meslectures

          | Poésie

21 mars 2011 : Walt Whitman, Feuilles d'herbes (posté le 21/03/2011 à 19:11)

Longue lecture, des mois dans l'âme d'un homme, qui est plus qu'un homme, qui est l'univers, qui est l'Amérique, écrivant l'épopée de ce pays neuf, immense, infini. La poésie de Whitman est heureuse, et c'est ce qui déconcerte. Le poète n'est pas maudit, il est béni. Et il bénit. Il bénit le monde, dans de longues listes qui donnent, brut, le réel au lecteur. Il chante la vie sous ses formes multiples, universelles, immuables et changeantes. Il célèbre la guerre et la paix, l'homme, la femme, le corps, la pensée, Walt Whitman, la démocratie. Il ennuie un peu, car son invention est sans adieu, elle se développe sans cesse, et le temps qui tue est le seul point final du déroulement perpétuel de la poésie totale. Plus personne ne place si haut la poésie, qui est devenue une langue morte.

Commentaires

22 août 2010 : Max Jacob, Le Cornet à dés (posté le 22/08/2010 à 09:49)

Poésie ou prose? Question à la fois inutile et nécessaire. Petits récits bizarres, jeux avec les mots et les références (pas toujours transparentes), humour subtil, ce cornet à dés retient parfois l'attention, et souvent, et c'est pour ça que c'est de la poésie, le sentiment que le petit objet qu'on a sous les yeux nous cache son secret, qu'il faudra mille lectures pour le trouver. L'expérience de la lecture de la poésie (j'ai tranché la question : c'est de la poésie), c'est celle du seuil de sens. Un poème est un objet magique qui a besoin, pour fonctionner, que le lecteur soit charmé, ce qui souvent n'est pas le cas, car le lecteur n'est pas poète à temps plein. Comme pour chaque lecture de recueil de poésie, quand on n'a pas encore pris la peine de s'y replonger pour pêcher la perle, on ne garde que ce qui a frappé, les éclairs de mots que l'on veut retenir, garder dans sa caboche parce qu'on a l'impression qu'ils disent une vérité inédite. Un seul exemple? "Brouillard, étoile d'araignée".

Commentaires

2 juin 2010 : Philippe Jaccottet, A la lumière d'hiver, suivi de Pensées sous les nuages (posté le 02/06/2010 à 20:09)

Même questionnement qu'avec Bonnefoy, même seuil à franchir. Comment lire la poésie? Impression de n'avoir fait que passer sous mes yeux des mots, de ne pas les avoir lus. La poésie, peut-être est-ce sa définition, c'est le langage qui échappe. Le monde familier (les mêmes mots que dans Bonnefoy souvent) devient étrange, étranger. La neige qui tombe n'est plus vraiment la neige qui tombe. La lumière est autre chose que la lumière. Quoi? Je n'en sais rien. Il faudrait relire, relire encore, chercher, analyser, décortiquer, déconstruire et reconstruire, rêver. Je ne fais qu'effleurer. Parfois je souligne, parce qu'un vers est parfait : "On sent un remugle de vieux dieux" (encadré), "Un homme - ce hasard aérien [...] arrachez-lui le souffle : pourriture" (juste souligné, mais le sentiment que le mot juste est trouvé). Sans doute faut-il lire comme peut-être on écrit, au hasard, à la merci du mot et du moment, pour rebâtir un monde éclaté, perdu, fragmentaire, "comme recoudre, astre à astre, la nuit...". Et juste se dire parfois que c'est beau...

Commentaires

11 mai 2010 : Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière, suivi de Début et fin de la neige (posté le 11/05/2010 à 18:21)

Comment lire la poésie? Comment lire Bonnefoy? Je parcours les pages du livre. Je m'arrête et relis. J'avance à tâton. Les mots se suivent et se ressemblent, toujours nouveaux. Pourtant, toujours la pierre, la rive, le chemin, l'arbre, le rêve, la neige, la lumière, le jardin, l'étoile, le feu, le souvenir, le temps. Le langage se cherche, croit se trouver, le sens s'éclaire et s'assombrit. On croit comprendre, c'est limpide, on déchante, on s'était laissé abuser. Pour lire Bonnefoy (et la poésie moderne), il faut accepter de rester sur le seuil, d'entrevoir la barque qui s'éloigne sans nous de la rive souvenue (ou rêvée?). Sans doute faudrait-il tout relire mille fois, tisser les réseaux de sens en triturant cette exigeante poésie, mais l'effleurer, parce qu'on n'ira peut-être jamais plus loin, juste laisser passer les mots, suffit pour l'instant. Pourquoi ce poète-là est-il un grand? réponse impossible et évidente, comme sa poésie: "elle a vaincu le temps par le silence".

