attaque également au principe d'ordre qui avait présidé à toute pensée rationnelle jusqu'alors en montrant que l'ordre et le désordre interagissent, qu'ils ont besoin l'un de l'autre tout en se nuisant, que leur rapport, et c'est là l'essentiel pour Morin, est complexe. Il réintroduit finalement dans la pensée scientifique tout ce que l'on en avait ôté pour la créer. Pourquoi? Parce que la science elle-même découvre qu'elle a besoin de ce qu'elle avait exclue, parce qu'elle l'a redécouvert. Il ne s'agit pas bien sûr de revenir à une pensée subjective purement émotive ou magique, mais à une pensée de l'objet dans laquelle le sujet ne s'oublie pas lui-même. Bref, pour piger un tantinet soit peu notre univers, nous avons encore du pain sur la planche. | |
2 septembre 2013 : Platon, La République (posté le 02/09/2013 à 19:11) |
Qu'est-ce que la justice? La question, quand elle est posée à Socrate, devient source d'un monde idéal, d'une cité parfaite, parce la justice, c'est le fait que chacun soit à sa place, à l'endroit qui lui convient. Elle est une harmonie à la fois interne à l'homme et externe, qui se manifeste dans l'organisation de la cité. Comment fonctionne cette cité juste? Platon, ou Socrate, car leurs voix se mêlent, en décrit les rouages avec précision : l'éducation, basée sur la musique et le sport, à l'inverse des conceptions modernes, puis le rôle des gardiens, à la fois chiens et philosophes, puis le pouvoir, qui ne sera pas désiré, mais que les philosophes, parce qu'ils connaissent la vérité et le bien, devront exercer contre leur gré. Socrate décrit ensuite les différents système politique, et là encore, les modernes sont surpris: la démocratie est le dernier pas avant la tyrannie, la liberté, valeur tellement centrale pour nous, est dangereuse quand elle est mise dans les mains des ignorants; il vaut mieux un gouvernement aristocratique où les meilleurs gouvernent, ceux qui savent où se situe le bien et la vérité. Peut-on, aujourd'hui, revenir à la cité idéale de Platon? Sans doute pas, parce que ni les philosophes ni les savants, ni les politiques ne peuvent prétendre avoir accès à la vérité, parce que la sortie de la caverne aux illusions est sans doute elle-même une illusion. Mais faire de la politique une tentative d'approche de l'harmonie, un bricolage de la justice, une volonté de donner à chacun la place qui lui est propre, demeure juste. Qui s'en soucie aujourd'hui? | |
30 juillet 2013 : Emmanuel Kant, Critique de la raison pure (posté le 30/07/2013 à 18:09) |
La philosophie de Kant, du moins dans ce livre très abstrait, ne donne pas de réponse aux grandes questions métaphysiques. Elle dit au contraire, et elle le prouve, que notre raison n'a pas la possibilité de répondre à ces questions. Le lecteur ressort donc du livre doublement frustré, premièrement parce qu'il sait surtout ce que ne peut pas sa raison, et deuxièmement parce qu'il n'a pas compris grand chose aux spéculations du philosophe. Que retenir? La séparation nette entre les phénomènes, que nous pouvons connaître en tant que phénomènes seulement, et les choses en soi, que notre raison n'a pas les moyens de toucher. Trop souvent, on croit connaître une vérité alors qu'on ne fait que décrire un phénomène, c'est-à-dire un fruit de notre perception. La nécessité a priori de l'espace et du temps comme condition des phénomènes : tout est situé sur ces deux axes, l'externe (l'espace) et l'interne (le temps). L'impossibilité de prouver l'existence de Dieu mais aussi de prouver son inexistence. Idem pour l'immortalité de l'âme. Bref, Kant nous donne des limites. Il restreint le contenu de la philosophie. Après lui, peut-on encore penser? | |
17 juillet 2013 : Jean de la Bruyère, Les Caractères (posté le 17/07/2013 à 18:50) |
