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| Théâtre
8 décembre 2008 : Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard (posté le 27/12/2008 à 18:31) |
Inversion des rôles, quiproquos, l'amour passe quand même, les maîtres restent les maîtres, les valets, les valets, tout est bien qui finit bien, marivaudage réussi, on tombe amoureux au premier regard, on peine à le dire, on fait souffrir pour le plaisir de bien sentir qu'on est aimé. Mécanique bien huilée. De l'ancien saupoudré d'un peu de moderne, beaucoup de conventions qui échappent. Deux barrières : la scène et le siècle, des mots faits pour être dits plus que pour être lus (mon vieux refrain sur le théâtre à lire, sempiternelle déception) et des mots d'un jadis qui n'évoque plus grand chose pour nous. Des valets et des maîtres qui s'épousent... lieu commun... Ici, le dilemme est factice. On s'amuse. Légèreté d'un temps où l'on ne prenait pas encore au sérieux les inéluctables évolutions qui ne seront graves que quand elles seront révolutions. | |
10 novembre 2008 : Marivaux, L’Île aux esclaves (posté le 27/12/2008 à 18:29) |
Piécette bonne-enfant, inversion des rôles, bons sentiments, tout le monde il est égal. Au 18ème siècle, ça a sans doute dû bien fonctionner. Aujourd'hui, le message est un brin estompé. L'utopie est devenue habitude, l'incongru classique. Personnages-stéréotypes, girouette des sentiments qui changent au gré du vent, moqueries gentilles se prenant pour d'infâmes diffamations, on se dit que quand même, c'est un peu léger... Pensons cependant aux domestiques chez Molière et à ceux de Marivaux un siècle plus tard. Evolution intéressante : si on se moque moins des maîtres, c'est parce qu'il est devenu envisageable de prendre leur place pour de vrai. A la fin pourtant, tout rentre dans l'ordre. La Révolution terminera le travail. | |
27 septembre 2008 : Emmanuel Roblès, Montserrat (posté le 27/12/2008 à 18:14) |
Théâtre de torture, théâtre de questions. La liberté d'un peuple vaut-elle la peine qu'on lui sacrifie six innocents pris au hasard ? Comment les hommes peuvent-ils devenir si cruels ? Quelle est la valeur de la vie ? Toujours, au bout de la lecture, l'envie de voir la pièce, de saisir d'en face la souffrance de Montserrat, d'entendre les cris d'effroi des innocents, de vomir en vrai l'ironie macabre d'Izquierdo et le fanatisme aveugle du Père Coronil... Un texte sans concession, un héros pourtant, un héros vrai, tragédie cornélienne moderne. Fait-il juste ? L'Histoire lui donne raison. Bolivar libérera l'Amérique du Sud. A quel prix ? Pièce écrite en 1948. Il n'y a rien à ajouter, juste relever la date, se rappeler, penser. | |
30 juin 2008 : Eugène Ionesco, Rhinocéros (posté le 27/12/2008 à 15:13) |
Allégorie absurde du nazisme, que dire de plus? Les hommes se transforment en rhinocéros. On ne s'en étonne presque pas. Bérenger seul se pose de question. Il est, à la fin, le seul homme. L'amour n'a pas sauvé Daisy. Quand la machine est lancée, rien ne l'arrête. L'impensable a lieu, le nazisme, les rhinocéros. Avouons-le, je ne suis pas convaincu. Cela me paraît facile. Je ne vois pas ce que ça éclaire. Grosses ficelles ? A nouveau le problème du théâtre. C'est sur scène qu'il faudrait voir Rhinocéros, c'est leur présence réelle, hors papier, qu'il faudrait sentir, leurs courses comme les bottes nazies, l'envahissement de leur lourde présence. Les tableaux de papiers affadissent. Faut-il lire le théâtre ? | |
1er mai 2008 : Alfred Jarry, Ubu roi (posté le 27/12/2008 à 15:09) |