Commentaires

19 juin 2009 : Louis Aragon, Le Mouvement perpétuel, précédé de Feu de joie (posté le 20/06/2009 à 12:39)

Grandeurs et limites du surréalisme, à boire et à manger en recueil. Tout. N'importe quoi. Clash des mots qui donne à ne pas penser. Beaucoup s'efface, des écrits restent. "Qu'est-ce que parler veut dire? - Semer des cailloux blancs que les oiseaux mangeront [...] Qu'est-ce que l'amour? - Un anneau d'or dans les nuages". La métaphore de hasard recrée les mécanismes d'interprétation. Qu'est-ce que cela, Le Mouvement perpétuel, veut dire? Une roue qui dégringole, sans doute rien, un petit chien qui dort, mais voilà, l'écriture automatique ne se lit que de manière automatique, mélangée aux mots des apéros de la Belle époque.

Commentaires

11 octobre 2008 : Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal (posté le 27/12/2008 à 18:19)
Prendre le temps de voir le recueil que l'on croit connaître comme un tout. Parcours vertigineux, de l'idéal aux bas-fonds, chocs des images, horreurs, Beautés, oxymores à outrances, ce recueil frappe en pleine poire. Il vomit sa joie, pleure sa crevure, lance des éclats. Commenter Les Fleurs du Mal ? Mon quotidien. Non. Garder des illuminations, cueillir quelques orties, des bouts de vers (le ver...) qui rongent et qui magnifient, citer Baudelaire en silence, tirer des coups de génie au hasard. Cette lecture est d'un autre temps. Elle ne parle plus qu'aux tripes. Je n'en écris rien, chassons sa poétique, on s'en fout. Disons : "Les amoureux fervents et les savants austères", "La musique souvent me prend comme un mer", "Dans les plis sinueux des vieilles capitales", "Ses ailes de géant l'empêchent de marcher". Apprenons des horreurs belles par coeur. Laissons les vivre dans les cervelles. Plus j'enseigne, plus j'en saigne... La littérature ne peut pas être, quand elle est Baudelaire, un exercice scolaire.
Commentaires

14 février 2008 : Emily Dickinson, Quatrains et autres poèmes brefs (posté le 27/12/2008 à 13:30)
Comment le lire ? Même question à chaque recueil. Nous avons perdu l'habitude de la poésie. Vite, j'ai abandonné l'anglais, malgré les infidélités de traduction, cette impression d'une volonté de "faire poétique". A la suite, quelques poème, à haute voix, à voix basse, sans se poser de questions, juste les entendre, les laisser passer dans la tête, subrepticement, s'envoler plus loin, petits bouts de billets jetés au vent, feuilles mortes, papillons. A la fois simple et étrange, la poésie d'Emily Dickinson laisse sur le seuil, devant la maison que l'on connaît. Quelque chose a changé. Quoi ? Rien, nos vies. Crouilles perles où s'amourachent l'immortalité, les Dieux, l'abeille et la fleur, ces quatrains passent, charmants, comme était passé leur auteur, charmante peut-être, frêle être humain un peu torturé, ce personnage de la pièce Emilie ne sera plus cueillie par l'anémone, son petit vertige, son envol, et ses mots mis en musique par Caroline Charrière, "and dancing, dancing, dancing, dancing". Les voix se font silence. Plus que jamais elles parlent. Emily leur souffle à l'oreille : "Les mots dits par les gens heureux / Sont piètre mélodie / Mais beauté ceux que sentent / Les silencieux - "
Commentaires

