meslectures

          | Spectacles

25 novembre 2012 : Bistrot des Arbognes, Concert d'automne de la Concorde de Montagny-Cousset (dir. Jacques Aeby) et du P'tit "coeur" des Hameaux (dir. Isabelle Giauque) (posté le 28/11/2012 à 11:00)

Les enfants de cette année n'ont pas la justesse de ceux de l'an passé, et leur directrice n'est pas aussi gracieuse. Leurs chansonnettes restent charmantes, comme toujours, mais l'indulgence que l'on témoigne généralement pour les choeur d'enfants m'agace un peu. Ils pourraient chanter tellement mieux... Quant à nous, nous pourrions aussi jouer mieux... L'entrée en pompe ancienne a de la gueule sinon de la justesse. La Concorde joue ensuite "Concorde" avec concorde, tambour de campagne, picolo délicatement guerrier et envolées aiguës. Puis la caravane passe sans que n'aboient les chiens, entre swing hilare et chameaux dans le couchant, mirages enchantés d'un Orient réconcilié avec le plaisir. Pompe encore pour calmer l'atmosphère électrique, pompe plus britannique, du temps de Victoria et de l'Empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais, puis une valse de publicité pour chasser les fantômes qui nous parlent dans un anglais plus qu'approximatif, et voilà achevé un voyage musical agréable, agrémenté d'odeurs de cuisine grasse, dans la mélancolie d'un restaurant qui se ferme, pénible agonie de ce bistrot des Arbognes assassiné parce que son propriétaire n'a pas compris qu'il détient dans ses mains un trésor et qu'il donne ses pierres précieuses à bouffer aux cochons.

Commentaires

3 novembre 2012 : La Tour-de-Trême, Salle CO2, L'Etoile d'Emmanuel Chabrier, par l'Opéra des champs (dir. Olivier Murith) (posté le 04/11/2012 à 11:09)

Délirons un peu. Le roi Ouf veut se marier et il ne veut pas mourir. Son astrologue le suivra dans la tombe un quart d'heure après sa mort. Un jeune homme, Lazuli, mourra un jour avant. Comme par hasard, ce jeune homme est le condamné annuel au pal, car rien ne vaut un petit sévice public pour asseoir sa popularité. Pas de pal, mais une princesse, une fuite romantique, un coup de fusil. Panique à bord. La mort rôde, et tout le monde s'en moque, sauf le roi et son astrologue. Bref, le pitch (quel ignoble mot, que j'emploie juste pour avoir l'occasion de dire qu'il est ignoble), l'histoire est rocambolesque à souhait, loufoque et un rien macabre. Tout ça cabriole sur des airs légers bien chantés, des bouffonneries oufesques hilarantes, des choeurs moqueurs ou chatouilleux, d'où émerge le ventre de Francis Volery, et des danses suggestives. L'amour l'emporte face à la mort, tout est bien qui finit bien, on a passé un bon moment. Les costumes ont le brin de folie qu'il faut. On se demande juste parfois pourquoi des artistes de cirque viennent encombrer la scène déjà chargée. On ne sait plus où donner de l'oeil.

Commentaires

6 octobre 2012 : Echallens, Eglise évangélique, Concert en hommage à Emile Gardaz et Robert Mermoud (posté le 07/10/2012 à 10:18)

Dans une "église" en sous-sol qui ressemble à une école enfantine ne reste de sacrée que la musique. C'est pourtant, comme trop souvent, sous le signe de la vieillesse que le concert se passe : Robert Mermoud aurait eu cent ans, les choeurs se font de plus en plus âgés, une vieille dame lit sa banale présentation, le public grisonne, et, à deux reprises, on nous chante La vieille. Tradition vivace ou lente agonie? L'enthousiasme demeure, la joie de chanter, pas toujours juste mais toujours avec application - car Robert Mermoud s'apprivoise lentement -, reste. Chorège fait figure de jeune premier et traverse sans naufrage les vagues tortueuses qui mènent à la rive d'en face. Sueurs et envolées, la vie qui va, qui verse, qui danse, la limace qui se résigne, les cheveux des femmes qui sont mortes, quelques rudes accords, puis, magique en ce coeur du pays de Vaud, le chant de l'armailli. D'autres choeurs suivent, grinçants comme des chats de gouttière en rut ou sautillants dans l'aubépine pour achever l'hommage aux créateurs en grande pompe, en chantant le pays, droit devant, droit dans ses bottes embeusalées, droit en avant, droit au coeur.  

