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2 mars 2007 : Jacques Semelin, Sans armes face à Hitler (posté le 23/12/2008 à 17:05)
Un pas en avant, indéniablement, un pas vers la sortie du moralisme instantané de ceux qui n'étaient pas nés. Résister ou collaborer, que choisir ? Semelin montre que la question n'est pas là, parce qu'une fois que l'on a choisi de résister, qu'est-ce qu'on fait, sans armes face à Hitler et à ses chiens ? On ne choisit pas de résister, on devient résistant à petits pas, chacun à sa façon, car il n'est pas nécessaire d'être saint pour résister. Tout à coup, trop c'est trop, des individus n'acceptent plus une violation particulière de leur identité. Ils se regroupent pour se défendre, pour survivre dignement, comme ces enseignants norvégiens, ces médecins néerlandais ou ses épouses de Juifs allemandes qui cessent de se laisser faire parce qu'avant, on ne touchait pas encore directement à leur être profond, parce qu'avant, la répression faisait peur. Alors s'élaborent des stratégies bricolées, alors on cherche à élargir la contestation en s'appuyant sur des institutions, l'Etat, si celui-ci garde une légitimité par l'exil ou le refus de collaborer (car la résistance est un phénomène dialectique, impossible de savoir qui commence, mais une fois que le processus est engagé, il devient difficile de le stopper), les Eglises, les partis politiques (un peu négligés dans ce livre, peut-être). Le jour où l'opinion bascule, le jour où ceux qui s'étaient résignés reprennent espoir, le jour où résister, ça ne signifie plus se marginaliser, le jour où les poules mouillées font quand même un petit geste contre l'occupant, c'est gagné, les nazis perdent les pédales (parce qu'ils savent aussi que la guerre est perdue). Bien sûr, c'est une fois que les opinions publiques ont basculé que la répression est la plus ignoble, que les Allemands sont pris de panique et de folie destructrice au carré, mais la résistance, surtout quand elle est symbolique, parvient à saper les fondements de la tyrannie qui s'écroule malgré la force des armes parce qu'elle contient en elle la nécessité de sa propre destruction. N'idéalisons cependant pas la "résistance civile". Sans l'intervention militaire des alliés, elle n'aurait sans doute pas pu se développer, parce que, le dicton est ici plus vrai que jamais, l'espoir fait vivre.
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27 février 2007 : Werner Rings, Vivre avec l’ennemi, 1939-1945 (posté le 23/12/2008 à 17:01)
Un livre de plus sur la collaboration et la résistance, qu'en faire ? Bien sûr, des faits se clarifient (je prends confiance pour l'examen, qui fausse la lecture en lui donnant un but anecdotique). Bien sûr, une typologie est esquissée, et est d'ailleurs, me semble-t-il, contestable, parce que voulant tout mettre soit sous l'étiquette collaboration soit sous l'étiquette résistance parlant par exemple de "collaboration tactique" pour un phénomène qui relève de la résistance. Le problème de ce bouquin vient sans doute du fait qu'il prend pour point de départ de son classement tantôt l'intention tantôt le résultat des actes. La "collaboration neutre", par exemple, ça signifie quoi ? Que les industries qui se fond des ronds avec l'Allemagne le font sans s'engager ? Coupons court aux critiques. Je n'ai pas une typologie plus judicieuse à proposer. Retour à la question initiale : que faire de ce livre ? que retenir ? Des détails. Loin des chiffres de l'atlas lu l'autre jour, il y a là des exemples, des flashs, des zooms sur des moments significatifs qui parlent plus que la typologie. Un exemple ? (Je ne retrouve pas la page, je vais donc enlever la patine et le pathos de l'histoire vraie). L'ambassadeur d'Allemagne aux Pays-Bas (ou en Norvège ?), devant annoncer l'attaque allemande, n'y parvient pas, assailli par les larmes. Encore un détail : tout à l'heure, je lis avec l'effroi qui sied à la situation la description de l'insurrection du ghetto de Varsovie, puis je lève la tête. Au bout d'un rayon de la bibliothèque d'histoire et de théologie, je vois un bouquin intitulé Judaism qui me fait prendre conscience de la réalité : ce bouquin aurait très bien pu ne pas être là. Il n'est là, à trois mètres de mon regard, en moi, que parce qu'Hitler a perdu la guerre à temps. Et ce n'est qu'un livre.