Simple farce de potache ou révolution dans le théâtre ? On penche agréablement pour la première explication. Ubu détend. Comédie, parodie, fantaisie, rien de nouveau sous le soleil, le théâtre ridiculisé (Molière déjà...), quelques inventions verbales, de l'humour, on se prend au jeu. Et le scandale ? On ne voit plus trop. Merdre, c'est devenu banal. Ubu est partout aujourd'hui. La surprise est passée. On lit ça comme on va voir Franck Dubosc, pour rigoler un bon coup, intelligemment. On reste sur sa faim. Comme toujours au théâtre, tout ou presque dépend de la mise en scène. Pourquoi s'acharner à lire ? | |
26 avril 2008 : Carlo Goldoni, Arlequin, serviteur de deux maîtres (posté le 27/12/2008 à 15:07) |
La fraîcheur de la comédie, le rocambolesque, le romanesque, tout y est. Cela ne peut que plaire. Pourtant, je m'inquiète. Il va falloir faire passer ça à des ados de 13 ans, ces vieilleries, ce comique sans grossièreté, cette subtilité. Ce théâtre, une fois de plus, doit être vu et joué. Il doit virevolter, il doit briller, il doit en foutre plein la figure. Le texte aplatit. Faut-il lire le théâtre à l'école ? Oui, mais pour mieux le voir et le jouer, mon enfant. A l'attaque ! Servons deux maîtres, l'apprentissage et le plaisir. Tout sera bien qui finira bien. L'école est un théâtre. Le problème, c'est que ce théâtre n'est pas assez souvent une comédie. | |
18 mars 2008 : Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton (posté le 27/12/2008 à 13:47) |
Ils se rencontrent. De quoi parlent-ils ? De la nature de leur rencontre sans doute. Un dealer, qui vend ce que l'autre désire, un client qui ne désire rien à première vue. Leur rencontre, entre chien et loup, à l'heure illicite, imprévue, vaguement nécessaire. Suite de monologues, captation impossible du désir, l'autre ici, ailleurs, pas de rencontre. Drame de l'illusion de communication. Ils ne savent pas de quoi ils parlent, mais ils parlent, comme Vladimir et Estragon. Ils attendent aussi, mais hostiles, sans entrevoir la possibilité de devenir couple, sous violence larvée. Il ne se passera rien tant qu'ils ne se seront pas éliminés et même s'ils s'éliminent, il ne se passera rien. Drame des rapports de force, incontournables, c'est parce qu'ils se sont rencontrés que leur rencontre est impossible. Rapports animaux, monde animal partout, no man's land, pas même l'arbre d'En attendant Godot. Qu'attendent-ils ? Ils s'attendent, ne s'entendent pas. Le dealer sera voleur, s'il n'a rien à fourguer. Le client ne se laissera pas faire, mais les chiens lui mordront le cul. A la fin, ils se battront, à mort. Ils feront l'amour sans amour, en répétant qu'il n'y a pas d'amour. Le client l'emportera. Pour rien. | |
17 mars 2008 : Samuel Becket, En attendant Godot (posté le 27/12/2008 à 13:44) |
Qu'est-ce que c'est que cette pièce ? Becket ne le sait pas lui-même. Deux hommes attendent. Attendent quoi ? Godot. C'est vrai. Qui est Godot ? Dieu ? Il a une barbe blanche. On parle des larrons, d'Abel, de Caïn ? Dieu pour autant ? Peut-être. Deux autres hommes, le maître, le chien. Le lendemain, un aveugle, un sourd. Tout le monde a tout oublié, sauf Vladimir, la tête. Estragon, le corps, a mal. On l'a battu cette nuit. Qui ? Il y avait Lucky. Il ne s'en souvient pas. De quoi parle la pièce ? de rien et peut-être de plein de chose, comme ça. L'amitié, émouvante, Vladimir et Estragon impossibles l'un sans l'autre. Pourquoi ? Parce ce qu'ils attendent Godot. La religion ? Y croit-on vraiment ? La condition humaine ? La lecture allégorique aplatirait. Pourtant, des éclats de sens : "L'appel que nous venons d'entendre, c'est plutôt à l'humanité tout entière qu'il s'adresse. Mais à cet endroit, en ce moment, l'humanité c'est nous, que ça nous plaise ou non". Notre responsabilité dans la Shoah ? Trop simple. Un peu de ça quand même. Nous passons nos vies à attendre. A attendre quoi ? Godot. C'est vrai. Tout est simple, sauf quand Lucky pense, et rien. Y comprendre quelque chose ? Non, attendre que Godot, demain, nous sauve. La nuit est tombée, brusquement. Il n'est même plus temps de se pendre. | |