Commentaires

14 juillet 2012 : Fribourg, Place Georges-Python, concerts de Compartiment Fumeur, Romy et Dick Rivers (posté le 15/07/2012 à 12:11)

Un malabar à lunettes noires raconte l'histoire noire de la guerre du Liban et de la course des spermatozoïdes, en guise de mise en oreille. Puis la voix tantôt envoûtante tantôt survoltée de Romy électrise l'air et charme l'auditeur séduit, sauf peut-être quelques cougars démasquées et quelques voisines enfermées qui ne supportent pas le bruit. Mais le clou de la soirée, c'est bien l'éternel, l'indémodable, l'incongru Dick Rivers, relique des yéyés fort bien conservée, qui est resté bloqué dans les années soixante, habité de rock'n'roll traduit en français et de country music, et dont la chevelure d'un noir profond et naturel témoigne de l'éternelle jeunesse. "Souvenez-vous, ça fait comme ça..." Les guitares s'affollent, l'harmonica se grise, les sax se salissent, on fait un pont pour de bon, chef-d'oeuvre de traduction, tout en rappelant le titre du nouvel album, "Mister D", parce que Dick Rivers fait encore des albums, toutes les trente secondes. Serais-je un brin moqueur? Pas tant que ça. Dick Rivers est resté fidèle à ses amours musicales et n'a pas sombré dans la sauce pop sans goût que d'autres ont tant brassée. Au fond, Dick Rivers, c'est mieux que Johnny, parce que moins corrompu.

Commentaires

12 juillet 2012 : Fribourg, Place Georges-Python, concert du Buddy Whittington Blues Band et de Jordans Drive (posté le 13/07/2012 à 10:08)

Le pick-up vrombit. C'est parti pour la virée yankee. Un guitariste gavé au big-mac chante "love you Baby" dans un bar miteux du Kansas. Des bûcherons boivent de la bière. On s'y croirait. On a presque envie de voter républicain, de collectionner les flingues et de rétablir la peine de mort. Parfois, ça rythme plus urbain, ça bouge plus, ça s'ouvre un peu au monde. Le type baragouine pourtant des trucs amerloques que personne ne pige, pas même les noms de ses acolytes. Soudain, une bande de joyeux lurons sixtie's, pantalons rayés, souliers vernis, tentative de bananes, ameute les fêtards sous la cantine et distille quelques standards électrisés par une trompette pétaradante, un sax déjamesé et une contrebasse tournoyante. L'Amérique se fait plus légère, plus insouciante, plus démocrate, film à la Woody Allen ou à la Grease, nostalgie d'un temps de folie devenu pitoresque.

Commentaires

12 juillet 2012 : Fribourg, Eglise du Collège Saint-Michel, Musica Nova (Renaissance) - "Diptico de Juan de la Cruz" de Michel Rosset (création), par Singer Pur (posté le 13/07/2012 à 09:46)

L'écho d'hier dans le son d'aujourd'hui emberlificote les époques. Les polyphonies renaissantes construisent une harmonie limpide que viennent compliquer nos contemporains. Le dialogue se noue autour de la croix, quand le rideau du temple, mystérieux et dramatique, se déchire dans des accords criants que nos ancêtres détendent. L'appel de Jean de la Croix, entendu par Michel Rosset, explore les nuances sonores comme une recherche du juste chant, de celui qui collerait à l'être. Retour à notre jadis, apaisé, puis méditation finale, obsessionnelle, lancinante, pure. Quand sommes-nous?

Commentaires

11 juillet 2012 : Fribourg, Eglise du Collège Saint-Michel, «Judicii Signum» - Drame liturgique basé sur des manuscrits du 9e au 16e siècle, par la Capella reial de Catalunya et Hespèryon XXI (dir. Jordi Savall) (posté le 12/07/2012 à 08:15)

Derrière les dorures de l'église roccoco, dans ma loge ou ma cellule, je voyage vers un passé où le sacré avait du sens, autour d'une Méditerranée enfin rabibochée, partageant la magie d'une culture oubliée. Un duduk serein, quelques cordes caressées, une cloche, le pincement d'un oud, l'atmosphère d'un ailleurs calme, nouveau et immémorial est créée. En de subtiles arabesques, comme les enluminures baroques de Saint-Michel mais en plus méditatif, la musique s'envole vers le ciel. La voix dansante d'un chantre hébraïque appelle à la prière, reprise, sans heurt, par des moines chrétiens. Le kanun saupoudre de sucre les saveurs épicées d'un Orient qui ne nous est plus étranger. Les voix et les instruments de partout s'enlacent enfin dans une danse sautillante, qu'apaise une berceuse qui rappelle, à l'heure des déchirures,  que les bords du lac Méditerranée sont habités par le même chant.

