meslectures

          | Ma musique

Ecrire sur et à partir de la musique a-t-il un sens? Souvent, il semble que la musique se suffit à elle-même, mais je ne peux m'empêcher de lui donner des mots, de la décrire ou de l'interpréter, de me souvenir des cadeaux qu'elle m'a offerts, des émotions qu'elle m'a procurées et du silence qui s'est brisé grâce à elle. 

J'écrirai donc, au hasard de mes musiques, ce qu'elles m'inspirent. 

Vincent Delerm, Ambroise Paré (posté le 11/12/2014 à 19:03)

Tâchons d'écrire quelques mots avant de sombrer. Delerm nous fout plus que la cosse : il souffle sur les gens fatigués un air fluet à la fois soporifique et désespérant. On est dans une chambre d'hôpital. On va mourir. On végète. On a la voix qui murmure des banalités. On meurt.

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Carl Orff, "Catulle! Lesbia! Nulla potest mulier" des Catulli Carmina, par le choeur et l'orchestre symphonique de la radio de Cologne, sous la direction de Ferdinand Leitner (posté le 11/12/2014 à 18:35)

Les amours antiques prennent des couleurs martiales, crues, sauvagement alignées au cordeau. La passion sensuelle marche au pas, elle se prend au sérieux, elle crie avec les loups un plaisir noir, une jouissance lugubre, une faute qu'il faut payer par le sang. L'Empire Romain vu par Carl Orff, c'est Mussolini sur le trône de César, c'est la barbarie qui bouffe le raffinement, c'est la force virile d'un viol qui se croit flirt. 

Les mots anciens à jamais perdent leur innocence. 

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Jo Dassin, Le Moustique (posté le 07/12/2014 à 13:20)

"Ne me pique pas!" 

Quand Jo Dassin se prend pour Jacques Brel, il ne se prend pas au sérieux. Il a compris que mieux valait rester dans la chansonnette facile, qu'il était plus sage de chanter "tout le monde il est gros, tout le monde il est nu" que de se croire l'ombre de l'ombre du génie. Ce qui me plaît chez Dassin, c'est qu'il se contente de ce qu'il sait faire: de l'amusement tout simple avec rimes en "-ique", quelques effets piquants, un peu d'espagnol pour donner chaud, une guitare à peine égratignée, le banal énervement un peu comique du type qui refuse de se lever de sa chaise longue. 

Le moustique qui fait enfler les têtes vides des vantards gonflés par leur propre venin n'a pas piqué Jo Dassin. Ses chansons, parce qu'elles se savent anecdotiques, savent aussi rester sympathiques. Ne leur en demandons pas plus. 

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Franz Schubert, Troisième mouvement Scherzo (allegro molto) du quatuor à cordes n°14 en ré mineur "La jeune fille et la mort", par l'Amadeus Quartetmadeus Quartet (posté le 27/11/2014 à 19:49)

Quand la jeune fille et la mort s'essaient à danser, qui mène le bal? La mort, bien sûr, mais la jeune fille, d'abord effrayée par les grincements des cordes funestes, s'adoucit petit à petit, se prend à rêver à des amours calmes, à des rivages tranquilles, à une éternité de douceur. Schubert donne à la mort la légèreté d'un carton d'invitation. "Peut-être vous parais-je un peu repoussante, semble dire la mort, mais je saurais me faire tendre et caressante. Tout se passera vite. Tu ne sentiras rien." La jeune fille, soudain amie intime de sa propre évaporation, se laisse amadouer. Elle fait bien. La mort est une cavalière on ne peut plus charmante. Elle ne vous pile pas sur les pieds et même si elle faisait, vous ne sentiriez rien.

A la fin du bal, la jeune fille mourut. Personne ne s'en aperçut. 

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Sarcloret, L'amour, comment procéder (posté le 26/11/2014 à 16:54)

Quand on reçoit une fille chez soi et qu'on cherche à l'emballer, le mode d'emploi Ikea n'est pas fourni avec le paquet cadeau. L'amour en effet n'est pas une sinécure. Comment procéder? Suivons un instant les conseils de l'ami Sarclo, expert en la matière:

  1. "Debout dans une encoignure, mordre un peu, renifler beaucoup" : il est conseillé pour cette opération délicate de ne pas être enrhumé et de s'être soigneusement lavé les dents au préalable. 
  2. "Craquer la moitié des jointures et se gonfler les embouchures" : attention à ne pas surdoser les craquements; si toutes les jointures pètent, il est préférable d'abandonner tout espoir. C'est que la fille est trop fragile pour s'adapter sans dégâts à vos pulsions animales. En ce qui concerne les embouchures, veillez à ne pas vouloir aller plus vite que la musique. Si vous n'avez pas de pince, ne jouez pas au crabe. 
  3. "Faire monter la température avant les assauts furibonds" : attention cependant à ne pas vous consumer totalement au feu de votre passion ou de votre cheminée; cela nécessiterait l'intervention des pompiers, qui généralement sont beaucoup plus sexy que vous et qui risquent donc de vous piquer votre proie. Chatte échaudée en effet ne craint pas l'eau froide quand c'est le corps des pompiers qui la fait jaillir de ses tuyaux. 
  4. "Bien dévoiler son envergure et la bourrer sans fioritures" : en cas d'envergure modeste, passez directement à la deuxième étape. Avec un peu de chance, elle ne se rendra compte de rien. 

