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| Spectacles
18 mars 2012 : Payerne, Abbatiale, Georg Philipp Telemann, Brockes-Passion, par le Choeur de Chambre de l'Université de Fribroug et la Capella paterniacensis (dir. Pascal Mayer) (posté le 21/03/2012 à 10:33) |
Les dissonnances sont lentement appaisées par le hautbois baroque. La longue et belle passion peut commencer. Se succèdent les airs et les récitatifs, théâtraux et profonds, virtuoses et touchants, sous les voix sûres, fragiles ou enfiévrées de beaux solistes (mention spéciale pour l'alto, plaisir des yeux et des oreilles...) et ornés par les flûtes voilées de jadis, les entrelacs de violons, les éclats de cors. La retraite de Russie ressemble à la passion du Christ, me dis-je, plongé à la fois dans l'histoire et dans la musique. Nous nous levons soudain. Weg, weg, weg, nein, nein, nein. Nous nous rasseyons. Le Christ meurt, comme les grognards de Bonaparte. Nous ne relevons. Pfui. Les trompettes éclatent. C'est la résurrexion. | |
1er mars 2012 : Fribourg, Le Phénix, Concert de fin d'études de Beat Rosenast, clarinette (posté le 02/03/2012 à 06:45) |
Deux sonates en guise d'amuse-oreille avant que ne se déploie, majestueux et passionné, le quintet avec clarinette de Brahms. Le dialogue amoureux des vents et des bois emmène l'auditeur envoûté en promenade dans quelque sous-bois parfumé de printemps, puis ça s'agite, la tempête la plus violente, celle de l'intérieur, celle du coeur, se lève, emporte tout sur son passage, pour ne garder vivante qu'une clarinette qui chante, sombre, une mélancolie sans fond, qu'un violon tente parfois de consoler. Mais j'en dis trop, ou pas assez : il faut juste écouter et se laisser bercer l'âme par le rare cadeau d'un moment de vraie beauté. | |
24 février 2012 : Baulmes, Hôtel de Ville, concert de Dibouk, musique Klezmer (posté le 25/02/2012 à 09:18) |
Dans la nouvelle salle de Baulmes (n'oubliez pas de tourner à Peney...), visiblement fraîchement rénovée pour accueillir une foule inombrable, une clarinette se lamente malicieusement, cri étouffé d'une souffrance qui a pris ses habitudes. Puis la fête, l'accordéon déchaîné, le violon sautillant ou diablement mélancolique, la contrebasse joyeuse, madame Lamour qui se déhanche, s'empare de la musique dans une frénésie qui conserve, au plus délirant de la noce, le souvenir d'une tristesse, celle, éternelle, du peuple juif. Le Dibouk, l'âme chatouilleuse des morts, s'empare des pieds d'un public qui hésite à se lever et à danser. Un couple, au premier rang, est possédé et se lance dans une cavalcade passionnée. Je me dis alors, mélancolique, que peut-être l'on dansait encore dans le ghetto de Varsovie. Il y a dans cette musique du fond des âges, rescapée de l'enfer, une sensualité, une force de vie, une âme, qui mettent, à n'en pas douter, du Baulmes au coeur. | |
20 février 2012 : Fribourg, Le SousSol, piano-bar avec Sabrina Morand, violon, et Marc Golta, piano. (posté le 20/02/2012 à 08:15) |
Dans l'ambiance tamisée d'un bar un peu trop neuf entrent une violonniste charmante et un pianiste frisé. Mozart grince peu, puis s'établit une ambiance romantique, où le cri du violon se fait plus doux, soupir ou jubilation, berceuse ou mélancolie, frétillements ou ruisseau de larmes. Le violon est l'instrument du brillant tendre, de la tristesse légère et du malheur passionné. Toujours tourné vers le ciel, l'archet prie, scie et oscille, moins profond que le violoncelle, son grand frère plus mûr, plus timide que la trompette, sa cousine plus sûre d'elle. Le charme ne se brise que lorsque la fougue de la note finale vient heurter le projecteur qui allume les discussions apaisées des buveurs qui peuvent enfin faire s'entrechoquer leur verres sans déranger les moments de grâce d'un dialogue avec les dieux. | |
2, 3, 4 et 5 février 2012 : Estavayer-le-Lac, La Prillaz, Cap 30ème du Choeur de mon Coeur (dir. Francis Volery) (posté le 05/02/2012 à 11:13) |
Il en reste encore une, mais il y a déjà tant à écrire... Par où commencer ? Par le fait que, malgré "les batoilles", j'ai échappé au lynchage mais dois néanmoins reconnaître avoir visé juste. Qu'est-ce que ça pipelette chez les soprani (et bien sûr pas un mot chez les basses) ! Laissons s'allumer quelques flashs (en l'honneur de notre valeureux chef d'orchestre) du spectacle, quelques moments d'anthologie, en vrac (comme la tête de bien des chanteurs ce matin) : un orage plus vrai que nature, un poulailler qui fait fuir le renard, la sobriété élégante de quelques "vieux" qui se déglinguent (tu l'as dans l'os, un temps trop tard...), des enfants qui sourient, la transe d'un Queen plus harley que jamais, une floppée de pèdzes qui mènent le bal jusqu'à la fondue (que tous les autres déballent...), Ludo Veth qui agite des rubans en se dandinant, des délires qui se désenchantent, des bougies qui cherchent leurs sémaphores (ou leurs lampadophores, ou bien est-ce des amphores, déjà vidées par les anciens qui se poirotent au bar), des refrains de "love is all" qui ne trouvent pas toujours leurs doum doum, quelques larmes devinées dans les yeux de Francis quand le rideau se ferme sur le coeur du monde, Francis vers qui un merci unanime et ému s'élève, en même temps que refont surface tous les moments magiques de trente ans de folie.
