|
| Spectacles

20 juin 2013 : Payerne, Red Pigs Festival, concerts de Marc Aymon, Pony pony run run et Uriah Heep (posté le 21/06/2013 à 20:48) |
Les cochons rouges, comme chaque année, patauge dans la boue. Marc Aymon (par sa voix aiguë assez banale et ses textes qui ne décollent que quand ils sont piqués à Boris Vian) fait tomber la pluie, que Pony pony run run reçoit en pleine figure, électrifiant les parapluies qui dansent comme s'ils étaient en boîte dans un déluge électro et chevelu. Mais en matière de chevelure, la palme d'or est sans conteste attribuée aux vieux hardrockeurs d'Uriah Heep, objets hurlants non identifiés tout droit sortis d'une carte postale, d'un t-shirt noir ou d'un 33 tours des années septante. Quelques cris sous-acidiciens, des guitares qui couinent ou saturent, des perruques (ça ne peut pas être de vrais cheveux, ces trucs...) sous lesquelles hochent des têtes ahuries sur un tempo binaire, des fans barbus, ventrus et buveurs de bière, tout le folklore ringard et nostalgique d'une époque que l'on croyait révolue, bref une musique qui, tout en roulant des mécaniques, ne fait plus peur à personne. Soudain : "Lord of hope and glory". Le concert se termine en apothéose. Toutes les (vieilles) filles montent sur scène. Il ne manque que Gérard et son drapeau. | |
14 juin 2013 : Cousset, Notre-Dame de Tours, Fermeture de porte de classe de Jean-Luc Maradan (posté le 16/06/2013 à 10:46) |
Il ne pouvait pas s'en aller sur la pointe des pieds. Pas lui... Il met, bien entendu, les petits plats dans les grands (et les pieds dans le plat). Lettre de démission? En BD. Discours? En blaguant. Souvenirs? En ribambelle. Les anciens élèves font, tour à tour, leur adieux, en musique, en chanson, en anecdotes savoureuses, en talents nés peut-être sous les encouragements ou les engueulades du maître d'école (il semble d'ailleurs qu'il soit l'un des derniers dinosaures à porter à la perfection ce nom de maître...).
Les camarades se revoient et se racontent leur Jean-Luc Maradan, celui qui tourne les oreilles en points d'interrogation, qui fait arrêter les voitures pour leur apprendre les règles de grammaire, qui empoigne la main et balance l'élève un peu mou sur le pupitre du prof, qui installe des rétroviseurs sur les pupitres de ceux qui se retournent trop souvent, qui pique des colères glaçantes et balance les tricheurs par la fenêtre, qui envoie ses élèves au terrain de foot le 1er avril pour faire une blague à la classe d'à côté, sans que personne ne fasse tilt : tel est cru qui croyait prendre, comme le corbeau et le renard de la fable, qu'il apprend encore et toujours à ses élèves... dans toutes les langues nationales, comme quand, souvenir impérissable, nous étions allé chanter au Palais fédéral une suite romande qui nous fredonnons encore, vingt ans après, presque par coeur...
La soirée d'adieu rigole. Il a une petite attention pour chacun, une pensée pour les absents (sur la photo, où j'avais oublié de mettre mon t-shirt officiel avec la bouille barbue du régent, Patrick dépasse un peu, plus grands que les autres, plus proche du ciel...). Gavés de tartines et de desserts, et repus d'émotions, ceux que Jean-Luc a marqué de son sceau souriant pour toujours évoquent une dernière fois la crèche du bricolage, les sorties à vélo, les peintures murales, les inters de géo les yeux fermés, et s'en vont, comme leur maître ce soir, sans verser une larme, mais reconnaissants et nostalgiques des années magiques du temps de l'école, de la balle au camp à la récré et du parfum enivrant du stencil. | |
8 et 9 juin 2013 : Combremont-le-Grand, La musique dans le vent, 92ème fête des musiques broyardes (posté le 12/06/2013 à 16:42) |
Dans la tchaffe insoutenable d'une salle en feu, la Concorde s'accorde sur Concord. Le picolo joue pico bello l'appel à la bataille, auquel répondent présents les autres instruments : des trompettes pimpantes, des barytons rutilants, un xylophone qui semble avoir pigé le 7/8, des clarinettes hurlantes, un basson présidentiel, des sax lyriques au premier rang et foehnants au deuxième, des trombones chevelus et concentrés, des flûtes presque justes et des basses bonhommes et barbues. Dans la cantine presque fraîche, les airs se dévergondent et se précipitent vers un apéro mérité, des bruschetti affolantes, un petit vin blanc qu'on boit, sinon sous la tonnelle, du moins dans la cour d'une ferme où nous attend (toujours) un lit de paille pour la nuit, et une première chanson de Montagny qui donne à la pluie l'occasion de montrer le bout de son nez. Concours de marche annulé? Espoir déçu, mais souliers sales et annonce peu énergique d'un chef plus que jamais convaincu par l'exercice. Les schtroumpfs baragouinent alors un show loin au fond de la cantine, qui n'a d'yeux que pour les filets de perche et les charmantes sommelières. Enfin sous la tonnelle, et sous la pluie, les verres se vident et les langues se délient.
