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| Spectacles

2 juin 2012 : Fribourg, La nuit des musées (posté le 03/06/2012 à 10:42) |
Entre vieilles machines à coudre et dénoyauteurs de cerises se cache une tasse à bord spécialement conçu pour les moustachus. Le bric-à-brac du musée Wassmer est une caverne d'Ali Baba de l'insolite, où l'on se promène comme dans un marché aux puces de luxe. Chez Tinguely, les objets récupérés se font plus ordinaires, pour mieux rendre ses machines extraordinaires. Le grand retable de l'abondance occidentale et du mercantilisme totalitaire crisse et tourne ses roues rouillées sur des lapins en peluche fatigués et des vélos jetés aux ordures. Tout ce qui, dédaigneusement, est foutu loin, parce qu'il faut faire la place pour les déchets de demain, est ressuscité. La vie est donnée aux pauvres objets, victimes du mépris des hommes qui ne fréquentent pas les musées. Cela faisait des années que je n'avais pas arpenté les riches couloirs du musée d'art et d'histoire... Marcello n'était pour moi qu'un bistrot... Je ne savais pas que la nouvelle robe de Nikky de Saint-Phalle était rayée... A la BCU, un relieur chante les abbés et les îles devant quelques photos de nos districts, éparpillées, et la tournée des musées se termine au jardin botanique, au grand air et au grand feu, à bochion devant une jongleuse de flammes qui trouve le moyen de ne pas se brûler. Les spectateurs, enflammés, n'y ont vu que du feu. | |
17 au 20 mai 2012 : Saint-Aubin, Giron d'Air, 91ème Fête des Musiques broyardes (posté le 21/05/2012 à 08:01) |
Commençons sérieusement, le jeudi, dans la sobriété, par le concours des solistes, où il faut relever non seulement la victoire de ma camarade de registre mais aussi la prestation mémorable de trois boilles et deux sifflets, alias sept pistons et deux baguettes. Le soir, une carotte, une ramassoir et deux chiotophones viennent démontrer que la musique se loge dans les recoins les plus bizarres de nos vies pour leur donner du sens. Le samedi, tout est mis en branle brusquement par une petite suite romantique sans prélude mais finement exécutée par des musiciens qui, après un petit passage à peine remarqué sous la serre torride, s'engouffrent dans un bar à vin salutaire, où il s'agit de bien doser l'alcool nécessaire pour marcher droit lors du concours de marche, animé par les remarques coquines de notre jeune porte-drapeau. Passons sur la soirée pour laisser planer le doute sur la voracité des arracheuses de cravate, et léchons-nous les babines devant les tables garnies du commissaire, qui mettent en jambes pour une escalade ruisselante vers les sommets, non pas de l'art musical, mais du village de Saint-Aubin, qu'il sera nécessaire d'aplanir pour la prochaine Broyarde. Tout s'achève alors en grande pompe avec un show romain impressionnant, mais juste impressionnant, sans queue ni tête et sans vraie musique. Jules Aeby en est atterré et le week-end est enterré sous des tonnes de notes presque toutes justes, même si les oies du commissaire jouent du saxophone avec un son plus pur que celui de James. | |
16 mai 2012 : Bulle, Espace Gruyère, Festival Les Francomanias, Eleonore, Aldebert, Yves Jamait et Zaz (posté le 17/05/2012 à 11:22) |
Quatre univers pour une soirée qui ravigote. En entrée, la sensualité fraîche ou râleuse d'Eléonore, jongleuse de mots qui tricote des assonances à la Gainsbourg; puis Aldebert, prototype du chanteur sympa, vient distiller une joie simple, raconter des histoires migonnes tout plein et remonter en rigolant le cours de la vie, qu'Yves Jamait, rocailleux dans ses textes et dans sa voix, vient compliquer délicieusement. La chanson, chez Jamait, sort du ventre, fruit d'une mélancolie joyeuse, cri qui ne cherche plus à s'étouffer, souffrance qui se fredonne sans fard, et qui est balayé par la joie frénétique de Zaz, dont l'énergie époustouflante est à l'opposée de celle de son prédécesseur. Tout, chez Zaz, est affirmation du bonheur, tempête de la vie, ouragan du plaisir, qui bondit, court, crie, vole et scate. Même si on ne pige pas grand chose à ses mots, on ne peut qu'être abassourdi et enthousiasmé par sa niaque et sa voix mi-jazzwoman mi-rockeuse qui donne à un public secoué et conquis un frisson de joie qui met toutes les grisailles de la vie, si bien chantées auparavant par Yves Jamait, entre parenthèses. | |
11 et 13 mai 2012 : Payerne, Temple, Chêne-Pâquier, Eglise, Concert "Les fleurs et les arbres" de l'Ensemble vocal Chorège (dir. Fabien Volery) (posté le 14/05/2012 à 09:01) |
