meslectures

          | Théâtre

27 novembre 2007 : Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac (posté le 26/12/2008 à 17:01)
Qui est le génie ? Rostand ? Bergerac ? Les deux ? Fausses questions, sans doute, mais envie de me replonger dans cet arrière-dix-septième siècle si négligé. Pièce rapide, néo-classique, qu'on imagine en opéra, le Cyrano de Rostand (Gérard Depardieu ou Pascal Couchepin) retient l'attention. Fantaisie, humour, sentiments, c'est bien tourné. Bien torché. Chef-d'oeuvre ? par étincelles, scène du balcon, scène finale, début, et incontournable, la tirade des nez. Qu'en dire de plus, sinon s'efforcer de la jouer ? Juste la savoir par coeur, pour la frime, pour le plaisir. La semaine prochaine, enseigner ça. Est-ce que ça passera ? L'espérer.
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7 mars 2007 : Molière, Don Juan ou le festin de pierre (posté le 23/12/2008 à 18:59)
Etrange pièce que ce classique qui n'en est pas un. Il ne s'y passe pas grand chose, sinon qu'on y voit cet homme, Don Juan, épater son valet Sganarelle par son absence totale de remords dès qu'il s'agit de commettre une crasse, du genre épouser une fille pour la délaisser le plus vite possible, mentir à son père ou encore promettre à deux paysannes en même temps (on les imagine une sur un genou de Don Juan, l'autre sur l'autre) de les épouser. Don Juan est mécréant, soit, mais Molière, j'en suis sans doute déçu, n'en rajoute pas à ce propos, laissant plutôt à Sganarelle le soin de démontrer, car le faquin (ça fait très moliéresque d'écrire le mot "faquin", on ne trouve ça que chez lui, nous les modernes, les types qui, du haut de leur vingt-et-unième siècle, ne voient plus ce que le personnage de Don Juan pouvait avoir de scandaleux en un temps où nier l'existence de Dieu était unanimement considéré comme une pure folie, ne percevons plus grand chose de ce temps révolu, étrange, que l'on dit, faussement, classique), reprenons (j'ai la manie des parenthèses interminable, je m'en excuse en closant celle-ci), le faquin a le génie de la démonstration qui, sans que Don Juan n'exprime une seule fois le fondement idéologique de son comportement, montre que toutes les critiques qui sont faites au mécréant reposent sur des évidences indémontrables. Le mal, car Don Juan est un génie du mal, un minet de cabane sans doute, un Hitler de pacotille, un Staline de cours d'école, devient sympathique, parce que c'est ça, Don Juan, une canaille sympa, un coureur de jupon (pas un génocidaire). Don Juan est puni, certes, mais cette fin laisse le lecteur sur sa faim. Don Juan l'emporte, bien sûr, Sganarelle est en passe de le reconnaître. Don Juan, même interdit par les dévots du temps de Molière, par les Tartuffes et par les puissants, va faire des émules. Il est le papa des roués du siècle suivant, le parrain de Valmont, le grand-père du marquis de Sade. Il est donc, Don Juan, un peu, le premier moderne, l'Adam d'un monde nouveau, celui duquel nous sommes peut-être en train de sortir pour retrouver les douces certitudes monotones des religions. Et moi, demain, je vais pleurer marraine, faire semblant de croire qu'elle a rejoint grand-papa auprès du bon Dieu, faire le Don Juan du dernier acte, l'hypocrite, mais pas pour le mal, non, pour sauver l'apparence d'un bien que je ne reconnais plus comme tel sans pour autant renoncer au bien, comme si, en sortant de la caverne, je m'étais juste trompé de soleil, je vais me résoudre joyeusement à une vie conventionnelle, rencontrer une femme, l'aimer, fonder une famille, renoncer à la vie aventureuse que l'absence de ciel devrait me pousser à avoir. Don Juan avait les couilles, lui...(Je l'envie bien souvent, moi, le non-séducteur, je me dis bien souvent que si j'en avais eu les moyens, que si j'avais eu la tchatche, je ne serais pas cet étudiant modèle qui cherche banalement à se caser une fois pour toute).
