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          | Poésie

26 juin 2007 : Jules Laforgue, Les Complaintes et les premiers poèmes (posté le 24/12/2008 à 14:12)
Poète, mon semblable mon frère, Jules Laforgue en crise métaphysique qui me rappelle par des poèmes assez banals mes crises postadolescentes, Dieu disparaissant, la mort apparaissant, le sentiment vertigineux et obsessionnel du vide, de l'absurde et le dégoût, Pascal baudelairisé par un homme timide qui voit bien que dans ce monde, ça n'est pas gagné, et que dans l'autre, c'est perdu (un pari, un coup de dé n'aboliront pas la mort), puis (même si ici c'est avant), une fois que tout a été désabusé, la complainte, la comptine de malheur, le poète qui regarde sa crise existentielle du coin de l'oeil, un brin hilare, vaguement vachement mélancolique et pointant discrètement le doigt sur la ridiculosité de la plainte amère de nos ancêtres les romantiques, Lamartine en ses vallons de larmes crocodilesques, Chateaubriand lu à la piscine pour briser un tant soit peu la magnificence du style. De Laforgue retenons des formules (magiques) et des titres. Des vers ? "Des vers. Et puis, après ? ô sordide limace!", "Ô femme, mammifère à chignon, ô fétiche", ô complainte du foetus de poète, ô complainte des pubertés difficiles, miséréré.
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9 mars 2007 : Victor Hugo, La Légende des siècles (posté le 23/12/2008 à 19:05)
Quel est donc le rapport que j'entretiens avec l'oeuvre d'Hugo, sans doute l'une de celles que j'ai le plus lu ? Fascination ? Agacement ? Indéniablement, je retrouve dans La Légende des siècles ce que j'attends de Victor Hugo, des images gigantesques qui entrent en collision avec des détails, qui deviennent alors eux-même gigantesques en bouffant le grandiose. Ceci, au milieu du jugement dernier : "Il semblait un réveil songeant près d'un chevet". Qui, il ? Dieu, rien moins que Dieu, mais passons, les renversements sont partout chez Hugo, le petit devient grand (et vice-versa, bien sûr), la lumière devient ombre, mais surtout le contraire, dans ce vingtième siècle dont on sait qu'il n'a pas grand chose de lumineux (et pourtant... peut-être). Le choc des contraires, chez Hugo, est si présent, qu'il en devient banal, que l'on n'est plus choqué de voir l'âne et Dieu mis au même niveau. Hugo rend le sublime chiant. C'est génial. C'est décevant. Il n'empêche que, tout à coup, le lecteur se trouve fasciné, pris dans le mouvement formidablement puissant de l'évocation hugolienne, comme au moment où il entre dans le château d'Eviradnus, par exemple. Et puis paf, c'est à nouveau de la poésie romantique, cet éloge de la Suisse qui sonne si faux qu'au détour d'un vers on s'attend ce qu'un vieux barbu gâteux se lève, mette la main sur le coeur, et chante, fier comme un colonel singinois, "armons-nous, armons-nous, enfants de l'Helvétie". Finalement (mais l'on n'est jamais à la fin, je relirai Victor Hugo), j'en ai marre de Victor Hugo. Je commence à trop bien le connaître. Et puis, Hugo, tout génial qu'il est, se prend au sérieux, est conscient de son propre génie et en use et abuse, contemple sa propre statue. Quand on lit Victor Hugo, on se sent écrasé, comme quand on écoute la musique de Beethoven. Vite, une pause, une petite chanson de Vincent Delerm, un petit poème de Jules Laforgue, fuyons l'Histoire, cette légende des siècles dont on sait aujourd'hui qu'elle mène (qu'aurait écrit Victor Hugo au vingtième siècle, au moment où les navires du ciel larguaient la bombe atomique sur Hiroshima ?) à une impasse. Plus jamais nous n'écrirons d'épopées, par même petites. Le monde n'aura plus de Victor Hugo, et il tournera plus paisiblement.
