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          | Histoire

25 juin 2012 : Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, l'Appel 1940-1942 (posté le 25/06/2012 à 18:40)

Une certaine idée de la France poussée jusqu'au bout. Le général de Gaulle montre, dans un témoignage à la fois précis et engagé, que rien n'est jamais définitivement foutu. L'armée française est en déroute un peu parce qu'elle ne l'a pas écouté, ce militaire qui préconise l'emploi massif de chars mécanisés, le gouvernement rentre dans sa coquille, le glorieux maréchal de la vieille guerre signe l'armistice de la honte avec Hitler, et, seul, ou presque, contre tous, un homme continue le combat, se rendant compte que la France possèdent des colonies où se replier pour contre-attaquer. La toile se tisse très lentement, est souvent balayée par les alliés anglais qui remarquent à peine les gesticulations du groupuscule du général, mais l'appel de de Gaulle est entendu, les Français combattants sont de plus en plus nombreux, ils parviennent à devenir une force qui compte dans la guerre, non pas un appoint pour les Britanniques, mais une vraie force indépendante, car s'il y a un point sur lequel le général ne transige pas, c'est celui du refus de l'asservissement de la France, qu'il pressent incarner, à qui que ce soit. Les Français combattants sont une vraie armée, petite certes, dépendante de ses alliés, bien sûr, mais qui n'a d'ordre à recevoir que du général. A force de s'affirmer, la France libre peut enfin participer au combat, dans la glorieuse bataille de Bir-Akeim et dans la reconquête intérieure d'un pays humilié mais où il reste des hommes debouts, qui suivent la voix si forte du général de Gaulle.

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28 mars 2012 : Hannah Arendt, Sur l'antisémitisme (posté le 31/03/2012 à 14:46)

Pourquoi eux? La question paraît d'emblée suspecte, parce qu'elle semble justifier l'ignominie. Elle est pourtant nécessaire. Les bribes de réponse d'Hannah Arendt me laissent un peu sur ma faim. Quelque chose échappe encore, et échappera toujours. Certes, il y a les rapports ambigus entre les Juifs et la société, qui va des Juifs de cours, utiles à l'Etat, aux magouilles de quelques financiers véreux, nuisibles, cristalisant sur eux le sentiment diffus de mépris des Juifs. Certes, les Juifs eux-mêmes oscillent entre l'assimilation, jamais complète, et la différence, qui, en devenant individuelle devient essentielle, le Juif ne devenant que le Juif, l'ennemi intérieur, le comploteur, l'exotique se faisant dangereux. Pourtant, on ne peut que continuer à se demander "pourquoi eux?", tant le saut du mépris au massacre est gigantesque, tant la frénésie antisémite a été (et est encore, Toulouse l'a prouvé la semaine dernière) absurde et criminelle. Sans doute faut-il que je lise la suite, celle où Hannah Arendt tent, autre mission impossible, d'expliquer ce qu'est le totalitarisme, ce monstre politique devenu monstre en chair et en os.

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22 janvier 2012 : Robert Muchembled, Une histoire du diable, XIIe-XXe siècle (posté le 22/01/2012 à 09:30)

Le diable est-il encore à nos trousses ? Ce livre en raconte les allées et venues, des grotesques personnages que l'on moquait au Moyen-Âge, survivance de légendes anciennes, aux satanistes américains, pointe de l'iceberg d'une société encore fascinée par l'incarnation du mal, par la lutte, si photogénique, du bien et du mal. Retraçons quelques étapes. Tout se cristalise à la fin du seizième siècle pour faire du dix-septième le siècle du diable, d'un diable effrayant, partout rôdant, et auquel on croit dur comme fer, en ces temps sombres de guerres de religion, au point de brûler ses adeptes, les sorcières, dans de grandes cérémonies publiques. Le corps, celui de la femme bien sûr, est le lieu par où le diable pénètre en nous, le lieu où il pervertit, le lieu de dégoût. Petit à petit pourtant, alors que déjà s'amorce le recul de la religion chrétienne, le diable se cache. Il devient toujours plus une force intérieure, un être en nous, une présence du mal en chacun. La figure extérieure se fait moins épouvantable, le diable est amoureux, il est à nouveau dupé, il est un beau jeune homme torturé, il est, au vingtième siècle, vendeur de bières et de savonnettes. A-t-il disparu ? Evidemment non, la ruse la plus maligne du diable est de nous faire croire qu'il n'existe pas. Il est passé de mode aujourd'hui en Europe, où ses avatars sont regardés avec distance, ironie ou humour, alors qu'il règne encore, serial killer ou alien, dans la pure Amérique qui, seule pour le monde entier, se bat contre les forces des ténèbres.

