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| Philosophie

8 décembre 2012 : Spinoza, Ethique (posté le 08/12/2012 à 18:16) |
A la fois rigueur et joie, la pensée de Spinoza séduit l'esprit autant que le corps, qu'elle ne sépare presque pas, tout se trouvant rassemblé par Dieu, en Dieu, c'est-à-dire en la Nature. Il n'y a, pour Spinoza, qu'une substance, qu'un être, c'est Dieu, et ce Dieu est indivisible, donc partout. Il est la Nature. Nous sommes une partie de Dieu, nous sommes même Dieu lui-même, puisqu'il est indivisible. Malheureusement, nous ne sommes pas spontanément conscients de cette adéquation entre notre corps (Dieu perçu sous le point de vue de l'étendue), notre esprit et Dieu, parce que nous sommes affectés de mille façons par l'extérieur et que nous sommes souvent passifs, pénétrés de tristesse et non de joie. Le travail de l'esprit consistera donc toujours à chercher la joie, l'action, la pensée adéquate qui correspond à la vérité de la Nature. Son désir sera de se conserver, d'être utile à lui-même, c'est-à-dire, toujours, à Dieu. N'est moral que ce qui est utile à ma conservation. Ce qui me plaît dans l'éthique de Spinoza, même si ses démonstration m'échappent parfois, c'est que c'est une éthique du désir et non du devoir, une quête de joie et non du "bien", défini simplement par l'utile. C'est qui m'est utile est bien, et non le contraire. Bien sûr, Spinoza surestime l'entendement humain, mais il le désencombre des vieux modes de penser qui le corsetaient. | |
28 septembre 2012 : Alexandre Koyré, Du monde clos à l'univers infini (posté le 28/09/2012 à 14:08) |
L'univers est-il fini ou infini? Quel rôle Dieu y joue-t-il? Le vide existe-t-il ou n'y a-t-il que de la matière? Bien sûr, la réponse à ces question reste aussi éloignée de l'entendement humain que Dieu l'est de nous, mais ce livre les affronte à bras le corps, en montrant comment les conceptions scientifiques et philosophique sur ces sujets ont radicalement changé en deux siècles, entre Copernic, Gallilée et Newton. La terre n'est plus au centre de l'univers, ni même le soleil. Les étoiles s'éloignent. L'espace peut être pensé comme infini. Il peut donc être comparé à Dieu, lui aussi infini, mais a priori plus infini encore que l'espace infini. Dieu et l'espace, serait-ce donc la même chose? Dieu et le temps, serait-ce donc la même chose? L'espace et le temps ne seraient-ils que des attributs de Dieu? Ou Dieu ne serait-il qu'une expression maladroite de ces infinis qui nous écrasent? Tout est fait par les penseurs de cette période de transition pour maintenir la toute-puissance de Dieu, mais le lecteur d'aujoud'hui, face à leurs débats sans fin, se demande s'il est bien nécessaire de maintenir ce concept encombrant de Dieu. Le livre, finalement, a un petit goût d'inachevé. Qu'en est-il aujourd'hui des rapports entre Dieu, l'univers, le fini, l'infini, le vide, la matière, le temps, l'éternité? Que nous disent les scientifiques et les philosophes? Disent-ils encore quelque chose ou ont-ils renoncé devant l'impossibilité de la tâche? Je l'ignore, revenant donc au point de départ du livre, la docte ignorance de Nicolas de Cues. | |
12 septembre 2012 : Erasme, Eloge de la folie, suivi de la Lettre d'Erasme à Dorpius (posté le 12/09/2012 à 19:08) |
Quand la folie se met à parler des humains, elle a beaucoup de choses à dire, et personne n'est épargné, pas même ceux qui se croient les plus savants, ces théologiens d'antan qui détenaient l'interprétation unique de la vérité divine ou ces spécialistes tous azimuts d'aujourd'hui qui nous bassinent de leurs discours creux. Ce qui est donc intéressant dans ce petit livre qui cherche à ne pas se prendre au sérieux, c'est la peinture des travers d'une société, celle de la Renaissance, en crise et en transition, comme la nôtre. Si bien souvent les pointes sont émoussées par la disparition de leurs cibles, on se prend à rêver d'un nouvel éloge de la folie, qui montrerait les ridicules de notre temps, mais le livre prendrait sans doute des dimensions beaucoup trop importantes. La folie est humaine, elle est le propre de l'homme depuis toujours, et elle donne vie à l'existence, en l'embellissant, en cachant la merde sous le tapis, en donnant de l'importance à ce qui n'en a pas mais qui encombre notre quotidien. La folie est plus nécessaire que la sagesse, dit Erasme. Soyons donc fou, et croyons-le. | |
25 août 2012 : Nicolas Machiavel, Le Prince (posté le 25/08/2012 à 14:55) |