Voilà, il ne reste plus qu'à tester la recette. Bonne chance! 

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Dimitri Chostakovitch, Deuxième mouvement Moderato (poco allegretto) de la Symphonie n°7, op.60, "Leningrad", par l'Orchestre symphonique de Chicago, sous la direction de Leonard Bernstein (posté le 22/11/2014 à 16:57)

La légèreté, en 1941, coincée entre Staline et Hitler, se dépatouille comme elle peut. Chostakovitch rêve d'une danse sautillante au coeur de Leningrad assiégée. Bien vite, il est rattrapé par la mélancolie d'un hautbois qui se souvient des nuits blanches de Saint-Petersbourg. Le pizzicato ne rentre que sur la pointe des pieds pour mieux se faire bouffer par les gros instruments, les canons et les chars, les trompettes et les timbales, qui se heurtent à la résistance acharnée des cordes tendues vers la lancinante mélodie d'un bal oublié sous les lustres du Palais d'Hiver. Dans les décombres ne survivra qu'une clarinette basse revenue de tous les massacres. Lentement, elle titubera une dernière danse puis, le temps d'un regret, redeviendra petite clacla amoureuse. Le fracas se sera tu. La musique, un instant, aura battu la guerre. 

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Sarcloret, La valse des journaux (posté le 21/11/2014 à 17:45)

La valse des mots souvent dégénère. Quand il s'agit du mot "queue", le choc à la page people est assuré. Qu'elle se faufile sur le billard, au cul du bâtard ou à travers l'entr'ouverture du falzard, la queue échappe à la morale de bazar des journaux sainte-nitouche. Sarclo pourtant n'agite sa queue que pour rendre ses chansonnettes un peu moins moroses et un peu plus mots roses. 

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Wolfgang Amadeus Mozart, Veni Sancte Spiritus K47, par le Choeur Arnold Schoenberg et le Concentus musicus de Vienne, sous la direction de Nikolaus Harnoncourt (posté le 12/11/2014 à 18:28)

Si même appelé par Mozart adolescent l'esprit saint ne descend pas nous dire bonjour, c'est qu'il n'y a plus rien à espérer. Un môme magique de douze ans lance un appel léger du pied et du coeur. Il demande à son papa, le sévère Léopold, de venir lui donner un mimi avant d'aller au dodo, mais il le fait avec les notes en ribambelles qui se précipitent dans sa tête de petit génie. Le "viens" est à la fois une convocation et une prière. Il tente tous les stratagèmes pour amadouer l'ange joli, dont le jupon déjà émeut l'aimable garçon si doué. Ce n'est pas papa qui vient endormir Amadeus et c'est bien mieux ainsi. L'esprit saint, chez Mozart, n'est ni esprit ni saint. 

Sein… 

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Carlos Gardel, Por una cabeza (posté le 09/11/2014 à 11:14)

Le grésillement du vinyle renvoie les passions et les tragédies dans un passé infiniment lointain. Il fut un temps où aimer se vivait avec les tripes, où l'on aurait assassiné pour un visage, où l'on se serait pendu pour une larme. 

La voix brûlante de Carlos Gardel soufflait le chaud et le torride sur les danseurs qui se serraient toujours plus fort, toujours plus uns, toujours plus déchirés de ne pas se fondre à jamais l'un dans l'autre. 

Les années petit à petit calment les bouillonnements du coeur. Elles font semblant de cicatriser les âmes. On oublie d'aimer. C'est alors que naissent les regrets, dans les cris de douleur des violons amoureux que n'entend plus l'accordéon solitaire qui se traine en pyjama.

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Pierre Kaelin, Là-haut sur la montagne (pot-pourri), par l'Accroche Choeur de Fribourg, sous la direction de Jean-Claude Fasel (posté le 05/11/2014 à 17:28)

Le chant choral populaire, c'est comme la maïzena dans la fondue, ça donne du liant à un pays. La Suisse pourrait se briser en mille morceaux, en quatre langues qui ne s'entendent pas, en querelles de clochers ou en (inter)minables conflits politiques si elle oubliait que partout dans ses montagnes et dans ses villes, ça chante, et qu'à la sérénade d'une bella biondinella d'amor tessinoise répond le dzim-boum d'un vigneron vaudois qui monte à sa vigne bras dessus bras dessous avec une Frau Stirnimaa qui songe qu'il existe aussi en Suisse la douceur de la belle langue romanche. Touillez un peu, mélangez les cultures et les patois, et voilà le chalet suisse reconstruit plus beau qu'avant. Rajoutez-y quelques épices exotiques et vos oreilles ravies pourront déguster les saveurs infinies d'un pays heureux. 

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