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26 novembre 2011 : Stéphane Courtois, Communisme et totalitarisme (posté le 26/11/2011 à 17:50)

Le communisme ? Une bonne idée qui aurait mal tourné ? Un bel idéal dévoyé par Staline and co ? La lecture de ce bouquin achève de me convaincre que ce n'est pas ça, que le communisme, c'est une mauvaise idée qui ne pouvait que mal tourner. L'idée d'ennemi de classe contient les génocides dont seront coupables les régimes communistes dès leur installation au pouvoir. Lénine (le gentil Lénine qui trouvait Staline trop brutal mais qui en avait quand même fait son bras droit) invente le totalitarisme, le goulag, le génocide de classe. Les autres suivent, en masse, avec une efficacité redoutable, un fanatisme effrayant, une bonne conscience effarante, certains, parce que l'idée communistes est belle, qu'elle justifie l'assassinat par la faim du peuple ukrainien, l'élimination pure et simple des koulaks et des Tchétchènes, l'épuration paranoïaque des ennemis du peuple cachés partout. La liste des crimes du communisme fait froid dans le dos. Les comparer avec ceux du nazisme ? Courtois lève le tabou. La comparaison est justifiée, car le fonctionnement criminel est très ressemblant, que l'horreur des camps nazis ne peut pas couvrir celle du goulag, que la volonté, au nom d'une idéologie jusqu'au-boutiste, de supprimer tout ce qui pourrait lui nuire, est la même, que les méthode sont proches. Pourquoi aujourd'hui encore, ignore-t-on largement ces ignomies ? Pourquoi les rayons des librairies regorgent-ils d'ouvrages sur le nazisme alors que presque rien ne se vend sur le communisme ? Pourquoi ne regarde-t-on pas comme une insulte au sentiment d'humanité les représentations hagiographiques de Che Gevara qui fleurissent partout ? Le travail de l'historien, parce qu'il n'est pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir, est, dans ce livre-là d'une immense utilité : il démontre que les idées reçues sont tenaces et qu'il faut les démonter sans relâche pour que la vérité triomphe.

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18 août 2011 : Martin Malia, Histoire des révolutions (posté le 20/08/2011 à 16:50)

Qu'est-ce qu'une révolution ? Le mot est utilisé à toutes les sauces, dillué au point que tout soulèvement contre un pouvoir est qualifié, dès ses balbutiements, de révolution. Retour donc sur l'histoire des mouvement révolutionnaires. Chacun se nourrit du précédent pour passer à l'étape suivante, tout en répondant aux spécificités du lieu. Tout commence dans la Bohème hussite, en un temps où la religion seule peut provoquer la révolte. Cela s'amplifie avec la réforme luthérienne, sans pour autant provoquer de renversements politiques majeurs. Puis il y a la Hollande et l'Angleterre, et, prototypes des révolutions futures, les Etats-Unis et, modèle absolu et auquel on essaie toujours de faire ressembler les autres révolutions, la France. Les points communs? Un Ancien Régime déconsidéré et une alliance des principales forces pour s'y opposer, sans pour autant vouloir dès le départ renverser complètement l'ordre établi. La lutte entre modérés et radicaux est dans un premier temps gagnée par les radicaux, avant qu'une réaction thermidorienne vienne achever la révolution de manière minimale. Ce processus est brisé par le deuxième modèle de révolution, le seul qui se base sur un système idéologique complet qu'il s'agit à tout prix de mettre en place, quitte à mentir s'il s'avère que ce système est faux, et qui ne connaît pas de réaction themidorienne, la révolution russe de 1917. Paradoxalement, alors que le marxisme prétend qu'il faut d'abord une révolution bourgeoise (1789) et ensuite une révolution socialiste, et que cette révolution ne peut avoir lieu que si elle a une base prolétarienne solide, les seuls endroits où des révolutions marxistes ont eu lieu dans des Etats arriérés, sans la base nécessaire, sous la direction d'une élite "éclairée" qui s'est accaparé le pouvoir pour illusoirement mettre en place une société correspondant à la théorie. Les révolutions arabes aujourd'hui semblent plus proches du premier modèle, celui dont l'avenir est le plus flou, mais aussi celui qui évite le retour à la dictature. Il faut éviter à tout prix que les révolutions de févier connaissent des révolutions d'octobre.