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23 février 2007: Richard Overy, Atlas historique du IIIe Reich (posté le 23/12/2008 à 16:51)
Que dire de plus? A force de lire l'histoire du nazisme, elle se banalise. Je lis des horreurs mais elles me passent par dessus la tête. Des statistiques effrayantes et des tableaux de chiffres incroyables défilent, je lis, je referme le bouquin en me disant que je suis bientôt prêt pour l'examen et que mes études sont bientôt terminées. L'histoire arrondit les angles. La réalité si proche du nazisme (des gens qui l'ont vécu vivent encore, figurez-vous ça) devient fiction, se fige. Au détour d'une photo, d'un chiffre ou d'une phrase, on se dit "quelle horreur !" puis on (je) se dit qu'il serait quand même temps d'aller dîner et que c'est vendredi, que ça va, j'ai assez bossé cette semaine. Comment ne pas oublier ? Comment se sentir concerné ? Questions insolubles pour tout historien, tragédie (parce que pas vécue comme telle) pour l'historien du nazisme, dont la connaissance même de l'horreur est la cause de son (mon) indifférence. Et l'on se surprend à envier les soldats soviétiques entrant à Auschwitz, découvrant dans sa plus pure et abjecte brutalité les corps squelettiques entassés, les odeurs nauséabondes de cadavres brûlés, et tout ce qui pour nous n'occupe que les livres d'histoire. Que faire ? En faire de l'art ? Sacraliser ? Hélas, sacraliser et banaliser vont de paire. Nous n'avons pas le choix (j'écris dans le vide, seuls les livres d'histoire, les chiffres, les photos, les descriptions chirurgicales de l'horreur disent quelque chose), il faut à chaque fois lire l'horreur du nazisme comme si nous l'avions oubliée. Et il ne faut jamais l'oublier.
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14 février 2007 : Ian Kershaw, Qu’est-ce que le nazisme ? (posté le 23/12/2008 à 16:45)
Loin de répondre à la question posée par son titre, cet ouvrage permet à son lecteur de se poser les bonnes questions sur une période de l'histoire particulièrement problématique, puisqu'elle est constamment menacée par deux maux opposés, la banalisation et la sacralisation. Ce que tente Kershaw, ou plutôt ce qu'il esquisse, c'est une synthèse des multiples et contradictoires interprétations du nazisme, de la structure de ce régime, de ses rapports à l'économie et surtout du rôle qu'y a joué Hitler, dont le texte montre bien le rôle crucial sans pour autant réduire le nazisme à l'hitlérisme. Hitler, s'il donne, par son idéologie et par sa propagande dont on peut encore voir les échantillons dans ces discours aboyants qu'on nous montre parfois à la télévision, les buts et fondements de la politique nazie, ne prend que très peu de décisions. Il galvanise puis il laisse faire. Hilter a-t-il donné lui-même l'ordre d'exterminer les Juifs ? Il est bien difficile de répondre à la question. Aucun document ne le prouve. Cependant, il a clairement joué un rôle de prophète en déclarant que les Juifs allaient disparaître d'Europe avant de laisser faire les Einsatzgruppen qui massacraient tout sur le front de l'est. Une fois le génocide mis en route, il n'avait plus qu'à donner une légitimité à ce qui avait déjà lieu. Fonctionnement terriblement pervers, s'il en est, puisqu'il décharge tout le monde de sa responsabilité morale, Hilter parce que ça n'est pas directement sous son ordre que se fait le génocide, et les massacreurs, qui s'appuient sur la volonté du chef charismatique pour accomplir des horreurs inconnues jusqu'à ce jour. Je me plaignais plus haut de ne pouvoir évoquer cette période de l'histoire que sous son aspect moral. Kershaw répond en partie à ce problème en soulignant que cet aspect est central, que toute recherche sur le nazisme doit avoir pour point de mire Auschwitz, que l'on ne peut pas parler de la vie quotidienne sous le nazisme, même dans ces aspects "normaux", sans avoir à l'esprit, que pendant que la vie continue, que la modernisation de l'Allemagne se poursuit, des millions de personnes sont massacrées au nom de théories racistes et expansionnistes. C'est même en essayant humblement de comprendre comment ont pu coexister l'horreur et la banalité que l'on s'approchera du but non négociable de l'étude historique du nazisme, que cela ne se reproduise pas.
