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| Poésie

25 mars 2006 : Paul Eluard, Derniers poèmes d’amour ( Le dur désir de durer, Le temps déborde, Corps mémorable, Le phénix) (posté le 11/11/2008 à 07:50) |
Il y a dans la poésie de Paul Eluard de l'évidence et du mystère. Tout est limpide et pourtant le sens échappe. Quelque chose d'enfantin, un reste des "yeux de ces enfants qui sont nos yeux anciens", une simplicité, des mots de tous les jours. Eluard, c'est d'abord un rythme inconnu, nouveau, limpide, et c'est le corps, le corps de la femme aimée, objet d'un érotisme sobrement sacralisé. Eluard, c'est l'amour dans ce qu'il a de plus concret, de plus vécu, de plus charnel. C'est le couple, l'union improbable réalisée mais aussi détruite par la mort qui fait déborder le temps, qui fait que le poète ne sait plus si c'est elle qui est morte ou si c'est lui. Les mots viennent naturellement. Ils ne disent pas grand chose, juste ce qu'il faut. Ils se collent les uns aux autres, infiniment, toujours les mêmes et toujours surprenants. Le lecteur entre dans part la plus intime d'un homme, celle qui ne se dit pas mais se murmure, il entre dans lui-même, dans les mots qui disent peut-être l'universelle expérience humaine. Mais il ne sert à rien de parler de la poésie d'Eluard. Il suffit de la lire. | |
10 mars 2006 : Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (posté le 10/11/2008 à 18:56) |
Curieux recueil que ces Chants du crépuscule, tantôt politique, tantôt amoureux. S'y côtoient chants à la gloire de Napoléon, vers du genre "Gloire à la France éternelle ! / Gloire à ceux qui sont mort pour elle !", et évocations des émois d'un poète chantant la femme adorée. Tout ça est terriblement dix-neuvième, avec un génie hugolien qui n'apparaît qu'à quelques détours, dans quelques formulations frappantes. Sinon, la versification est ancienne. On n'a pas vraiment l'impression de lire de la poésie, tant les mots n'y sont pas remis en cause, comme le fera toute la poésie moderne, tant la syntaxe y est ordinaire, tant les rythmes y sont réguliers. Pour l'oreille déshabituée à la versification classique, tout ça ne sonne que de manière artificielle. Un gouffre, un profond abîme, pour employer un lexique hugolien, nous sépare de cet univers poétique en gestation, de ces textes qui ne sont même pas Les Contemplations, qui manquent de souffle, et qui ne sont pas Les Fleurs du mal, parce que le poète tel que le concevait Hugo n'est pas, pour nos oreilles modernes, qui sont passées par Baudelaire et surtout Mallarmé, Apollinaire, le vingtième siècle et la mort de la métrique, ce que nous nommons un poète. Pour nous, Victor Hugo est peut-être encore un grand romancier mais il ne peut plus être le grand poète qu'il a été, du moins pas dans Les Chants du crépuscule. | |
20 février 2006 : Victor Hugo, Les Feuilles d’automne (posté le 09/11/2008 à 19:47) |
Lire Victor Hugo, même dans son oeuvre de jeunesse, c'est se confronter à une voix gigantesque, invoquant les éléments, soufflant la guerre de l'ombre et de la lumière, du minuscule et du gigantesque, des abîmes et du ciel, qui se renversent sans cesse, comme dans ces 'Soleils couchants', prélude certes encore timide (ce mot a-t-il un sens quand on parle du bavard par excellence qu'est Victor Hugo?) des 'Contemplations'. Lire Victor Hugo, c'est éprouver la nostalgie d'une époque révolue où l'on pouvait parler, où l'on pouvait encore croire qu'une poésie pouvait ne pas être tout à fait inutile, que le poète pouvait toucher Dieu, prendre sa place, faire joujou avec les gouffres et les montagnes, que Dieu, bien sûr, avait élevées pour lui, pour l'homme de génie, pour le monstre d'orgueil qu'est le poète hugolien, confisquant le monde à Dieu pour le redonner aux hommes plus beau, parce que l'on pouvait encore croire qu'il suffisait de parler pour que les choses soit belles, parce que l'on pouvait encore croire en une harmonie, certes perdue, mais que le poète-prophète pouvait encore reconstituer, parfois, parce que Victor Hugo, c'est aussi la conscience profonde de la vanité de l'homme au sein de la nature, le désespoir jamais définitif, le risque constant pour le poète, à force de rester au bord de l'infini, de tomber dans la fosse à purin. Alors le front du poète, malgré les ailes qui semblent pousser dans son dos, retombe sur sa feuille remplie de vains traits de plume. Après le choc des éléments, la guerre cosmique, voilà la solitude, le pressentiment peut-être d'être le dernier poète touchant vraiment l'univers. Le soleil couchant, après les envolées hugoliennes va redevenir pour le poète désillusionné la mélancolie, et les feuilles d'automne deviendront ces sanglots longs qui blessent mon coeur d'une langueur monotone. Le poète ne changera rien à l'univers: Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête / Je passe, et, refroidi sous ce soleil / Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête, / Sans que rien manque au monde immense et radieux | |
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