Comment un chef d'Etat doit-il faire pour obtenir et surtout pour conserver son pouvoir? Voilà la question de Machiavel, question pragmatique, à laquelle il tente de répondre en collant à la réalité, c'est-à-dire, en pleine époque humaniste, aux exemples antiques et modernes. Tout d'abord, un prince doit se méfier à la fois du peuple et des grands, cette cour volatile qui parade et conseille à tout va, pour son intérêt propre plutôt que pour celui du prince. Le peuple, quant à lui, doit-il aimer ou craindre son chef? Machiavel distingue, selon les situations. En tout cas, le peuple ne doit pas haïr son prince. Sinon... Mais l'essentiel, pour Machiavel, est sans doute ailleurs. Il est dans la puissance militaire et dans la capacité qu'a un prince d'avoir sous ses ordres des soldats loyaux, qui ne sont pas des mercenaires mais des hommes de sa cité. La guerre, ne l'oublions pas, a toujours été, sauf aujourd'hui en Europe, la règle, et la paix l'exception. Pour bien gouverner, il fallait donc bien gerroyer, et pour bien gerroyer, il était nécessaire de laisser parfois de côté la bonté, la justice, la libéralité, la morale, parce que, pour Machiavel, seul la fin compte, pas les moyens. Pragmatisme immoral? Oui, mais les conseillers des princes d'aujourd'hui ne leur disent pas des choses bien différentes. | |
13 août 2012 : Thomas More, L'Utopie (posté le 13/08/2012 à 09:21) |
Emigrerais-je en Utopie? Sans doute non, car non seulement cet Etat parfait n'existe pas, mais aussi car il me paraît bourré de défauts : structure politique rigide, société très cadrée, liberté religieuse relative, existence de l'esclavage, etc. Bref, l'envers d'une époque passée en reflète aussi les vices. Le nouveau monde souhaité s'écarte des idées toutes faites de l'ancien, mais jamais assez pour devenir radicalement neuf. Utopie est un Etat idéal dans un monde en période de Renaissance, avant le retour de la pensée démocratique, et lui apportant du grain à moudre. Que retenir donc de cette utopie? Son principe phare, jamais essayé : la supression de l'argent. Si l'on devait réinventer une île d'Utopie aujourd'hui, et on doit le faire, il me semble que cette idée-là serait conservée, tant la quête des richesses déchire l'humanité, tant elle est créatrice d'injustice et de pauvreté. Seulement, comment le faire sans sombrer dans le communisme? Comment abolir la propriété privée sans tuer avec elle le soin que l'on apporte à ce qui nous appartient? Comment concilier le bien de tous avec le bien de chaque individu? Ces questions semblent insolubles. Ce n'est pas une raison pour ne pas les poser, et ne pas tenter, en tâtonnant, d'y donner des réponses. A l'heure du pragmatique roi, il est urgent d'être utopiste. | |
9 août 2012 : Michel de Montaigne, Les Essais (posté le 09/08/2012 à 12:01) |
Parcourir Les Essais, s'y perdre pour s'y trouver, tâter de tout pour toujours revenir à soi, à cet homme qui, le premier, ne choisit que de s'étudier lui-même pour tenter de comprendre un petit rien à ce qu'il est, est une expérience de lecture unique. On y voit, à vif, la pensée d'un homme se construire, des petits essais du premier livre, qui compilent les idées des autres, de ces modèles anciens, Sénèque, Plutarque, Lucrèce, que petit à petit l'on oublie, aux longues et tortueuses réflexions tous azimuts du troisième livre, qui, en voulant se concentrer sur l'essentiel, sur Michel de Montaigne, seul objet pensable, s'échappe vers tous les grands thèmes humains, la vanité, l'utile et l'honnête, la volonté, l'expérience... C'est que, pour Montaigne, rien n'est stable, rien n'est définitif, rien n'est résolu une fois pour toutes, pas même sa propre identité, qu'il ne peut frôler qu'en la déformant, dans un mouvement sans fin. Cet échec, s'il en était un, aurait pu aboutir à un pessimisme absolu. Mais Montaigne n'est pas tout à fait un moderne. Il voit que tout est relatif, vague et insaisissable, mais continue à s'enfoncer en lui-même, et s'il n'y trouve rien de solide, s'accroche à l'ordre établi, à la Nature, à la sagesse divine. Il remet tout en cause tout en étant profondément conservateur; il casse toutes les idées à la mode et s'accroche à la coutume, sans en être dupe; il ne veut que penser à partir de lui-même et cite sans cesse les références de jadis. Bref, Montaigne est à la fois excessif et sage, spirituel et grossier, ancien et moderne, mort et vivant. Ses Essais sont ce qu'il peut s'écrire de plus vivant, et de plus humain. | |
2 avril 2012 : Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra (posté le 06/04/2012 à 13:16) |
Que retenir du rire de Zarathoustra? Que faire de son renversement des valeurs? Dieu, assure-t-il, est mort, assassiné par la pitié. L'esprit de pesanteur, la haine du corps, la quête d'un dieu ailleurs que sur terre, le regard vers l'arrière, la vengeance, l'amour du prochain avant soi-même, tout cela est battu en brèche par la folie d'un sage, qui ne peut croire qu'en un dieu qui danse, et qui appelle la venue de quelqu'un qui dépasse l'insondable médiocrité des hommes, ce surhomme à créer comme sont à créer de nouvelles valeurs. La radicalité de Nietzsche enthousiasme et effraie. Il se devine antéchrist humain, n'admet qu'un dépassement total de tous les fondements de la morale et crie dans le désert. Le rire de Zarathoustra est le rire du diable. Le surhomme ne viendra sans doute jamais. Ainsi soit-il. | |