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5 février 2007 : Gilbert Badia, Ces Allemands qui ont affronté Hitler (posté le 22/12/2008 à 20:45)
Brosser le portrait de la résistance allemande au nazisme n'est pas facile, car celle-ci est fractionnée, fragile, sans cesse exterminée puis renaissante, bref la résistance allemande, en tant que phénomène unitaire, ça n'existe pas. Il existe pourtant des résistants et ils sont nombreux, mais face à eux il y a le monstre, un régime criminel (le mot est faible) soutenu par un peuple manipulé et complice. La résistance allemande, c'est un peu la chèvre de monsieur Seguin, qui lutte toute la nuit pour finalement se faire dévorer par le loup. Des hommes et des femmes, de tous les milieux (même si ce livre appuie un peu fortement sur la résistance communiste), mettent leur vie en péril au nom de valeurs. Malgré l'impossibilité de la tâche, on agit quand même. On loupe, bien sûr, Hitler ne sera jamais assassiné et le peuple ne se révoltera jamais contre lui, mais l'honneur est sauf, souvent tardivement, après s'être fait prendre au piège, mais qu'importe, tout le monde ne s'est pas rétracté, même lorsque les horreurs des nazies ont été connues. Les résistants allemands auront toujours été isolés et c'est le grand mystère de cette période. Comment se fait-il que les Allemands, dans leur immense majorité, aient pu suivre aveuglément les paroles d'un homme qui ne distillait que la haine ? Comment la résistance à Hitler a-t-elle pu être si faible ? Pour répondre à cette question, il faut que je prenne la mesure (la démesure hélas) de ce qu'a été le nazisme, de sa force de rassemblement prodigieuse et de la terreur qu'il a suscité. Mais peut-on mesurer l'incroyable ? Non, mais il le faut.
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22 janvier 2007 : Jean-François Muracciole, Histoire de la résistance en France (posté le 22/12/2008 à 20:40)
Puisque la question m'est posée et qu'on va sans doute bientôt me la reposer, tâchons d'y répondre. A propos de la résistance en France, que sais-je ? Première constatation : elle n'est pas simple, la résistance. D'abord, puisqu'il faut en faire l'histoire pour la comprendre, elle est multiple. Des gens, d'horizons divers, n'acceptent pas l'armistice. Le 18 juin 1940, un obscur général, De Gaulle, depuis Londres, appelle les Français à résister aux envahisseurs allemands et à l'illégal gouvernement de Vichy. Cet appel n'est pas entendu mais De Gaulle n'est pas le seul à avoir l'idée de la résistance. Se créent petit à petit des mouvements qui font de la propagande contre l'armistice tout en ne condamnant pas tout à fait Pétain, que l'on soupçonne, de plus en plus à tord, de faire double jeu. Des militaires créent des réseaux, cachent des armes, etc. Tout cela reste longtemps marginal, mais l'on sent, dans la population, au fur et à mesure que la guerre avance, que les Allemands ne sont pas invincibles. Le nombre de résistants augmente, etc. On commence à penser à l'efficacité. On cherche à réunir les forces éparpillées. On accepte avec mille réticences de se mettre sous les ordres (de loin pas toujours respectés) de De Gaule. Les résistances deviennent la résistance, même si chacun veut tirer la couverture de son côté, à commencer par les communistes, qui feraient bien, comme c'est leur habitude, une petite révolution prolétarienne une fois la France libérée. A la libération pourtant, même si les forces résistantes intérieures jouent un rôle militaire non négligeable, ce ne sont pas les résistants mais les anciens partis de la IIIe République, honnis autant par la résistance que par Vichy, qui reprennent le pouvoir. Un pet dans l'eau, me direz-vous ? Loin s'en faut. La résistance, malgré toutes les faiblesses, les divisions, les mesquineries, les échecs, c'est ce qui fait que la France ne s'est pas totalement prostituée lors de l'invasion des barbares nazis. La résistance, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui les