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          | Histoire

20 juin 2013 : Tony Judt, Retour sur le XXème siècle, Une histoire de la pensée contemporaine (posté le 20/06/2013 à 13:45)

Portraits d'intellectuels qui ont compté ou retour sur un passé proche mais déjà oublié ou déformé par les clichés, ces articles font naître une réflexion sur ce siècle d'horreurs et de renaissances, de conflits et d'idéologies, sur ce complexe vingtième siècle que nous croyons connaître mais qui s'éloigne de nos réflexions au moment même où il pourrait être utile. L'auteur, parce que le sujet est encore chaud, n'hésite pas à prendre position sur des questions brûlantes (contre la politique d'Israël ou pour un seul Etat en Palestine, pour une relecture non américaine de la guerre froide...) ou sur des personnalités incendiées (Kissinger ou, sa bête noire tout au long du livre, Tony Blair). Il décrit avec précision les mécanismes et les dérives de la Belgique, de la Roumanie, de la Grande-Bretagne ou, en s'y attardant un peu plus, des Etats-Unis. Bref, il donne à penser sur de multiples sujets politiques, sociaux, culturels ou stratégiques, et il n'oublie jamais de montre pourquoi et comment notre époque, même si elle ne veut pas le voir, s'ancre encore dans le mode de pensée du vingtième siècle, que le marxisme et son avatar communiste, qui ont tant fait coulé d'encre jadis et qui semblent s'être évaporés, ne doivent pas disparaître de notre horizon de pensée, faute de quoi nous ne comprendrons rien à notre temps, qui n'est pas sorti du chapeau du magicien mais d'une histoire longue, douloureuse et complexe. 

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6 mai 2013 : Christophe Boutin (présenté par), Les grands discours du XXe siècle (posté le 06/05/2013 à 19:34)

Les mots changent-ils le monde? Tout commence par un échec. Jaurès prédit la boucherie, veut l'éviter à tout prix, comprend, mais il en est la première victime. Tout se termine par un cri d'espoir, le "Yes we can" d'Obama. Entre deux, les mots choisis montrent un monde hésitant, toujours à reconstruire, souvent à feu et à sang, où les grands hommes se posent en libérateurs, parfois libèrent vraiment (De Gaulle, Luther King), parfois enfument pour mieux tuer (Staline, Hitler, Mao), souvent brassent du vent. Bien sûr, le lecteur est frustré. Certains discours manquent (où sont le sang, la sueur et les larmes de Churchill?) et d'autres rappellent que le livre est français, trop français, qu'à côté des sublimes cendres de Jean Moulin, magnifiées par Malraux, les tactiques politicardes du de Gaulle d'après-guerre et du Mitterrand de l'union de la gauche laissent indifférent un lecteur voisin surpris de ne trouver ni discours du 1er août ni serment du Grütli du général Guisan.

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16 mars 2013 : Francis Python, Empreintes, entre politique et religion (posté le 17/03/2013 à 09:33)

De retour dans le grand auditoire du vendredi, l'histoire fouille Fribourg, là où ça compte, du côté de la religion, de ses hésitations, de ses mouvements, de ses coups de freins, et du côté de la politique, de ses altermoiements, de ses palabres, de ses coups de griffes. Francis Python traque le passé d'ici, pousse à la recherche du détail qui compte, avance avec la prudence de l'historien des hypothèses qu'il tente de prouver dans la jungle des archives. Rien n'est avancé à la légère, tout est toujours pensé, et pesé, loin des polémiques et des journalisteries. La religion s'incarne dans des hommes, des évêques et des professeurs, des luttes d'influence, des avancées et des échecs. Rien n'est jamais simple. Tout est toujours, dans l'histoire à la Python, subtile dosage pour toucher le réel envolé.

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15 janvier 2013 : Marc Ferro, Histoire des colonisations (posté le 15/01/2013 à 09:24)

Le pluriel est essentiel. Ce livre montre la diversité des colonisations, de celle du temps des conquérents à celle, qui ne dit pas son nom, d'aujourd'hui. On parcourt le monde entier, pour y traquer les mécanismes à l'oeuvre dans l'esprit des colons et des indigènes, durant les différentes étapes de colonisation, et, à force de voyager, on se perd un peu. Beaucoup d'informations s'enchaînent, beaucoup d'analyses qui supposent parfois des connaissances préalables trop fragile pour les suivre jusqu'au bout, rendent ce livre à la fois très riche et un peu flou. On peine à en suivre la logique, mais on choppe, au passage, des idées et des faits historiques.