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19 juillet 2011 : Winston Churchill, Mémoires de Guerre, 1941-1945 (posté le 19/07/2011 à 11:26)

L'histoire au coeur des événements, dans les moments cruciaux, racontée par un de ceux qui l'ont faite, voilà un document irremplaçable. Comment est-on passé de l'Allemagne hitlérienne hégémonique à sa capitulation? Quelles ont été les tenants et les aboutissants des décisions clé? Comment un homme pris dans une responsabilité aussi grande vit-il? Churchill répond à ces questions en détaillant les grands batailles militaires, sans doute trop longuement pour le non-stratège que je suis, en racontant ses rencontres avec Roosevelt et surtout avec Staline, sur lequel il porte un regard de méfiance tout en se trompant largement sur son caractère et sur la nature monstrueuse de son pouvoir, et en se laissant aller à ses états d'âme, à ses espoirs d'une victoire rapide, à ses plans toujours trop ambitieux, à ses déceptions quand les militaires et les diplomates le freinent dans ses ardeurs passionnées. Churchill, et c'est ce qui fait que ce livre accroche, vit et raconte les événements en se sentant toujours concerné au plus haut point, et responsable de l'avenir de l'humanité entière. Il y a chez cet homme une noblesse naturelle impressionnante. Seul le général de Gaulle au même moment semble, bien que son pouvoir soit beaucoup moins grand, animé de la même flamme. Il sera intéressant de comparer leurs mémoires respectifs.

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15 septembre 2010 : Jürg Altwegg, Une Suisse en crise, De Ziegler à Blocher (posté le 02/10/2010 à 22:42)

La Suisse est-elle sortie de sa crise ? Et en quoi consiste cette crise ? Jürg Altwegg, Suisse allemand exilé (quelle bonne idée…) en Romandie, analyse les ébranlements d’un pays qui vivait, et qui, quand il vote UDC, vit encore, dans un mythe, celui de l’immaculée histoire. La Suisse, grâce à sa mythique neutralité (ériger au rang de valeur suprême la neutralité, voilà qui est quand même surprenant ; pourquoi pas la nullité, la mollesse et la léthargie, pendant qu’on y est ?), a résisté à l’ennemi nazi. Les soldats suisses, ceux de la meilleure armée du monde (avez-vous déjà fait un cours de répétition ?), a foutu la frousse à Hitler en creusant des trous dans les montagnes et en abandonnant l’immense majorité de la population suisse à une Blitzkrieg qui, fort heureusement, n’a jamais eu lieu. Les banquiers suisses n’ont fait que défendre l’intérêt de leurs clients, en amassant l’or des nazis, des Juifs et des dictateurs. Bref, la Suisse est blanche comme la neige des ses sommets, et il est sacrilège de casser la belle image d’Epinal qu’on a pris, et qu’on prend encore, quand on s’appelle Christoph Blocher, pour la réalité. Il ne faut pas souiller le Cervin, les röstis et la soupe de Kapel. La Suisse, blanche colombe au-dessus d’un monde qui ne la mérite pas, doit se prémunir contre les invasions étrangères, parce que celles-ci ont le défaut de nous montrer que ce beau pays parfait n’est pas tout à fait meilleur que les autres. Blocher a été viré du Conseil fédéral (et c’était la moindre des choses ! qu’on fasse de même pour sa fade copie Maurer !) mais ses élucubrations, même si Altwegg montre bien que malgré les mythes tenaces la Suisse s’est réveillée, convainquent hélas encore bien des nostalgiques d’une vérité officielle évaporée.

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1er août 2010 : Gilles Kepel, Terreur et martyre, Relever le défi de civilisation (posté le 01/08/2010 à 17:04)

Deux récits antagonistes et sans avenir. D'un côté, George W. Bush et sa chasse sans arrière-pensée aux terroristes, son instauration au bazouka de la démocratie, sa main dans la fourmillière orientale; de l'autre, Oussama Ben Laden et ses sbires, leur jihad total, le martyre des jeunes chairs à canon pour la renaissance d'un Islam médiéval et dominateur. Les deux récits échouent. Obama tente le dialogue avec le monde arabe. Ben Laden se tait et laisse la parole dangereuse à son pire ennemi, l'Iran chiite. Bref, le monde est plus compliqué qu'on ne le croyait. L'Islam est multiple. L'Europe, grande oubliée des deux récits et terrain de leur expression violente, doit se réapproprier le dialogue avec l'Orient et avec sa propre population musulmane. L'avenir - je crois que c'est le message de ce livre très précis sur le mécanisme du jihad et ses contre-coups en Europe, en Angleterre, au Pays-Bas ou au Danemark - appartient à ceux qui se parleront et qui, parce qu'il ne faut pas être trop idéaliste, feront des affaires.  