Le lendemain, la cravate est encore cassée. Mystère qui recommence, fin de soirée chic ou choc? Un doute plane sur Combremont. La deuxième chanson de Montagny permet à de nouveaux verres de blanc de descendre tranquillement vers un estomac qui me chatouille et qui se remplit sans peine avant la petite ballade digestive entre les fermes fleuries et les arbres verdoyants. En guise de dessert, rien ne vaut une petite léchée d'escargot, suivie de la marche triomphante de notre cher docteur Günther. La pluie, bonne joueuse, laisse le cortège s'achever afin de mieux se déchaîner quand la troisième chanson de Montagny se laisse encanailler par une petite Louise dont les "Oh la li oh la la" vibrants font s'abattre la foudre et des trombes d'eau. Course vers la cantine qui se transforme en nage. Souper brassbandé. Encore un verre? La tonnelle est déjà fermée. Les musiciens, encrottés et fatigués, tentent de sortir leur voiture du parc et s'en vont, tout déçus que la fête soit déjà finie. | |
1er juin 2013 : Combremont-le-Grand, concours des solistes du giron de la Broye (posté le 01/06/2013 à 21:24) |
Ils sont jeunes. Ils jouent sans trembler, juste, faux, en soupirant, en souriant, en arrivant au bout soulagés ou fiers. Je suis moins jeune, je tremble. J'attends. Dans le public, un vieux trouble et la chaleur des doigts qui suent... Je me lance, je me perds, je retombe sur mes pattes. La musique, bien qu'estropiée, prend le dessus, mais elle est si loin du travail accompli, si décevante... Sentiment de temps perdu, envie de montrer que je suis capable de mieux, de recommencer, mais le couperet tombe, le stress du concours tue presque toute la beauté péniblement atteinte. D'autres passent, tremblent aussi, se perdent un peu moins, se loupent aussi parfois. Il n'en demeure pas moins la triste sensation d'être passé à côté... | |
30 mai 2013 : Fribourg, Equilibre, Suites pour petit orchestre 1 et 2 d'Igor Stravinsky, Symphonie classique de Sergueï Prokofiev, Concerto pour violon et orchestre de Johannes Brahms, par l'Orchestre de Chambre Fribourgois (dir. Laurent Gendre, soliste : Gyula Stuller) (posté le 31/05/2013 à 11:29) |
Les Russes hésitent entre modernité et classicisme. Ils réinventent Mozart et Haydn, en les tordant légèrement. Le résultat plaît, amuse quand le galop se cabre, émeut quand la valse laisse aux vents leur minute de joie. On préfère quand même quand Stravinsky se lâche, quand il dévaste tout. Ici, il est trop gentil. Celui qui dévaste, c'est Brahms, et son concerto pour violon si virtuose qu'il donne le tournis. Le soliste gratte tant et tant. Aucune corde ne pète. Le son est fluide ou violent. Il emporte quelque part à l'est, entre tziganes et forains, jadis. Un hautbois calme l'ardeur du vieux crin-crin pas encore fatigué. Ils s'enlacent... Final étourdissant, fête sautillante, frénésie et dentelle. On voudrait danser. On chantonne la célèbre mélodie. | |
8 mai 2013 : Bulle, Espace Gruyère, Francomanias, Petits chanteurs à la gueule de bois, Barcella, Bénabar, Mickaël Miro (posté le 09/05/2013 à 12:32) |
Quatre guelus veulent adopter le seul animal fidèle quand on est dans le caca. Vous devinez? Le ver solitaire, le ténia, bien sûr, même si les petits chanteurs à la gueule bois aiment aussi carresser les chats, imiter les grenouilles, chanter dans leur salle de bain et se coiffer en vertical. Humour, poésie a capella, train neuchâtelois qui siffle et grand-maman qui pète, l'entrée met en joie. Barcella, debout sur son tabouret, débite les mots qui s'amusent ou qui s'attendrissent avec plaisir, avec invention, avec goguenardise, chante les amours du cahier et du stylo, la petitesse de certaines choses qui gâchent la vie des hommes, puis libère