30 décembre 2011 : Slavoj Zizek, Fragile absolu, Pourquoi l'héritage chrétien vaut-il d'être défendu? (posté le 30/12/2011 à 11:01) |
Réflexion à la fois sur la religion, le sujet ,au sens psychanalytique du terme, la politique, la vérité et la loi, ce livre intéresse et échappe. Il intéresse parce qu'il pose des questions essentielles et que les réponses qu'il y donne sont originales, permettent un regard sur la question du christianisme qui sorte du préchi-précha habituel, qu'il en montre le caractère scandaleux et éthique (scandaleux parce qu'étique) : tuer ce que l'on a de plus cher pour échapper à la loi. Il intéresse parce qu'il touche à tout, dans des analyses concrètes, au cinéma, à la guerre en Yougoslavie, à la morale. Pourtant, ce qui domine, c'est que ce livre échappe. Au fond, je dois avouer que je n'y ai pas compris grand chose, fautes de références (Lacan, Heidegger, Schelling, ...) et faute de saisir les liens entre toutes les analyses, la logique du texte. D'où part-on pour aller où ? Tout commence par la question de la réconciliation du christianisme et du marxisme, chantier ambitieux, puis la psychanalyse lacanienne (qui m'échappe largement) vient réfléchir sur le lien entre le sujet et le traumatisme d'un acte scandaleux inexistant mais réel (il est possible que je résume tout à fait à côté), et on arrive à la question chrétienne vers la fin, partie sans doute la plus intéressante, parce qu'elle développe à la fois le fait que la loi pour un Chrétien est trahie dès qu'on songe à la trahir, d'où la culpabilité si répandue en christianisme, et que l'ambition du christianisme est d'échapper à la loi. Le marxisme dans tout ça ? Je suis passé à côté, comme sans doute d'une bonne partie de ce livre. | |
18 décembre 2011 : Gilles Lipovetsky, Le bonheur paradoxal (posté le 18/12/2011 à 17:21) |
Nous vivons dans une société d'hyperconsommation. La frénésie de Noël tombe bien pour le constater. Nous vivons aussi dans une société hyperindividualiste, chacun cherchant son propre bonheur avant celui des autres, le cherchant bien sûr dans cette hyperconsommation, cherchant sans succès à l'acheter. Faut-il s'en horrifier ? Tout semble nous y forcer. Ce livre, pourtant, prend le contre-pied du pessimisme ambiant en montrant que notre soumission aux forces marchandes n'est ni si totale que ça ni si foncièrement néfaste. Avec des exemples tirés de toutes les expériences humaines d'aujourd'hui, il approfondit le paradoxe : on se dit heureux, on l'est même, mais on se suicide plus que jamais, parce que le bonheur aujourd'hui dépend de nous, que ne pas y toucher, c'est un échec personnel, ce qui, bien entendu, est faux, mais que la société de consommation, par la publicité, le tout tout de suite, l'affichage de la joie et de le fête généralisée, nous vend comme une vérité. L'auteur détruit d'autres clichés sur notre époque. La jouissance comme seul mode de vie ? la frénésie sans limite ? Jamais nous n'avons autant cherché à protégé notre confort et notre santé. La performance comme seul but ? Jamais le temps libre, la détente, le far niente n'ont été autant valorisés. Bref, le monde est plus complexe qu'on ne le croit. Nous sommes des hyperconsommateurs et des résistants à l'hyperconsommation. Nous sommes heureux et nous sommes malheureux. Nous sommes, malgré toutes les forces matérielles et financières, humains. | |
4 novembre 2011 : Bertrand Russel, Essais sceptiques (posté le 05/11/2011 à 12:42) |
Ces essais abordent tous les domaines en s'efforçant d'être raisonnables. Et la raison, face à la complexité, c'est souvent le scepticisme, la suspension du jugement, le doute. Russel dénonce tous les dogmatismes, et montre le danger qu'ils induisent, en faisant passer des hypothèses souvent tout à fait fantaisistes pour des réalités absolues. La religion est bien entendu le premier de ces dogmatismes, mais il dénonce aussi certaines philosophies (l'idéaliste notamment), la politique, l'éducation, qu'il souhaite plus tournée vers les enfants (idée nouvelle à l'époque, largement répandue depuis...). Bref, Russel construit, face aux immobilisme de son temps, une société de la tolérance, et face aux bien-pensants, une société nouvelle. Paradoxalement, les idées de Russel (tolérance, scepticisme, ouverture aux autres cultures) sont précisément devenues ce qu'il dénonce: des dogmes de la bien-pensance politiquement correcte. Qu'en dirait-il aujourd'hui? En bon sceptique, j'avoue que je ne le sais pas. | |
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