Je ne résiste pas à l'envie d'en faire renaître quelques uns, de ces moments magiques, juste pour le plaisir et la noce-talgie : les bonbons d'un premier week-end à La Roche, où Bigu, après avoir bu la suze (étrange comme ce mot arrive tard dans ce texte...) par le nez, se jette par la fenêtre trois mètres plus bas, les concerts de casseroles dans les dortoirs, toujours à La Roche, le retour en car depuis Lyns, Francis qui dirige "Noël tzigane" sur la tribune et ma trouille de le voir déguiller comme Bigu tout à l'heure, une soirée dans la cave de Yann Corminboeuf où nous avions débouché toutes les bouteilles de rouge pour n'en trouver aucune de buvable, Francis qui donne un départ au bon moment (si, c'est arrivé une fois...), des chantées à n'en plus finir chez Poupoutch, la démarche chaloupée de Guy de la Fontaine pendant les répét' choré, le rideau qui se déchire sur le si puissant "O Fortuna" des Carmina Rock, un Indien, chasseur d'ours au Québec, qui n'a vu de la Suisse que Cousset (le chanceux!), les délires d'un Chapiteau sur l'Ile-aux-Coudres, la danse du marshmallow autour d'un feu de bois, j'en passe (et des pires!).
Mais revenons à nos poulettes qui caquettent. La rioule de ce trentième anniversaire, elle aussi, entrera dans la légende si unique du Choeur de mon coeur, qui n'est pas près de s'éteindre, même si, pour le quarantième, l'entrée des anciens en chaises roulantes et en tintébins risque d'être, dans la plus pure tradition du choeur, épique. Mais il reste un concert, les dernières ressources à retrouver je ne sais où pour que le cap soit passé avec l'énergie d'un lendemain d'hier qui s'assume, comme ces dimanches matin à La Roche où les restes de voix renaissaient miraculeusement des cendres de la suze.
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Voilà. C'est terminé. Brisé de fatigue et, bien plus encore, d'émotion, je me dis qu'il sera difficile de revenir sur terre. Le choeur de mon coeur, c'est la vraie vie. Osons, pour terminer, en guise de mea culpa, un cri du coeur (de mon coeur) : batoillles, je vous aime ! N'arrêtez jamais de babiller, de batailler et de me scier la caramelle ! ça me manquerait, comme me manque déjà, dans le silence d'un dimanche soir de retour à la solitude, vos voix qui chantent "ami, reviens". | |
25 janvier 2012 : Fribourg, Equilibre, Madame Buterfley de Giacomo Puccini (dir. Laurent Gendre) (posté le 29/01/2012 à 15:54) |
Dans Japon d'après la catastrophe, en déséquilibre dans une salle Equilibre parfaite, un Américain fanfaron se marie pour de faux à un papillon. La mariée, naïve, se laisse prendre au filet. Il s'en va. Elle attend. Son enfant est blond. Il revient, marié pour de vrai. Hara-kiri. Intrigue simple, rareté à l'opéra, inracontable par Lapp et Simon. Puccini brode des japonaiseries subtiles et des américaneries faussement pompeuses, mais surtout, il souligne avec justesse le drame intime des personnages, l'attente pathétique et fleur bleue de Cio-Cio San, qui, quand elle ne vibre pas trop, virevolte entre tendresse et désespoir, l'insouciance et le remords de Pinkerton, qui pensait s'amuser et qui détruit, l'embêtement du consul, qui voit tout très vite mais qui ne peut rien faire. Quand la nuit tombe, un murmure au loin offre au public une mélancolie rare, puis le drame est noué, et le papillon s'envole, presque doucement. | |
8 janvier 2012 : Fribourg, le Phénix, Octuor en Fa Majeur D. 803 de Franz Schubert, par des musiciens de l'Orchestre de chambre Fribourgeois (posté le 08/01/2012 à 14:30) |
Tout commence en douceur, pour s'animer, se perdre dans une rêverie douce, s'amuser en de subtiles variations, esquisser un pas de danse légère et s'enflammer dans de sombres trémolos. Le violon chante une petite mélodie ou un grand air, et la clarinette (toujours la clarinette, parce que tout le reste n'est que garniture...) lui répond, chaleureuse ou piquante, toujours noble. Un cor, du fond d'une forêt noire, appelle. Un violoncelle délicieusement boisé répond. L'alto s'apeure. Le basson sourit. Toute la palette des couleurs romantiques peint une fresque délicate, et dessine une caresse à l'oreille qui, surtout quand apparaît le son si beau de la clarinette (ce n'est pas moi qui joue...), est un plaisir divin que Schubert, si inspiré, offre à un public ravi. | |