un public sous le charme en lui faisant crier (en pensant à qui? mystère...) : "Salope!". Bénabar vient ensuite distiller ses tubes inégaux, du sublime Majorette, où le bugle, les feuilles mortes, les amours impossibles se ramassent à la petite cuillère, à ses éternels instants parlants du quotidien, les photos avec les petits devant et les grands derrière, les dîners de famille insipides, les rateaux à la pelle. Toujours un peu le sentiment d'un immense talent gâché par des chansonettes souvent trop faciles, et la déception de ne pas entendre Je suis de celles. Il reste pourtant l'énergie pas trop vieillissante de celui qui bondissait plus il y a dix ans et quelques trouvailles langagières sympathiques dont son successeur sur la scène ne comprend sans doute pas le sens. Mickaël Miro : textes où s'égrènent, les uns après les autres, tous les clichés les plus éculés et toutes les formules les plus creuses, musiques du même niveau, déjà entendues mille fois, faussement émouvantes ou binairement dansantes, tête à claque de beau mec pour faire frétiller les hormones sucrées des greluches post-adolescentes, mélodies simplettes martelées mille fois sur "oh ah pa la la la hi han" pour que que le public soit fier de pouvoir les répéter sans peine (Barcella avait essayé le même truc avec "Constantinopolitain, quand te déconstantinopolitaineriseras-tu?" mais ça marchait moins bien...), bref l'incarnation de la chanson qui marche dans les radios et qui tue les vrais artistes, ceux qui ont vraiment quelque chose à dire, et qui passent, dans les festivals, presque toujours en début de soirée. | |
27 avril 2013 : Payerne, Eglise Catholique, Concert membes amis de l'Ensemble vocal Chorège (dir. Fabien Volery) (posté le 28/04/2013 à 21:47) |
De passage dans le public, suivant une autre voie que ma voix en déroute, j'écoute celles des autres, sur la rive d'en face, avec plaisir. Le soir se couche avec calme et splendeur pour céder sa place à un matin romantique encore un peu hésitant, à une aube timide. Puis c'est déjà encore le soir, la berceuse si délicate des dames aux voix profondes, et le sommeil mystérieux qui crie un peu avant d'envelopper la terre, cette terre qui, soudain, dans mes vers ramassés et dans l'entremêlement des voix humides, grouille de cris. L'âge passe, bizarre, fugace, riche de sons nouveaux, puis la feuillle est emportée par un vent fatal, un Mistral qui se cache, un bal de jupes égarées que l'on recoud... Quelques notes s'envolent. C'est fini. Sombre, le tombeau se referme dans la solennité d'un hymne reposant et dans le grand mystère des accords si difficiles à faire sonner de Francis Poulenc. La vie s'en va, entre berceau et champs d'honneur, dans l'odeur du pain, au pied du verger. Passage de l'ombre à la lumière, de la vie à la mort, de la peine à la joie, ce concert déjà envolé a manqué à ma voix mais a comblé mes oreilles. | |
21 avril 2013 : Guin, Podium, Concert de Gala de l'Orchestr d'Harmonie de Fribourg (dir. Adrian Schneider, soliste : Lucas Francey, trombone) (posté le 22/04/2013 à 16:09) |
Dans le sable et le chaud, entre bois et allusions cuivrées, la Crète dévoile une subtilité de sons mystérieux et trépignants. On y désespère en de longues tragédies anciennes et modernes, puis une trompette sonne, une fête s'improvise, la vie a le dessus. Soudain, changement de décor : un trombone hallucinant jazze des notes suraiguëes qui empourprent le visage tendu de mon petit frère, plus grand que jamais. Va-t-il éclater ? Les sons sortent, limpides, puis caverneux, comme si l'on n'était pas monté, juste avant, au sommet de la crète. Quelques sourdines fantasques viennent adoucir les traits soulagés du soliste, qui, magistral, reprend la cadence