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20 janvier 2007 : Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques, Nouvelles méditations poétiques (posté le 22/12/2008 à 18:05)
Faut-il jeter tout Lamartine sous prétexte qu'il s'engonce bien souvent dans le vieux style barbant de la longue poésie classique ? Il faut élaguer, certes, mais le bébé, dans l'eau du bain, surnage parfois, quand le poète ne se prend pas trop pour un poète, quand il dit, tout simplement, que le temps qui passe, sans chichi. Certes, le temps qui passe, les morts qui ne reviendront pas plus que la passé, âge d'or que le vieillard en pleurs (factices ?) regrette, ça lasse vite, Lamartine étant, comme tous les poètes sans génie mais avec un vrai talent, forcé de ressasser toujours les mêmes rengaines. Aurais-je du sélectionner un peu avant de me taper des heures de lecture souvent inattentives, bercées par le rythme tantôt monotono-pompier tantôt charmeur de serpent de l'alexandrin (trop) classique et (trop) régulier ? Non, il faut sucer l'os jusqu'à la moelle, parce que quand même, au détour d'un vers, d'une réflexion sur Dieu ou sur le passé, on se dit que c'est quand même bien beau, ce qu'il dit, soudain, notre Lamartine trop bavard. Ce qui charme chez Lamartine, c'est la simplicité, celle de ces vers connus, qu'il serait bien d'apprendre par coeur même s'ils énoncent une banalité : "Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive, / Hâtons-nous, jouissons ! / L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ; / Il coule, et nous passons !" Ne dire rien tout en disant tout, n'est-ce pas là précisément ce que l'on attend de la poésie ? D'autres le feront mieux que Lamartine, mais parfois, chez lui, on sent l'envie de se taire, si nécessaire à la parole poétique.
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17 décembre 2006 : Frédéric Mistral, Mireille (posté le 22/12/2008 à 15:49)
Mistral, Mireille, Vincent, comment ne pas se faire avoir ? Comment lire ce bouquin comme un autre ? Comment ne pas commettre le péché mortel du critique, l'identification. Je suis Mistral et je suis Vincent, fils de paysan, amoureux de Mireille, sainte, et je lis ces mots dits par l'héroïne du bouquin : 'Vincent, Vincent, veux-tu le savoir ? - Je t'aime !..., De tu siéu amourouso !...'. Comment ne pas perdre la tête ? Elle, Mireille, chante Gounod. Moi, Vincent, je lis Mistral, je me lis. Et voilà que je me mets à écrire de la poésie : "La valse infinie des soleils / Les silences des Yeux mystiques / Source insensée de ta musique / Souffle joyeux de mon éveil". Qui suis-je ? Homme-vers, philosophe fou ? Je suis, donc je perds la moitié de moi-même, dès que je vous aime. Faire une critique froidement objective, alors que tout me prouve que l'objectivité n'existe pas, de cette épopée (qui n'en est pas une, on pourrait ouvrir le débat, mais il m'indiffère au plus haut point) ? Non ! J'ai lu ça pour aimer Mireille. L'aime-je plus après cette lecture ? Sans doute non. Je suis déçu, parce que bien sûr, l'identification est troublée, que ça se passe en Provence, que c'est romantique au possible et que ça n'est pas le plus grand texte de la littérature mondiale, étant donné que c'est même assez plat. Mais voilà, il fallait que je le lise, que je crée autour de mon amour naissant pour Mireille une mythologie. C'est fait, passons à autre chose, à des lectures plus chavirantes et à une Mireille plus vivante.