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28 novembre 2012 : Maria R. Turano et Paul Vandepitte (sldr), Pour une histoire de l'Afrique (posté le 28/11/2012 à 18:26)

D'aucuns prétendent que l'Afrique n'a pas d'histoire. Ils ont évidemment tort. Par contre, ce qui est certain, c'est que nous, européens, ne connaissons pas grand chose de l'histoire de l'Afrique, où alors, nous ne la connaissons qu'à travers la vision déformée de nos ancêtres colonisateurs ou esclavagistes. Ce livre n'est qu'un aperçu, un condensé de plusieurs millénaires de présence humaine sur un immense territoire. Il laisse donc forcément sur sa faim. Il nous rappelle ou nous apprend néanmoins non seulement que l'humanité est née en Afrique, mais aussi que la première grande civilisation, l'Egypte antique, est africaine. Bizarrement, je n'avais songé que les Egyptiens de l'époque des pharaons ait pu être noirs. C'est pourtant ce qu'affirme ce bouquin. Tiens... Les ravages de l'européocentrisme... Ce petit tour en Afrique fait également le point sur l'histoire plus récente, raconte l'esclavage, la colonisation et la décolonisation du point de vue des Africains, puis il essaie de faire le bilan de la situation d'un continent meurtri qui ne s'est pas remis du fouilli provoqué par la présence envahissante des Européens mais qui tente de s'en sortir. L'Afrique a une histoire, et il est temps qu'elle se la réapproprie.

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5 novembre 2012 : Jean Delumeau, La Civilisation de la Renaissance (posté le 05/11/2012 à 18:36)

Mine de renseignements sur une époque aussi complexe que foisonnante, ce bouquin explore cette période de la Renaissance qui, bizarrement, n'intéresse plus grand monde aujourd'hui. Les points d'accroche avec aujourd'hui sont pourtant nombreux, parce que la Renaissance, comme notre époque, est une transition, un passé qui n'est pas encore mort et un avenir qui est déjà né. On croit revenir à l'antiquité, qu'on révère, et on la dépasse; on pense retourner au christianisme des origines, et on révolutionne la pensée religieuse; on cherche une voie nouvelle vers un monde connu, et on découvre un nouveau monde. La richesse de ce livre et de l'époque qu'il traîte est dans sa diversité. Tout s'y transforme, la technique, l'économie, la religion, l'art, la science, l'école, l'urbanisme, mais tout garde en mémoire la forme ancienne. La Renaissance porte sans doute mal son nom. Elle est une adolescence, fougeuse et conservatrice, idéaliste et opportuniste, cruelle et amoureuse.

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17 septembre 2012 : Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté (posté le 17/09/2012 à 19:30)

Il est des êtres humains devant lesquels on ne peut que s'incliner. Nelson Mandela fait partie de ceux-ci. Le récit qu'il fait de sa vie, sans se vanter, sans se glorifier, alors qu'il y aurait mille fois de quoi, est un plaidoyer sans réplique possible pour la liberté, l'égalité, le dialogue et la patience. Madiba naît libre dans une société où ses frères ne le sont pas. Toute sa vie n'a qu'un but, jamais perdu de vue : retrouver sa liberté et celle de son peuple. Il lui faut, pour atteindre ce but, vivre dans la clandestinité, loin de sa famille, puis pendant 27 ans dans une prison qui veut à tout prix le dégrader. Ce qui frappe, à la lecture de ce témoignage, c'est l'obsession qu'a Mandela d'être traîté en humain, et que ses compagnons de lutte et de cellule le soient aussi. Tout est bon pour grapiller un peu de dignité, dans un monde où l'homme noir est à peine considéré comme un homme. Même en prison, le combat continue, sur les vêtements, la nourriture, le droit à l'information, etc. Mandela ne lache jamais. Il est prêt à tout pour redonner la liberté à son peuple. Il prend les armes, devient commandant un chef d'une branche militaire chargée de saper le pouvoir, mais il est prêt également, quand cela devient possible, à dialoguer avec l'ennemi, à négocier sans transiger sur son credo : "Un homme, une voix". Finalement, il atteint son but et devient le premier président démocratiquement élu d'Afrique du Sud. Là s'arrête le bouquin, mais le combat de Mandela n'a pas de fin car il est le seul qui en vaille vraiment la peine.