Français, plus facilement que les Allemands (même si, et c'est ma prochaine lecture, il existe une résistance allemande), peuvent se regarder dans la glace et ne pas se couper en se rasant. La révolution voulue par la plupart des résistants n'a pas eu lieu parce que la révolution, c'était Vichy qui la faisait, à plat ventre devant Hitler. Les résistants n'étaient peut-être pas tous des héros mais les collaborateurs n'étaient pas tous des monstres. Reste la question centrale : qu'est-ce qui fait qu'un homme, n'importe lequel puisque les résistants comme les collaborateurs sont issus de tous les milieux sociaux, politiques ou religieux, un jour, décide de risquer sa vie ? Corollaire de cette question : et moi, qu'aurais-je fait ?
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19 janvier 2007 : Robert O. Paxton, La France de Vichy, 1940-1944 (posté le 22/12/2008 à 17:55)
Comment écrire sur un livre d'histoire, au delà de l'examen qui se rapproche à (trop) grands pas ? Je dois bien avouer que je ne suis pas content de ce que j'ai pondu ci-dessous, que ne faire qu'une lecture moralisante de la sombre période de la deuxième guerre mondiale ne mène pas bien loin. Soyons plus modeste et résumons, pas trop bêtement, la thèse de Paxton, sa lecture informée du régime de Vichy. Qu'est-ce donc que Vichy ? C'est d'abord (en apparence) un homme, le maréchal Pétain, vieillard salvateur d'une France en état de choc après une défaite cuisante, qui confirme tout le mal qu'on pensait un peu partout de la vieille IIIe République, même si la défaite française s'explique plus par des erreurs stratégiques de militaires que par des erreurs politiques (Clémenceau, représentant de cette IIIe République honnie qu'il serait intéressant d'étudier n'est plus là pour dire : "La guerre est une chose trop sérieuse pour la confier à des militaires"). Vichy pourtant ne se résume pas à l'épouvantail Pétain. Vichy, c'est une tentative de plus en plus désespérée pour garder face à l'occupant allemand un semblant toujours plus illusoire d'autonomie. Paradoxalement, plus la France, et ce personnage pathétique et sinistre de Laval, cherche à conserver son indépendance, plus elle se met à la botte des nazis, qui la considère non comme un partenaire, ce dont rêvent les flatteurs vichystes, mais comme un vaincu, une sorte de yo-yo avec lequel on joue comme on veut. Pour être indépendant, il faut collaborer. Il faut que la police française fasse du zèle, qu'elle fasse mieux que la Gestapo. Mais Vichy, c'est aussi une révolution culturelle. Pétain ne se contente pas de gérer la France. Il y instaure un système dictatorial qui se base sur des valeurs bien françaises, le travail (qui, un peu plus à l'est, rend libre, c'est-à-dire mort), la famille, la patrie, l'agriculture (en apparence), l'Eglise, et qui, à l'instar des nazis, se trouve des boucs émissaires, les Juifs, que l'on contribue à exterminer surtout s'il sont étrangers, les francs-maçons, les politiciens de l'ancien régime honni, etc. Bref, alors que l'Allemagne ne demande rien, la France fait du zèle et se voit obligée d'en faire de plus en plus, et d'instaurer finalement un régime de terreur. Et les Français de base, dans tout ça ? Ils se laissent avoir au début par le culte du chef, si rassurant après le choc, ils se laissent bercer un moment, certains plus longtemps que d'autres, puis le régime perd sa base populaire, la résistance s'organise, on se réveille, bien tard semble-t-il. Les dirigeants de Vichy ne voient pas la nature véritable du nazisme, la monstruosité des crimes que les hommes d'Hitler commettent, ils ferment les yeux et se rendent complices du massacre des Juifs, holocauste nécessaire (le génocide des Juifs d'Europe ne doit pas être nommé "holocauste" ou "shoa", surtout pas, car c'est sacraliser ce qui n'est rien d'autre qu'un massacre) à redonner au monde en décadence une pureté, certes pas, pour Vichy, celle de la race, mais celle des valeurs "naturelles" qu'ils contribuent à