Le plaisir de chanter par coeur, les mots et les notes fleurissant du fond de la poitrine, est immense. Voici pour commencer le vert et beau mai qui donne envie d'entrer dans la danse, et qui se mue en une nuit d'été où les gaines éclatent pour que se dressent les tiges altières (le texte est de l'abbé Bovet...). Puis on se raffraichit dans l'eau d'un glacier dynamique, pour aller ensuite cueillir quelques roses, celles pleines de rêve de la poésie si raffinée de Rainer Maria Rilke, celles de chez nous, la trop fière rose d'Estavayer, celles sans épines, au vert ombrage des noyers (et l'on se prend à regretter le noyer de jadis, devant la maison...). Vient alors, dans ce jardin parfumé, le temps de la berceuse d'une petite Mila et d'un petit Antoine, les douces dissonnances des voix de femmes et des caverneuses alti. Les hommes se cachent au fond de l'église, dans l'athmosphère si romantique de la forêt, dans le jardin du père Adam et et mes rêves (de mère Eve bien entendu...), dont la voix de baryton est si plaisante à chanter, surtout quand elle se barbouille de chants d'oiseaux (que l'on imagine au mois de mai, dégoizotant). Nous nous attardons quelques instants dans ce bois fleuri pour y écouter l'écho discret et y savourer la beauté de la nature au sein même des douleurs. Puis vient la création (pour une fois, ce mot a tout son sens) du coeur de Passe-Âge, Offrande et La dernière feuille du chêne, chant organique de la vie qui apparaît, sous la forme de foulards colorés et de syllabes jaillissantes, avant que ne s'envole, mélancolique, la feuille, dont on chuchote qu'elle s'en va, légère, et qu'elle sera, l'an prochain, emportée par le vent, qui s'en viendra sans crier gare. Petit tour rapide au verger et voix qui se mêlent aux rudes accords d'un vieux tilleul, puis la bal(l)ade s'achève par un petit creux, une omelette aux champignons, des canapés fleuris et du vin parfumé au sirop de violette. D'aucuns ont dit que c'était flamboyant. Je dirais envoûtant. | |
6 mai 2012 : Romainmôtier, Abbatiale, Concert "Musique américaine" du Choeur de Chambre de l'Université de Fribourg (dir. Pascal Mayer) (posté le 07/05/2012 à 11:20) |
Une harpe paradisiaque conduit un choeur sucré vers des prés où l'herbe est fraîche, puis la voûte romane raisonne de plaisir et renvoie un alleluia passionné, qui naît d'un silence recueilli pour y retourner, apaisé, appelant Dieu d'un murmure calme. Je me rends soudain compte que c'est à moi : "Come hear, come hear!" L'appel est entendu, même si le souffle est un peu court. Mais du souffle, il fallait en garder en réserve pour les longues tenues lentes d'un adagio langoureusement lancinant. L'orgue crépite sous les doigts d'un Margot (tiens... il est des noms destinés au génie musical...) tantôt tendre, tantôt féroce, avant que ne se répondent, dans les psaumes de Bernstein, la furie rythmée des "lamah rag'shu goyim" et la voix d'ange de l'Adonai. Entre énergie douloureuse et mélodie adorablement kitsh, la musique d'Amérique donne aux pierres millénaires de la vieille Europe le petit goût de modernité qui leur manquait et aux chanteurs un plaisir nouveau et charmant. | |
28 avril 2012 : Fribourg, le Nouveau Monde, Concert de The Dead, précédé par Hannibal Slim and Captain Boogie (posté le 29/04/2012 à 22:56) |
Voici donc venue mon incursion rock de l'année, ma sortie d'anthropologue dans une tribu sauvage à laquelle je ne pige rien. Un totem vaudou sur une bouteille de Jack Daniel's pour planter le décor, puis un hirsute en liquette et un gominé en chemise vintage emmènent avec brio les barbus en chemises à fleurs et les joueuses d'harmonica au coeur des années soixante, quelque part au fin fond des Etats-Unis, dans une grange où la country s'électrise, où les corps se déboîtent et où les bouteilles de bourbon se vident cul-sec. Les guitares (ils en changent toutes les trente secondes, allez savoir pourquoi...) semblent fumer comme le pot d'échappement d'un vélomoteur maquillé, tellement les doigts et les plectres s'agitent. La voix rauque rigole un malheur léger, et je me sens happé par la tribu. Puis vient The Death, un marin, un noeud-pap et un pantalon rayé, des guitares tristes qui s'énervent, un filet de voix et des cris, une batterie carrée, le même morceau, me semble-t-il, plusieurs fois de suite. Tout à coup, ils chantent Bümplitz, et je comprends. C'est du rock suisse allemand, sans âme, de l'énergie à revendre, mais rien derrière, comme une campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Je rentre avant la fin, parce que je n'arrive pas à passer toute une soirée à bondir sur les temps forts d'une musique ennuyeuse. L'incursion rock est mitigée. Comme toujours, il y a la musique vivante et il y a la musique morte. | |
21 avril 2012 : Domdidier, Salle du CO, Concert de Gala de l'Orchestre d'Harmonie de Fribourg (dir. : Jean-Claude Picard; soliste : Caroline Baeriswyl) (posté le 22/04/2012 à 09:49) |