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19 mai 2010 : Winston Churchill, Mémoires de guerre, 1919-1941 (posté le 19/05/2010 à 18:40)

L'histoire racontée du dedans par celui qui la fait. Objet rare et précieux, surtout quand celui qui fait l'histoire sait la raconter avec brio. Churchill retrace les heures plus sombres et les plus glorieuses de la Grande-Bretagne. Bien sûr, il se donne le beau rôle, mais il faut admettre que ce rôle, joué avec panache tout au long de la guerre, a vraiment été beau. Bien sûr, il glorifie le courageux et unanime peuple britannique, et l'idéalise. Mais ce peuple, le dernier d'Europe qui n'était pas humilié par l'avancée de l'Allemagne d'Hitler, a vraiment été courageux. Churchill aurait dit "héroïque" sans doute. Revenons un peu sur cette histoire. D'abord, l'avant-guerre : tout le monde est pacifiste, jusqu'à l'absurde, jusqu'à Munich, sauf Churchill, dangereux va-t-en-guerre, visionnaire, persuadé qu'Hitler, qu'il assimile à un voyou, ne s'arrêtera pas dans sa fuite en avant, puisque qu'on le laisse faire. Puis Churchill, une fois que la guerre est là, qu'on ne peut plus la repousser et qu'elle est pire que tout ce qu'on pouvait imaginer, revient à la barre. Il prend en main le destin du monde libre, défend l'honneur de la démocratie alors que partout elle s'effondre, promet des souffrances, mais justes, et promet la victoire, mais bien plus tard. Il est intéressant de voir comment fonctionne le sommet de l'Etat britannique tout en haut, comment Churchill prend les décisions les plus graves, comment il gère ce moment inédit de la guerre totale, comment il parvient à conserver, alors que la France politique et militaire est en pleine débandade, une Angleterre gouvernée presque sereinement (sans doute est-ce qu'il veut nous faire croire, après...), dans laquelle les querelles de partis s'efface devant la défense de la nation en danger de mort. Bref, la peinture churchillienne de la guerre est certes partiale mais elle est profondément juste parce que Churchill perçoit mieux qui quiconque le sens profond de cette guerre, qui est pour lui une affaire personnelle. Je l'ai laissé au milieu du gué et ai hâte de découvrire, dès que la suite de la traduction paraîtra, comment il traverse l'épreuve jusqu'à la victoire finale, dont il ne semble pas douter un seul instant.

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31 mars 2010 : Henry Laurens, L'empire et ses ennemis, la question impériale dans l'histoire (posté le 31/03/2010 à 14:31)

Qu'est-ce qu'un empire? Je dois avouer que j'ai lu ce livre de manière peu attentive, comme si quelque chose d'important m'échappait et me laissait au seuil de sa compréhension. Un empire, c'est l'hégémonie, c'est la puissance unilatérale d'un Etat, par des moyens économiques et militaires. Bien sûr, la question clé, aujourd'hui, à laquelle tout le monde répond sans la comprendre, c'est "les Etats-Unis sont-ils un empire?". Henry Laurens donne des bribes de réponse en évoquant la politique impériale du regretté Georges W. Bush. Tentons aussi d'en donner, des bribes. La puissance militaire est indéniable. La puissance économique? plus sujette à caution. Où en est la Chine? Puissance culturelle? partout observable, mais sans doute aussi partout contestée parce que la "culture américaine", ça n'existe pas vraiment. Le paradoxe est le suivant, selon Laurens : à l'intérieur, les Etats-Unis sont un laboratoire de cosmopolitisme; à l'extérieur, ils sont puissance hégémonique. Or par le fait même de leur idéologie universaliste, ils provoquent de manière naturelle la contestation de leur hégémonie. Leurs conquêtes ne peuvent être que provisoires et elles ne peuvent se terminer que comme au Vietnam ou en Irak, dans le sang. Les Etats-Unis (répondons de manière ferme tout en sachant que ce n'est que l'opinion de quelqu'un qui n'y connaît pas grand chose) sont un empire trop fragile pour durer. Ils sont un empire qui n'a pas envie d'en être un.

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