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4 août 2012 : Peter Burke, La Renaissance européenne (posté le 04/08/2012 à 12:30)

Mine d'informations intéressantes, ce bouquin parcourt la Renaissance de ses premiers balbutiements italiens à ses résurgences tardives, en passant allégrement de la peintre à la poésie, de l'architecture à l'art de la décoration, de l'Italie à la France, de l'Angleterre à l'Europe entière, car l'une des particularités de la Renaissance, outre ce retour à l'Antiquité qui lui donne son nom, c'est d'être une transformation qui touche, petit à petit, toute l'Europe, faisant passer son centre de la France à l'Italie. Que manque-t-il dans ce registre, parfois indigeste, de toutes les dimensions, ouvertures et résistances, de cette époque cruciale sur laquelle, paradoxalement, on trouve peu d'analyses globales? Sans doute une approche qui chercherait à regarder si la Renaissance touche aussi les classes sociales populaires. On reste dans des petits cercles de privilégiés. Qu'en est-elle de l'immense majorité du peuple? A creuser...

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23 juillet 2012 : Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Le Salut, 1944-1946 (posté le 23/07/2012 à 19:35)

De Gaulle, contre toute attente, a gagné la guerre. Il a incarné la France de l'honneur. Il en est le chef incontesté, et pourtant ce dernier tome des Mémoires, qui devrait être son triomphe, montre sa chute, momentanée mais inévitable. A la tête d'un gouvernement provisoire, il doit préparer la suite, rencontrer les grands de cette terre, Staline, qu'il décrit avec lucidité, contrairement à Churchill,  et Truman, les nouveaux leader d'un monde bipolaire où fidèle à lui-même, le général ne veut pas jouer le rôle de satellite. En France non plus, il se refuse à assister passivement à la renaissance du régime des partis qui est, selon lui, à l'origine de la défaite et de l'humiliation. Il voudrait l'unité derrière sa personne, mais l'unité derrière un chef, ça marche en temps de guerre, et ça crée des dictatures en temps de paix. De Gaulle n'a pas l'âme d'un dictateur. Il va donc, pour un temps, se retirer. Si l'on peut douter de sa vision de la gouvernance et sur sa croyance en l'idée qu'un guide, forcément lui-même, est nécessaire pour la nation, on ne peut pas remettre en cause ce que ce livre montre avec force, à savoir son amour pour son pays et sa détermination à ne jamais perdre la face, ni en ce qui le concerne en tant qu'individu, ni en ce qui concerne la France.

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20 juillet 2012 : Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, l'Unité, 1942-1944 (posté le 20/07/2012 à 15:06)

L'honneur, le bon sens, l'intérêt supérieur de la patrie, ces notions semble-t-il abtraites qu'il invoque, le général de Gaulle les incarne à la perfection dans sa lutte pour redonner vie à la France, malgré tout, malgré la trahison du maréchal Pétain, malgré l'occupation allemande, et malgré surtout, dans le récit de ses mémoires, les embûches des ses propres alliés britanniques et américains, qui n'en manquent pas une pour lui mettre des bâtons dans les roues et l'écarter du conflit. Tout d'abord, il y a l'affaire Giraud, champion des Américains parce qu'il prétend ne pas se mêler de politique et n'agir qu'en militaire, et se soumet donc à leurs ordres, ce que de Gaulle, par honneur et par intérêt supérieur de la patrie toujours, refuse absolement, se considérant comme le chef d'un Etat français indépendant. Ensuite, il y a la résistance à rassembler autour de lui, en donnant une place mais une petite place aux communistes. Puis, il faut lancer les forces militaires françaises dans la guerre en sauvegardant là aussi son indépendance vis-à-vis du commandement allié. Bref, de Gaulle tient bon, se cabre souvent, ne transige pas sur les principes, agit en chieur magnifique face aux manoeuvres qui veulent l'écarter, et entre dans Paris fier et droit, comme son récit passionnant de la survie, au coeur de la barbarie et au sein d'un homme, du sens perdu de l'honneur.

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