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27 mars 2006 : William Shakespeare, Macbeth (posté le 11/11/2008 à 19:32)
L'atmosphère si riche de Shakespeare, chargée de cette violence inapaisable, de ce sang qui coule sans cesse, les horreurs succédant aux horreurs, mais remplie de cette légèreté, de ces paroles incongrues de l'enfant de MacDuff, avant qu'il ne baigne dans le sang, de la chanson des sorcières autour du chaudron, agit sur l'esprit comme un bulldozer. Tant de changement en si peu de pages ! Macbeth touche au coeur de la tragédie, le destin faisant de l'homme son jouet, mais un jouet responsable de sa propre soumission au destin, inextricable contradiction au fondement de la pièce de Shakespeare et de toute véritable tragédie. Raison implacable et mystère absolu s'allient pour faire des jouets humains, des nobles guerriers, des rois et des reines, de pauvres fous assoiffés de sang, parce qu'il suffit d'un fantôme pour dérégler la machine la mieux huilée, de l'illusion de la gloire et du pouvoir pour provoquer le désastre des esprits faibles. Macbeth et sa femme sont rendus fous par leur soumission volontaire à leur destin annoncé comme Othello était rendu fou par la manipulation d'Iago. Un rien s'introduit dans l'homme. Il bascule. Il détruit tout ce qui est à sa portée et se détruit lui-même. Le mal n'est rien. Il devient tout. Le sang coule en larges rivières, la mort déboule avec son cortège de mystères, ses spectres, ses malédictions, tout ce monde ancien où la mort était encore vivante. Mais la soumission de Macbeth est avant tout une soumission aux mots, aux paroles sans sens des sorcières que l'action même du personnage éclaire. Tout est dit d'emblée. Il ne reste plus qu'à trouver le sens. Macbeth et l'humanité se soumettent parce qu'ils sont analphabètes, que le langage que les hommes ont eux-mêmes forgé leur échappe constamment tout en étant le seul moyen possible d'aborder la réalité. Le mystère de la prophétie et la danse incongrue des sorcières disent tout. Ces phrases sans queue ni tête sont les seules qui aient véritablement un sens. Le reste, les discours de la raison, n'est que blabla inutile. Seule compte la parole proférée par le destin, par Dieu ou par le poète, quand Dieu et le destin seront mort. Seul compte le silence, puisque le poète est mort.
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23 mars 2006 : William Shakespeare, Le roi Lear (posté le 10/11/2008 à 19:06)
Lire le théâtre, c'est artificiel ? Qui est l'imbécile qui a pu proférer une telle sottise ? Lire Shakespeare, une déception ? Lire Le roi Lear est essentiel (le voir aussi sans doute, bientôt, précipitamment). Ce tragique sans tragédie, sans la raison qui endort la tragédie française, les longs blabla de Racine et les idées fixes et datées de Corneille, ce rire au milieu de l'horreur, quand le fou suit le roi de ses railleries dont le comique même fait horreur, ce roi qui devient fou, ridicule à souhait, souffrant atrocement. Ce mélange que j'avais vaguement pressenti dans Othello infecte ici le langage lui-même, où les plus absurdes et drolatiques bavardages côtoient les plaintes les plus amères, les pénètrent pour les rendre plus cruelles encore, où les subterfuges les plus efficaces de la comédie servent le drame, l'élèvent à un rang plus universel, plus humain, plus léger que dans la pâle tragédie classique française. Cette tempête de sentiments qui souffle sur scène (mais est-il possible qu'une scène de théâtre contienne tout ça ?), cette tempête de mots, toujours concrets, inattendus, destructeurs, désordonnés, justes, rafraîchit l'esprit engoncé. Il ne manque que le véritable spectacle. Quand même.
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13 mars 2006 : William Shakespeare, Othello (posté le 09/11/2008 à 19:59)
Lire le théâtre m'a toujours paru artificiel. Il me manque quelque chose. Certes, tout ceci est admirablement construit, le personnage d'Iago perfide à souhait, celui d'Othello à la fois victime naïve et cruel assassin, mais il me manque la scène, la vision du sang qui coule lors de la boucherie finale, la voix des personnages. Lire le théâtre, et peut-être plus particulièrement le théâtre de Shakespeare, ou celui de Molière, le grand théâtre, c'est un peu comme lire un livret d'opéra. C'est certes intéressant mais ça ne suffit pas. L'oeil et l'oreille sont frustrés. Je ne doute pas du caractère impressionnant du final de cette pièce, de la richesse du spectacle que donne cet homme que la jalousie égare totalement (même s'il reste encore bien loin de l'égarement du personnage-narrateur inexistant de La Jalousie), du génie maléfique d'Iago, mais je demande à voir et à entendre. Il n'y a pas dans le texte de théâtre cette totalité que l'on trouve dans le roman. Il y a juste un aperçu de chef-d'oeuvre. C'est la première fois que je lis Shakespeare. Ce qui me frappe, c'est la difficulté que j'ai à classer cette pièce dans un genre. Certes le dénouement est tragique, mais le ton ne semble (il faudrait entendre le ton) pas toujours grave. Iago est à la fois ignoble et drôle. La scène dans laquelle Othello se fait duper est une scène typique du théâtre comique, le faux cocu trompé par son valet, une scène qui me fait penser à Molière. Ce mélange des genres surprend le lecteur de théâtre français que je suis, tant semblent s'y joindre Racine et Molière, mais je suis bien incapable de dire l'effet de ce mélange, s'il nuit à l'unité de la pièce ou s'il lui donne une vitalité qui manque bien souvent à la tragédie française. Encore une fois, il faudrait voir la pièce.
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