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11 octobre 2006 : Jean Tardieu, L’accent grave et l’accent aigu (posté le 20/12/2008 à 14:42)
Dérision des visions, Tardieu passe du gag à l'être, le jeu de mot enfantin cédant la place à l'introspection profonde, contemplations de ces "en moi-même paysages" ou "plaisantinerie". Etre ou ne pas être, tout est dans le mot. Chez Tardieu, le langage est partout (pléonasme pour un poète mais tous les poètes, méfions-nous, ne parlent pas), la forme est sans cesse au premier plan dans ce que, tout est là, le poète nomme ses "formeries", formes qui rient et rires qui forment. Qui dit forme pense avec les yeux. Le poète voudrait se faire peintre, graveur ou sculpteur mais il ne peut que décrire les oeuvres des autres, les rendre audibles par les mots, comme ces gravures de Max Ernst que je n'ai jamais vues mais qui prennent vie par les mots, devenant dans mon cerveau de succulentes visions. Mais ce que rend visible Tardieu, c'est le potentiel infini du langage, de la syntaxe, de la conjugaison et de quelques verbes pour le moins verbeux, être, partir, rester, écouter, se taire, infinitude des mots (et de l'homme peut-être) réduite à sa plus simple expression dans ce merveilleux poème en cinq langues (français, italien, allemand, anglais, latin) intitulé "Reflets sur le lac de Garde". Mais il est tard, Dieu qu'il est tard.
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1er octobre 2006 : Jules Supervielle, La fable du monde, suivi de Oublieuse mémoire (posté le 20/12/2008 à 14:39)

Une poésie étonnamment simple, loin de la suspension du sens que cherchent la plupart de ses contemporains, voilà sans doute ce qui fait la particularité de Supervielle. Il y a dans ses vers, souvent classiques, une limpidité qui ramène à des époques anciennes, la genèse du monde ou l’enfance, peut-être. Il y a aussi, et c’est ce qui touche profondément à la lecture de sa poésie, cette volonté de décrire l’expérience humaine dans ce qu’elle a de plus fondamental et de plus mystérieux, sans pour autant que le mystère ne vienne troubler la lucidité du poète qui pense à son monde intérieur, à ses nerfs, à ses organes qui répondent un par un aux astres du ciel, réveillant ainsi la veille théorie du microcosme et du macrocosme et jouant cette partition harmonique que l’on croyait perdue depuis belle lurette. Cette expérience de l’infini du dedans de l’homme s’élargit même à celle, plus mystérieuse et plus simple encore, du dedans de Dieu, qui se voit créer le monde et qui s’étonne de se sentir devenir arbre ou homme, comme si la création n’était que duplication infinie faisant de chaque parcelle de l’univers entier à chaque fois un fragment complet (étrange expression…) de Dieu. Le poète est Dieu, puisqu’il parle pour lui et puisque comme lui, il sent en lui un monde qui lui échappe alors qu’il constitue sa plus sûre identité. Rien de religieux dans tout ça, juste le sentiment vrai d’être tout. Dieu, c’est le poète au carré, l’infini multiplié par l’infini.

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7 septembre 2006 : François Villon, Poésies complètes (posté le 20/12/2008 à 11:53)
Impression de passer à côté d'une oeuvre parce qu'on n'en maîtrise pas la langue. Cette lecture de Villon dans le texte original mais annoté à chaque coin de vers ne m'a convenu que très moyennement. Certes traduire en moderne, c'est trahir, mais là, quand même, le lecteur peu scrupuleux et encore moins érudit que je suis, aurait aimé avoir, en regard de l'original, une traduction. Il y a dans ce poète éloigné sans doute beaucoup de cocasserie, mêlée à des sentiments plus noirs. Tout ça, on le repère par bribes, au détour d'un vers plus vite compris qu'un autre, ou d'un jeu de mot que les notes nous permettent de piger, mais jamais, ou rarement, je n'ai eu le sentiment d'être emporté par un texte qui, hélas, ne parvient plus à se désempêtrer de son époque. Dommage. Seule la fameuse "Ballade des pendus" a su me toucher, parce que j'y ai entendu la voix de Léo Ferré.