déconsidérer, en en faisant les instruments d'une tyrannie certes soumise à l'envahisseur, mais volontairement soumise. Heureusement d'autres, lentement, vont résister et ce sont les valeurs des résistants qui vont l'emporter. Ces valeurs, d'ailleurs, parfois, ne sont pas très éloignées de celles de Vichy ; ne regardons surtout pas l'histoire comme une série de tables rases. Les vichystes, sous une forme différente, survivent, et leurs vieilles idées pourries peuvent ressurgir métamorphosées, en bien parfois, en mal aussi, mais me revoilà dans une lecture moralisante de l'histoire, alors même que je ne parviens pas à déterminer quelles sont mes propres valeurs. Posons donc une question plus générale pour finir et pour pouvoir commencer à penser Vichy : comment établir le lien entre la morale, au sens philosophique du terme, et l'histoire, qui par sa complexité, échappe, à première vue, à toute lecture par trop moralisante ?
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10 janvier 2007 : Yves Durand, Le nouvel ordre européen nazi, 1938-1945 (posté le 22/12/2008 à 17:49)
Sombre époque s'il en est, l'occupation allemande de l'Europe entière (presque, bien sûr, la Suisse y échappe, presque) est évoquée ici dans sa complexité. Tous les pays envahis ne collaborent pas de la même façon, les nazis sont plus "indulgents" à certains endroits qu'à d'autres, etc. La distinction entre collaborateurs et collaborationnistes tient-elle le coup ? Pour l'historien, sans doute. Pétain n'est pas un nazi. Quisling en est un. Cela ne change pourtant pas grand chose. Pétain, du début à la fin, se soumet à Hitler, le suit dans les pires horreurs même quand rien ni personne ne l'y oblige. Les autres chefs d'Etats font de même et portent donc une part de responsabilité dans le déshonneur de l'Europe. Certes il existe des nuances, des gouvernements qui, même envahis, parviennent à résister, tout en admettant paradoxalement leur soumission aux Allemands, comme c'est le cas au Danemark. Certes quand le vent tourne en défaveur des nazis, les collaborateurs collaborent moins docilement et il faut faire appel aux collaborationnistes, aux plus ignobles méthodes de répression contre les populations prises en otage. Cependant, force est de constater que le nazisme, qui, vu d'aujourd'hui, est un système politique indéniablement infect, absurde et mégalomane, est toléré, plus de gré que de force, par l'Europe dans sa plus grande majorité. L'ampleur de l'échec de la civilisation européenne à ce moment de l'histoire est proprement renversante. Deux mille ans de christianisme, de blabla sur l'amour d'autrui, des millions d'ouvres d'art saisissantes de beauté, tout ce qui avait fait le prestige de l'Europe se retrouve ("re" est nécessaire, puisqu'il y avait déjà eu la première guerre mondiale) sujet au soupçon. Tout ce que l'on avait cru si bon et si beau a aboutit à cette horreur. Faut-il donc tout renier, en se rendant soudain compte que l'Europe a pillé le reste du monde, qu'elle n'a cessé durant sa longue histoire d'être divisée par un nombre saisissant de guerres, que le christianisme n'a rien pu faire contre et qu'il a même attisé le feu par des ignobles individus comme Monseigneur Tiso en Slovaquie ? Faut-il vomir l'Europe ? La réponse donnée après guerre à ces questions est, et c'est un miracle, non, parce qu'il y a eu des résistants, parce que l'on a accepté la décolonisation (non sans provoquer des guerres, hélas) et parce qu'aujourd'hui, et c'est une vraie renaissance de l'Europe, vingt-sept pays, soit une partie toujours plus importante du continent de la honte, se sont unis afin que jamais plus les vieux démons de l'Europe ne viennent la hanter. Seule la Suisse croit encore qu'elle a échappé à la guerre. Seule la Suisse refuse de s'unir au destin commun de l'Europe unie par la démocratie contre la violence inouïe dont elle a été coupable et victime (les deux en même temps). Seule la Suisse vit comme s'il ne s'était rien passé entre 1938 et 1945.