26 décembre 2011 : Eglise de Charmey, Francis Poulenc, mottets pour le temps de Noël, John Rutter, Gloria, par le Choeur de chambre de l'Université de Fribourg et opus 10 (dir. Pascal Mayer) (posté le 27/12/2011 à 09:16) |
La magie de Noël se prolonge, hors des clignotements et des hordes consuméristes, en pensée avec un hôpital, très loin, très haut. Eclats de cuivres sur envoûtement velouté, suivis de leurs cabrioles glacées, le goût exquis d'opus 10 ouvre l'appétit. Francis Poulenc se nappe de tendre, de mystère et de joie, avant que n'explose, en des décibels tonitruants et en arabesques d'orgue finement ciselées, un gloria trompettueux. Les gens, ennoëlisés, nous accompagnent enfin, dans un dessert pompeux et fervent, entre chant des anges et berceuse finale, autour de cet enfant dignement fêté au lendemain de sa naissance. Voilà la vraie magie de Noël! | |
16 décembre 2011 : Domdidier, Grenier musical, Audition
des élèves de Margot Corminboeuf (posté le 17/12/2011 à 08:20) |
Un petit bout de chou souffle quelques do et
quelques la dans une flûte à bec. Premier pas peut-être d'une grande
carrière... D'autres mimis suivent, et quelques mélodies mignonnes viennent
éveiller les oreilles attentives des parents. Puis les clarinettistes, du plus petit
à la plus grande, se succèdent, tendus mais pas trop, afin de charmer le public
averti de la soirée. Je fait partie des plus petits... Le chant de la forêt
emplit le grenier de bois sans anicroche, ou bien peu, et Margot vient me rejoindre pour
un duo andantino (là, normalement, au cours, elle me demande ce que veut dire
"andantino", et j'hésite,avant de répondre
"de manière modérée, un peu plus animée que andante", sauf qu'au
cours, je n'ai pas le Petit Robert sous les yeux...). Le duo marche bien et c'est
soulagé, presque un peu fier, que je retourne à ma placer écouter mes
petits camarades, qui, dans l'ensemble, se débrouillent pas trop mal. De Mozart
à un Tchaïkowsky très "adju mon by pays", en passant par un gospel un
peu trop batteurisée sur la cassette, quelques promenades plus modernes et des danses
slaves qui déménagent, je passe, grâce à la sonorité si douce de
la clarinette, une heure de charme qui culmine dans un allegro vivace ("allant et vif",
sans le Petit Robert, cette fois, j'espère que je ne me gourre pas et en profite
pour étaler ma science en rappelant que Jean-Xavier Lefèbvre est l'inventeur
de la clé numéro 6) charmant et passionné dans lequel Margot
montre à ses élèves, s'il était encore nécessaire de le
prouver, qu'ils sont entre de bonnes mains, et qu'elle a encore, tant au niveau du son,
de la musicalité et de l'émotion musicale, bien des choses à leur
apprendre. | |
10 et 11 décembre 2011 : Fribroug, Temple, Vevey, Eglise catholique, Francis Poulenc, mottets pour le temps de Noël, John Rutter, Gloria, par le Choeur de chambre de l'Université de Fribourg et opus 10 (dir. Pascal Mayer) (posté le 12/12/2011 à 18:35) |
Noël cuivré à sonner tendrement ou avec clinquant, la fête, entre choeur et fanfare, éclate. La danse autour des tambourins remonte aux temps renaissants et sautille, puis l'enfant est bercé doucement par le baryton de tonton Hubert. Le petit se réveille en mélodie, dans un Bach presque romantique, puis est enlevé, pour rire, par un Père Noël yankee. Nous arrivons, en harmonies délicates, dans des Poulenc toujours imparfaits mais à l'atmosphère apaisée d'un lendemain de fête sans gueule de bois. Tout s'électrise et se rythme alors dans un Gloria qui enchaîne pompe et tintinabulement d'orgue, méditation pas trop baissante et fugue en syncope. C'est sûr, maintenant : ces airs ravis sont l'annonce d'un Noël glorieux qui se laisse chanter en triomphe par une assemble heureuse de s'envoler vers un jour brillant comme le son d'une trompette jouée par un ange. | |
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