affolante de ses débuts et termine son exploit à nouveau au sommet de son art. Hannibal, à côté, n'est qu'un minet de cabane... Son épopée emmusiquée, ses éléphants de vents, ses batailles percussives ont pourtant de la gueule. Sa gloire hurle juste à la face de Rome. Une voix sussure qu'il est aux portes de la ville éternelle à deux doigts de perdre son immortalité, mais le destin le chasse par de glorieux fortissimo. Delenda est Carthago. L'orchestre détruit tout sur son passage tonitruant. Le public, comme Hannibal, succombe. Mais à nouveau, quelques notes bleues, improvisées ou sucrées, viennent détendre l'atmosphère. Saxophone et trombone rivalisent de frénésie, une danse s'évapore. Le public ressort, comblé. | |
12 et 13 avril 2013 : Cousset, Centre sportif, Tour Atours (texte Vincent Francey, musique Lucas Francey et Jacques Aeby, dir. Jacques Aeby) (posté le 17/04/2013 à 09:43) |
Entre la petite idée, les mots qui s'harmonisent dans l'esprit et leur éclatement dans le coeur d'un village, toute une aventure donne à Tour Atours cette saveur unique qui commence par une fricassée de champignons cueillis par des créateurs en vadrouille et se termine par un "peut-être" dont on ne sait plus s'il s'en va ou s'il revient. Thibaud de Montagny, de retour sur ses terres, y séduit une fille un peu bizarre, l'emmène à la chasse, lui parle de sangliers volants, bande pendant la musique, perd son falzar, assassine un chien, s'accuse de crimes affreux et s'en va. Les villageois de l'époque ont la bouille de ceux d'aujourd'hui. Le curé est diabolique. De l'autre côté du temps, deux timides jeunes gens tâtonnent une valse amoureuse qui fait suer des clarinettistes qui tricottent, puis ils se perdent au fond de l'antre amer et se roucoulent des mièvreries, qu'une sorcière revenue de tout ("Oui! Tout!") interrompt brusquement : "Non! Ne vous aimez pas! Tout finit toujours mal!" Le château de Montagny et ses amours chasseresses tombent en ruine, le feu prend dans les granges le jour de Noël, la sorcière brûle sur son rocher et Fribourg Gottéron, terrible prémonition de l'auteur, est battu par les Bernois en finale des play-off. Il est temps de quitter ces gens du passé sortis des livres et des souvenirs pour reconstruire, aujourd'hui, un château de sable ou un château de carte, pour vivre et aimer maintenant, et pour remercier tous ceux qui ont donné vie à mes délires et qui ont fait de Tour Atours un moment... comment déjà, Jacques? "Bonnard, mes amis, bonnard..." | |
22 mars 2013 : Payerne, salle Pierre-Viret, Audition des élèves de Margot Corminboeuf (posté le 23/03/2013 à 10:51) |
Petits et grands clarinettent une soirée sympa. Pour planter le décor, les doigts extraterrestres de la professeure chatouillent un instrument heureux qui s'amuse en de multiples variations époustouflantes. Les débutants, ensuite, nous rappellent qu'il faut du temps pour en arriver là... Julie, même sans dents, lie bien ses petites notes et fait des courbettes, et Emmanuel, malgré la gurlette, boit calmement à l'eau de la claire fontaine. La valsinette des clarinettes enchaîne les pirouettes, les douceurs et les sifflées. Soudain, ça va vite. C'est à moi. Je jazze en duo pour réveiller l'assistance, faisant un usage un peu abusif, me semble-t-il, de l'improvisation; mais on ne bride pas un esprit aussi créatif que le mien. Mes doigts font ce qu'ils veulent. Ils sont libres. En fait, ce sont les doigts qui sont créatifs, pas l'esprit... C'est moins glorieux... D'autres ensuite se perdent quelque peu pour retrouver la beauté si singulière de cet instrument qui une fois de plus a rassemblé sous son aile sonore si douce tous ses amoureux. | |
Supprimer les publicités sur ce site pendant 1 an
|