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16 novembre 2006 : Claude d’Abzac-Epezy, La Seconde Guerre mondiale (posté le 09/11/2008 à 22:38)
Parallèlement au cours sur la résistance et la collaboration pour lequel j'ai été amené lire cette courte synthèse de la Seconde Guerre mondiale, il me semble nécessaire de sortir ici de l'étude strictement historique (celle-ci est sans doute d'ailleurs impossible) de ce conflit pour en penser l'impact incommensurable sur le monde d'hier et surtout, car tout ça est si récent, sur celui d'aujourd'hui. La Seconde Guerre mondiale bouleverse totalement la pensée occidentale, celle du progrès linéaire des positivistes et des communistes. Elle montre que le progrès technique le plus raffiné peut (doit ?) aboutir à la destruction la plus totale du monde (même si la reconstruction de l'après-guerre est un phénomène au moins aussi surprenant que le conflit lui-même). Ce que montre aussi et surtout la Seconde Guerre mondiale, c'est que la violence humaine n'a pas de limite, que la pensée haineuse peut (doit !) aboutir à des horreurs dont on ne saisit pas encore et dont on ne saisira jamais la portée. C'est pourquoi il est nécessaire à l'humanité entière de lire et relire, d'interroger et de regarder avec le regard le plus perçant possible ce ground zero bien plus dévastateur que celui de 2001. Le monde, depuis 1939-1945, est en convalescence. Il est même sans doute encore sous le choc, car la Seconde Guerre mondiale, comme son triste nom l'indique, c'est le premier (ou le deuxième, car on oublie trop souvent la Première Guerre, hélas) phénomène véritablement mondialisé. La mondialisation, ne l'oublions pas, naît de la guerre ; l'essor phénoménal des Etats-Unis et de leurs technologies, les Trente Glorieuses, la conquête spatiale, tout ce qui fait que le monde d'aujourd'hui est en croissance, trouve son origine dans le plus ignoble des conflits, dans ce conflit qu'il faut sans cesse étudier pour que la mondialisation, paradoxalement, s'éloigne le plus possible de ce qui l'a fait naître. Désormais, malgré la paix durable (si courte pourtant à l'échelle de l'histoire) qui s'est installée en Europe, les humains, tous les humains sans exceptions, sont les enfants de la guerre et doivent tout faire, s'il veulent survivre, pour ne pas retomber dans les bras de leur ignoble marâtre. Les humains doivent se souvenir de la Seconde Guerre mondiale pour ne pas oublier qu'il suffit d'une étincelle pour mettre le feu au baril, que partout dans le monde aujourd'hui, il peut, n'importe quand, se produire un événement apparemment anodin mais rendant possible un embrasement total, pire encore, parce que la technologie issue de 1939-1945 s'est gigantesquement développée, que l'horrible fondement du monde dans lequel, qu'on le veuille ou non, nous vivons.
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