18 décembre 2007 : Guillaume Apollinaire, Alcools (posté le 26/12/2008 à 17:06)
Tension entre le moderne et l'ancien, peut-être. Est-ce ce qui touche dans Apollinaire ? Il y a de ça. Il y a d'abord les mots, répétés ou pierres précieuses déposées au coin d'un poème, d'une incantation magique, alchimie, chocs. Comme souvent, le commentaire sur la poésie est vain. Il suffirait de citer, de ne pas se creuser la tête, même si l'on ne voit pas tout, même si l'analyse en groupe des "Colchiques" a été un chouette moment. La poésie, celle d'Apollinaire, si simple si l'on veut bien ne pas tenter de l'intellectualiser, n'est rien d'autre, rien de plus et rien de moins, qu'un dépôt de formules, magiques ou triviales, dans notre esprit. Lire la poésie comme on va à la pêche, tirer un mot, un vers, l'accrocher à notre âme, "soleil cou coupé", ou "Mon Automne éternelle ô ma saison mentale". Encore : "C'est la lune qui cuit comme un œuf sur le plat", "Ecoutez mes chants d'universelle ivrognerie". La poésie d'Apollinaire est cocktail d'alcools plus ou moins forts dont on se laisse imprégner à l'envie, un petit verre par ci, un petit verre par là, et mine de rien, on s'en soûle, on voit le monde autrement, on vit plus intensément. Fulgurance du regard du chat, croisé en titubant, au coeur de la nuit : "Je souhaite dans ma maison : / Une femme ayant sa raison, / Un chat passant parmi les livres, / Des amis en toute saison / Sans lesquels je ne peux pas vivre". Boire sa vie comme une eau de vie, un poème d'Apollinaire en tête, la voix de Léo Ferré, le souvenir d'une Annie qui rendait fou, et se dire que la joie, jadis, et demain, et toujours, venait toujours après la peine et que sous les ponts de Paris, qui bêlent ce matin, coule la Seine, et nos amours, et que les femmes paissent parfois ce grand pré mal fleuri par l'automne que deviennent, fatalement, les poètes un brin trop sensibles. Ou trop simples.
Commentaires

14 novembre 2007 : Charles Cros, Le Coffret de santal (posté le 26/12/2008 à 12:23)
Lecture trop diluée, je ne sais plus trop quoi dire. J'ai aimé. Cela s'est envolé. Feuilletons. J'ai souligné : "Je me tue à vouloir me civiliser l'âme". Page suivante : Lento, lue à la fenêtre, un soir d'été, à haute voix. Pas envie de le relire. Garder simplement ce moment en mémoire, la pure présence des mots, partis, ne pas trop les faire revenir. Le hareng saur, Alain Faudemay, dans une salle de séminaire ("Enfance et poésie"), à Miséricorde, Faudemay croisé cet après-midi. Pas de grands signes. C'est fini. Juste le souvenir de sa voix qui récite, délicieusement, ce hareng saur, sec, sec, sec... Je suis de l'autre côté. Avoir aimé Charles Cros et ne pas vouloir en dire grand chose. Quand je lisais, il y a déjà si longtemps, je me disais, après chaque poème, que c'était terriblement bien écrit, que c'était de la poésie selon mon coeur. Je ne me dis plus rien. Je ne serai pas marqué par Charles Cros, volatilisé.
Commentaires

27 juillet 2007 : René Char, Le Marteau sans maître (posté le 24/12/2008 à 16:15)
Il est des livres que l'on frôle. Sentiment désarmant d'être passé à côté. Des éclairs, de temps à autre, au coeur de l'obscur, du concret surgissant, rarement, au coeur d'une oeuvre abstraite, mélange déroutant de corps et de concepts, d'idées à la Platon et de lutte vitale. René Char, disons-le tout net, ça se présente comme difficile, même si la notion de difficulté n'a que peu de sens en poésie; ça résiste, ça sonne sacré, le profane est à distance, ou alors il se plonge dans le mystère, il entre en lecture à la manière dont on entre en religion. Je reste au seuil, je n'ai pas le courage de plonger. J'aime ce qui parle directement, ce qui résonne. Ici, pas grand chose, pas encore grand chose. Des aphorismes, lapidaires. Relever quand même des formules, sans doute géniales : "Terre, devenir de mon abîme, tu es ma baignoire à réflexion", "Nous nous galvanisons dans les cendres qui nous ont vomis", "L'éternité / C'est l'insistant reflet amoureux de votre corps", "La rose violente / Des amants nuls et transcendants". Abrupte, violente, coupante, sèche, la poésie de Char a quelque chose de la pierre, de la pierre taillée, du couteau (sans manche), du meurtre. Impression que les vivants deviennent statues de marbre. Poésie pour poètes ? comme toujours. Sentiment de n'être pas assez poète, communion refusée, mais espoirs nés dans les flashs cités. Nécessité de relire, de se laisser piquer, d'errer, de gommer l'intellectualité. Peut-être aller voir la suite. Lire plus lentement.
Commentaires

Page PrécédentePage suivante

Supprimer les publicités sur ce site pendant 1 an


Tous droits réservés