Commentaires

10 juillet 2012 : Fribourg, Place Georges-Python, Concert de No Square Quartet et de Hiromi's "project trio" voices (posté le 11/07/2012 à 10:39)

Un saxophone virevoltant et statique, un bassiste à béret de Che qui fait des mines (pléonasme, les bassistes tirent toujours des gueules hallucinantes), un pianiste qui demeurera dans l'ombre de ce qui suivra et un batteur élégant viennent ouvrir les feux  par un jazz exigeant, juste pas assez fou pour décoller. Puis débarque Hiromi, petite Japonaise qu'on imaginerait en sage kimono, accompagnée d'un batteur anglais hirsute et d'un bassiste noir qui donne l'impression que son prédécesseur était souriant. Le feu d'artifice éclate. Jusque là, je croyais que je n'étais pas fan de jazz, mais toutes les réticences sont balayées par une énergie phénoménale, des doigts qui volent à toutes berzingues sur un piano en extase, un sourire espiègle qui prend son pied, un jeu du chat et de la souris entre le gros bassiste qui suce son plectre et la petite geisha qui chatouille un piano ravi, puis un repos tendre qui ne dure pas, le batteur qui se réveille, un orage de plaisir qui chasse celui qui menaçait dans le ciel. A la fin, le souffle est coupé. La petite pianiste salue poliment et l'on se demande si c'est bien elle qui vient de faire sortir d'une boîte en bois un déluge de sons paradisiaques.

Commentaires

23 juin 2012 : Cousset, Notre-Dame de Tours, audition des élèves de la Concorde de Montagny-Cousset (posté le 24/06/2012 à 16:52)

Parmi la ribambelle des flûtes grâcieuses, relevons la démarche sur la pointe des pieds de la petite souris, cachée derrière un ruban de partitions joliments jouées, avec le sourire. Une plus petite encore souffle dans une clarinette plus grande qu'elle, avant que son papa, vieux clarinettiste débutant comme moi, parviennent à surmonter le trac que les enfants n'ont pas. L'autre vieux clarinettiste oublie sa partition mais ne se dépatouille pas trop mal dans sa romance de Beethoven. Son petit cousin souffle dans sa trompette aux pistons paraît-il froids comme s'il était né une embouchure à la bouche. Quelques trombones virils viennent donner du corps au concert avant que n'entre dans l'église un ours débonnaire à la patte de velours et à la basse joyeuse. L'avenir est prometteur... Le présent aurait dû plus l'être... présent...

Commentaires

22 juin 2012 : Payerne, Red Pigs Festival, Scène du château, concert de Fabian Anderhub et de Voxset (posté le 23/06/2012 à 10:11)

Tourne la tonnelle et se remplissent les verres. Je parviens, entre deux coups de Commune à ne pas renverser et trois Eve Litchi à décapsuler, à me laisser séduire par un groupe suisse allemand qui me permet de piger que je n'aime le rock que quand il est teinté de blues, que quand les guitares se déhanchent, que quand le plaisir est entre les temps, que quand la star est à la basse plutôt qu'à la batterie. Mon voisin déboule alors sur scène, sans l'attirail des Bourbines d'avant, et envoie, juste avec son visage souriant, un solo de percussions mêlé de sons que je croyais ne pouvoir sortir que d'un ordinateur ou d'une locomotive à vapeur. Quatre voix féminines délicieusement accordées viennent s'ajuster aux pulsations profondes des hommes-rythmes. La bombe humaine peut alors éclater, tantôt presque désincarnée, emmachinée, tantôt pénétrée d'une passion sauvage, tantôt follement délirante, toujours remplie de cette énergie qui vient du fond de l'être et qui explose dans les oreilles et les coeurs d'un public soufflé. Quelques inhumains boivent encore des bières en hurlant. Les voix emmêlées s'éloignent. On les regrette déjà.

Commentaires

Page PrécédentePage suivante

Supprimer les publicités sur ce site pendant 1 an


Tous droits réservés