Entre portraits fort peu flatteurs et réflexions moralistes, la Bruyère peint une humanité faible, courtisane, nombriliste et ridicule. Trop sérieusement, il blâme, il fait entendre la voix de la morale, de l'ordre, de la soumission au souverain et à l'Eglise. Si les personnages dessinés sont souvent pittoresques, exagérés et justes, il manque à celui qui les prend pour modèle le sens soit du comique, soit de l'empathie. Ce que veut la Bruyère, c'est, par l'exemple du vice, corriger ses contemporains. Cela se sent trop. Il fait la morale et ne s'amuse pas assez de ce qu'il voit, parce qu'il le juge trop, parce qu'il donne trop de poids à ce qu'il nomme vertu, oubliant qu'aimer les êtres humains, c'est d'abord aimer leurs défauts. | |
17 mai 2013 : Paul Ricoeur, Histoire et Vérité (posté le 17/05/2013 à 21:28) |
Quels rapports ont l'Histoire et la Vérité? La question semble sans fin, et Paul Ricoeur l'aborde par tous les côtés, d'abord en se demandant ce qu'est le travail de l'historien, puis celui du philosophe, puis en traitant par la logique et le retour sur le monde les grandes questions liées à l'Histoire : la politique, l'Etat, la culture, l'économie, le travail. Que retenir des analyse rigoureuses du philosophe? Quel lien existe-t-il entre les multiples facettes de la philosophie quand elle se penche sur l'histoire? Beaucoup d'idées, mais finalement le sentiment d'arriver à la fin du livre en n'en ayant pas retenu grand chose. Peut-être celui-ci est-il trop plein, en ma cervelle trop petite trop vite saturée. Il faudrait relire, et creuser. | |
24 février 2013 : Hannah Arendt, La crise de la culture (posté le 24/02/2013 à 18:18) |
Que reste-t-il dans le monde déboussolé d'aujourd'hui des grandes notions qui en ont façonné la pensée, comme la liberté, l'autorité, la vérité, la tradition ou l'histoire? Les analyses serrées d'Hannah Arendt montrent à quel point celles-ci sont ébranlées, que les expériences politiques et scientifiques radicales du vingtième siècle ont mis à mal tous les repères. Elle montre aussi l'écart qui existe entre la pensée solitaire du philosophe et la vie dans la cité, où la vérité importe beaucoup moins que l'action, où l'éducation, en voulant épouser les besoins de l'enfant, devient vide de sens, où la culture, en se démocratisant, se transforme en banal objet de consommation. Le monde nous échappe, et nous ne pouvons que le penser sans coller à lui, que faire semblant de l'adapter à la faiblesse de nos sens imparfaits. La crise ouverte est loin d'être refermée. | |
30 décembre 2012 : Voltaire, Traité sur la Tolérance (posté le 30/12/2012 à 15:10) |
Un homme est accusé, à Toulouse, d'avoir tué son fils. Pourquoi? Le père est protestant et le fils s'est converti au catholicisme. Pas besoin d'autre preuve. Il finit sur la roue. Voltaire réagit par ce traité, en défendant la tolérance, notion qui nous paraît si naturelle, si bonne, si allant de soi qu'on a de la peine à comprendre pourquoi il fallait il y a trois siècle la défendre, et pourquoi il faut toujours la défendre aujourd'hui. Ce qui s'oppose à la tolérance, c'est, pour Voltaire, le fanatisme, la pensée qui refuse absolument la concurence, la vérité si sûre d'elle (ou si peu sûre, car si elle est vraiment la vérité, elle s'impose d'elle-même) qu'elle refuse à toute autre idée de s'exprimer. L'autre a tort, il faut l'éliminer. Voltaire voit, et l'histoire lui donne mille fois raison, dans l'intolérance le germe de ce qu'il n'appelle pas encore le génocide mais qu'il décrit comme tel. Bref, la religion, quand elle n'admet pas qu'on puisse s'opposer à elle, est meurtrière. On ne peut s'empêcher de penser au fanatisme musulman d'aujourd'hui, à cette enfant afghane qu'on veut lyncher parce qu'elle a brûlé sans se rendre compte de la portée de son acte un Coran, à ces djihads terroristes contre les infidéles, dont le crime est, comme celui de Calas, de ne pas croire comme ils devraient. On ne peut que penser aussi que Voltaire, dans sa critique de l'intolérance, ne va pas assez loin, et que toute idée de vérité, que toute religion monothéiste qui va jusqu'au terme de sa pensée, porte en germe la possibilité du massacre des hérétiques et que toutes, de fait, ont massacré ceux qui avaient la faiblesse ou la force de ne pas penser exactement comme elles. Est-il possible de concilier religion et tolérance? J'en doute. | |
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