14 mars 2008 : Eugène Ionesco, La cantatrice chauve (posté le 27/12/2008 à 13:37) |
Théâtre de l'absurde, on croit avoir tout dit. En fait, Ionesco, c'est Molière, ou Labiche. Comique de mots, comique de situation. Le langage assassiné. Comment voulez-vous que j'écrive après la lecture de cette pièce ? Je sais que je ne dirai rien. Il faut juste se laisser rire. Comique de répétition, aussi, je l'avais oublié, répliques sans liens les unes avec les autres (un peu comme mes phrases). Tout se déglingue et la cantatrice n'a toujours pas changé de coiffure. Tout recommence, ça ne veut rien dire et ça dit. Toute l'histoire du théâtre comique au carré. On rit de la manière dont on croit qu'il faut faire rire et l'on rit parce qu'il est bête de rire des grosses ficelles. Le langage n'est plus. Il n'y a plus rien (chanterait Léo Ferré) et tout est toujours là. Je n'écris moi non plus rien mais j'écris rien bien moins bien que Ionesco. Encore une chose. Dans La cantatrice chauve, tout est dans le rythme, les mots ne sont que sons et bien plus que sons. Tais-toi, si ne trouve rien de mieux à te dire à toi-même, et mon discours, parce qu'il suit cette lecture, se mord la queue, comme la vache dont le père était un veau et qui ne savait pas comment l'appeler. Et il y a de quoi ne plus savoir que l'on s'appelle Bobby Watson, ma chère bonne. Moralité : "On peut prouver que le progrès social est bien meilleur avec du sucre". Absurdité d'écrire sur le théâtre de l'absurde et absurdité d'écrire qu'il est absurde d'écrire sur le théâtre de l'absurde. De tout façon, écrire... comme c'est curieux... quelle coïncidence... Ionesco écrivait. J'écris. Je me dis tais-toi sans succès parce voilà. Il faut toujours continuer. C'est absurde. Et j'aimerais trouver le mot qu'aurait trouvé Ionesco ici. | |
15 janvier 2008 : Eschyle, L’Orestie (Agamemnon, Les Choéphores, Les Euménides) (posté le 26/12/2008 à 18:22) |
Je devrai donc donner un cours à ce sujet tout à l'heure. Mettons-nous dans la peau d'un collégien qui découvre un tel texte. Première constatation : tout ça est bien étrange, ces dieux qui se mêlent aux hommes, ces choeurs, ces oracles mystérieux, tout ce sang versé sur le monde, et ces débats sur la justice qui poussent au meurtre, absolvent les matricides, crient vengeance. C'est sans doute là qu'Eschyle peut intéresser un collégien, dans ce qu'il raconte de la justice. C'est sans doute là qu'on peut tenter de sonder le degré d'actualité d'un texte qui a 2500 ans. La question reste ouverte. Comment briser le cercle vicieux de la vengeance, sinon en amnistiant ? Comment se montrer juste sinon en cassant le jusqu'au-boutisme d'une justice de l'oeil pour oeil ? Au final, malgré la violence, la cruauté, le trash, c'est l'allégresse qui gagne, l'alliance d'Athènes et d'Argos, comme s'il ne s'était rien passé ou comme si tout s'était passé comme ça devait se passer. Victoire bienfaisante de la politique sur la justice ? Question encore ouverte. Le chantier ouvert par Eschyle, c'est celui dans lequel, encore aujourd'hui, malgré l'aspect mystérieux qu'il revêt, nous travaillons pour construire une cité plus juste. | |
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