Soudain, des accords japonais d'après Fukushima déconcertent un public atomisé. D'aucun diront que c'est tourmenté, mot magique quand on ne pige rien à la musique moderne et qu'on est un peu mal à l'aise. Mais une journée de promenade autour des fontaines de Rome, quelques piécettes lancées pour porter bonheur et une ribambelle d'ambiances musicales agréables viennent redonner le sourire aux rabougris, à qui un violon survolté, dans une atmophère grinçante et sombre, remet un peu de vague à l'âme quand il rappelle le dies irae et tire un sourire jaune quand les instruments, xylophone et contrebasse, trompette et hautbois, se répondent dans un jeu bizarre, sous la virtuose effervescence du violon. Pour retrouver la sérénité, un deuxième séjour romain est indiqué, sous les pins, dans les aigus des petits oiseaux (ne pas faire la liaison) et dans les catacombes du son caverneux de la clarinette contrebasse. Mais voilà qu'arrive, en grande pompe, un empereur de jadis, glorieux, sur un char doré ou dans un avion à réaction, franchissant le Rubicon du son dans un fortissississimo qui colle le spectateur à son siège et qui fait bondir le petit chef, qui, sans succès, essaie de se faire aussi grand que le tromboniste. | |
14 avril 2012 : Villarimboud, Salle communale, Concert du Choeur de Clarinettes de Fribourg (dir. Jean-Daniel Lugrin; soliste : Margot Corminboeuf) (posté le 15/04/2012 à 14:41) |
Entrons dans le paradis du clarinettiste. Elles sont toutes là, même l'immense clarinette contrebasse, pour prouver, comme si c'était encore à prouver, que la caresse que procure cet instrument aux oreilles charmées est incomparable. Même Vivaldi, qui, en son époque damnée, n'a peut-être jamais connu la clarinette, en est rendu plus suave. Mais c'est dans la sombre ou ironique modernité que la déesse d'ébène se réalise le plus pleinement, ou dans la voltige classique, sous les doigts impressionnants de rapidité d'une Margot époustanflante, rendant limpide le tricot vertigineux des notes à toute berzingue, quand d'autres s'esquintent à se tordre les doigts sans parvenir à dépasser la fatale page 53 de la Klosé, et donnant aux longues tenues de l'andante un souffle à la fois mélancolique et divin. Mais il est temps de revenir sur terre pour y danser une samba, car la clarinette, c'est à la fois la voix des anges et le murmure légers des petits plaisirs. Frappons dans nos mains, moins entraînées que celles des Japonais au Nouvel An, sur la marche de Radeski, pour manifester la joie et l'émotion que seule, avec la voix humaine, procure notre chère amie la clarinette. | |
31 mars 2012 : Cousset, Centre Sportif, Concert annuel de la Concorde de Montagny-Cousset (dir. Jacques Aeby) (posté le 02/04/2012 à 09:54) |
Que sont ces sons sifflants? Les petites flûtes douces et les Emilies esquissent un commencement de musique, qui s'harmonise dans la justesse d'une jeune garde ambitieuse qui n'esquinte ni frère Jacques (Aeby) ni Mahler. Puis, conquérants, arrivent les grands, en fanfare. Les gladiateurs d'Avenches gagnent leur combat avant que la petite suite se fasse romantique, sans se douter que sa veuve sera joyeuse et dansera dans les fleurs une valse tourbillonnante. Après la pause, il y a de l'électricité dans l'air. James : 45 ans de "musique". Trolley : 45 ans de "on est bon". Mais Barbe-Bleue veille sur ses épouses (tiens, où sont passées les mamies? se sont-elles jetées dans la gueule du loup?). Mon oncle, les moustaches au vent et le baryton virevoltant, ou, à choix, la pipe à la gueule et le vélo grinçant, allège l'atmosphère, qui se réélectrise dans un final rythmé par des basses nanouliennes. Bref, c'était bonnard. Trolley a raison : "On est bon!" | |
29 mars 2012 : Genève, cathédrale Saint-Pierre, Brockes-Passion de Georg Philip Telemann, par le Choeur de Chambre de l'Université de Fribourg et la Capella Paterniencis (dir. Pascal Mayer) (posté le 31/03/2012 à 14:48) |
Douleurs insondables de la croix, sur fond de flûte à bec et de voix d'anges. Les mots, bien qu'en allemand, n'épargnent rien, le sang à chaque vers, la souffrance infinie du crucifié, les tourments d'un Pierre honteux et d'un Judas abassourdi par sa propre infamie, la pénitence d'une âme pieuse torturée, les pattes d'ours qui griffent le dos du Christ, les moqueries méchantes de la foule, le monde entier qui sombre dans la nuit et dans l'effroi. La musique, plus modeste, souligne ces mots de furie, tout en rendant agréable aux oreilles l'assassinat d'un innocent. Elle habille de divin l'agonie d'un homme, donne à espérer qu'il est plus qu'un homme, donne l'envie de tout pardonner, même les tournoiements infinis d'un chauffeur de car perdu dans Genève. | |
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