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2 août 2006 : Blaise Cendrars, Du monde entier au cœur du monde, Poésies complètes (posté le 08/12/2008 à 14:29)
On est d'abord frappé par l'hétéroclite du corpus réuni, par la distance entre la poésie avant-gardiste des débuts et les comptes-rendus poétisés de voyages, puis on réfléchit et on se dit que tout ça n'est pas aussi incohérent qu'il n'y paraît, que toute cette poésie est traversée par la démystification du langage poétique, presque prose bien souvent, article de journal découpé en vers, récits de voyage découpés en tranches fines, mais remystifié par le mystère du monde, par l'extraordinaire présence des choses et des hommes à tous les coins de rue, dans tous les ports, dans toutes les gares mais surtout dans les bateaux ou les trains qui emmènent le poète d'un lieu à un autre. Tout bouge dans Cendrars, tout est en perpétuel déplacement, comme se déplace sans cesse la frontière entre prose et poésie, au rythme de ce transsibérien dont la prose est sans doute ce que Cendrars a écrit de plus poétique. Tout va vers et rien ne vient de, l'enfance est effacée, le nom est réinventé, le monde passé laisse sa place à la prochaine escale dans le regard du poète, qui arrête parfois artificiellement le temps pour prendre la photographie poétique d'un instant, qui cède sa place à l'instant suivant, parce jamais rien ne s'arrête véritablement quand on choisit non l'exil mais son contraire, le voyage.
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23 juin 2006 : Tristan Corbière, Les Amours jaunes (posté le 26/11/2008 à 18:42)
Poésie hachée, drolatique, jeux de mots et chansons marines, qu'est-ce donc que tout cela ? Corbière se situe à ce moment critique où l'on tue une poésie de l'intérieur pour mieux la métamorphoser. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas. Il y a du Baudelaire dans Corbière, mais du Baudelaire saucissonné par une ponctuation envahissante, qui l'empêche de déployer son lyrisme pour lui préférer la saccade, la brisure, les aboiements des chiens aimés et les planches craquantes des vieux bateaux. La rupture avec le souffle romantique est faite. Le télégramme devient poème, "télégramme sacré" dans lequel de nombreuses voix prennent la parole, histoire de briser un peu plus encore la monodie du poète lyrique solitaire, dont le discours devient multiple parce que regardé de l'intérieur avec ironie ou cynisme, comme si le fait même d'être poète était une malédiction qui tombait sur quelques loupés, qui rêvent d'être "chien de fille publique" ou "fou, mais pas à moitié" mais qui ne restent que poètes, gens de lettres qui forment bien leurs lettres mais pour rien. Corbière vide la poésie pour l'enrichir. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas.
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19 avril 2006 : Saint-John Perse, Eloges, suivi de La Gloire des rois, Anabase, Exil (posté le 16/11/2008 à 18:29)
Une voix proche et lointaine, grandiloquente et quotidienne, incantatoire. Cette poésie à la fois sacrée et profane, ou plutôt sacralisant le profane, ces versets bibliques modernes, cette épique futilité. Saint-John Perse se balade au coeur d'un monde foisonnant, d'un langage jamais arrêté, d'un ailleurs dont les traces bénissent l'ici, d'un hier dont la voix retrouve l'aujourd'hui. La nature, pluie, vent, neiges et soleil, verdure, fruits exotiques, hommes de toutes races, imprègne une poésie vivifiante et solennelle, débordante et militaire. Un monde nouveau est mis au jour par la poésie, Genèse nouvelle opérée par un homme-dieu traversé par toutes les civilisations qui en portent le germe. Saint-John Perse n'est ni un poète exotique, ni un poète d'ici. Il est l'étranger qui parle ma langue, l'autre qui me dit. De longues listes qui n'épuisent pas le monde mais lui donnent vie, langage créateur. Au commencement sera le Verbe.
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