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          | Roman

21 octobre 2010 : Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes (posté le 22/10/2010 à 10:46)

Un pavé balzacien, ça contient forcément des longueurs. Il veut trop tout dire, tout expliquer, tout maîtriser. Fort heureusement, il y a les personnages, à commencer par Jacques Collin, alias Vautrin, alias Trompe-la-Mort, alias l'abbé Carlos Herrera, le roi des forçats qui, par amour pour son protégé le faible Lucien de Rubempré, tourne sa veste. Balzac, c'est un monde complet, avec ses hauts et ses bas, sa pègre et ses duchesses, qui bien sûr se ressemblent comme deux gouttes d'eau; c'est une société dont tous les rouages sont décortiqués, démystifiés, scrutés; ce sont des personnages broyés par la société ou, quand ils sont des Trompe-la-Mort, qui venge la société. Autre bémol pourtant : le sentiment de lire du Victor Hugo sans le souffle. Quand Balzac évoque la peine de mort ou parle l'argot, on n'y retrouve pas, alors que c'est le même monde à la même époque qui sont décrits, le cri d'Hugo, son emphase, son indignation, sa présence. Balzac est extérieur, narrateur omniscient d'un monde dont il se veut le descripteur pas tout à fait froid, mais non engagé. Hugo entre de plein pied dans ce monde, devient le condamné à mort, entre dans la tempête du crâne du forçat et dans l'amour niais et sublime du poète. Balzac laisse donc un peu sur sa faim le lecteur romantique.

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11 août 2010 : Jerzy Andrzejewski, Sautant sur les montagnes (posté le 12/08/2010 à 11:08)

Le bouquiniste ne m'a pas arnaqué. Ce roman introuvable vaut la peine d'être lu. Un vieux peintre de génie est ressucité par une jeune femme végétale, et le tout Paris, décrit avec férocité et éclat de rire, se prépare pour le vernissage du vieux bouc. Tout est grandiloquent, suintant le sacré profané, virevoltant. Les nombreux personnages se font échos pour aboutir à l'apothéose, Antonio Ortiz (Pablo Picasso, bien entendu), monstre sacré, dieu redescendu sur terre, satyre pas encore sénile, quatre-vingts ans, et à son égérie, jeune femme inconsistante, faire-valoir mou, chair à peinture qui réveille la frénésie sans rien faire, et qui devient, dans l'étrange scène finale, la sacrifiée d'un rite macabre dont on ignore s'il n'est pas, cette fois pour de bon, la mort réelle du génie.

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3 août 2010 : Raymond Queneau, Zazie dans le métro (posté le 11/08/2010 à 14:44)

Dans le TGV pour Paris, je lis Zazie, récit farfelu à la Queneau, personnages qui ne sont que leurs paroles ("Tu causes, tu causes, c'est tout ce que tu sais faire", dit toujours Laverdure, dont je me rends compte très tard qu'il est un perroquet). L'enfant Zazie, au langage très soutenu ("soutenu mon cul") se fait balader dans Paris par un oncle danseuse dans une boîte d'hormosessuels et par un policier-satyre. Toute une clique se joint à eux : touristes subjugués, rombière amoureuse, serveuse de bistrot, etc. Bref, ça part dans tous les sens, et les mots se défont : "Doukipudonktan", "l'egzistence"; ils "charabiaïsent à kimieumieu". Plaisir de lecture sans chichi. Seule la dernière réplique de Zazie donne un peu à réfléchir : "J'ai vieilli".

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28 juillet 2010 : René Fallet, Un idiot à Paris (posté le 28/07/2010 à 17:02)

Sympathique roman, bien écrit, succulent à souhait, pour préparer un séjour parisien pas trop bredin. Les aventures de Goubi font sourire. L'idiot du village, qui croit que son père est Clémenceau et qu'il est enceinte, tout le monde cherche à en faire le dindon de la farce, mais voilà, la farce se retourne. Paris visité par l'innocent montre ses vrais bredins, beatnik hillarants qui vénèrent le simple Goubi, étudiant en imbécilité qui fait douter du lieu de l'idiotie, grande bourgeoise salope qui rêve de se taper un benêt. La ville lumière (qui n'a rien de lumineux, vu que tout le monde ou presque est désagréable avec le pauvre perdu) montre aussi ses richesses cachées, une putain heureuse de rencontrer enfin un homme gentil, un évadé d'HLM qui rêve de campagne, un petit clodo qui prête sa piaule. Soudain : l'amour. La putain se fait femme de grande vertue;le bredin se lave et tente, avec un surprenant succès, de devenir un homme normal. Retour triomphal. Bêchons notre jardin en faisant semblant de ne plus être tablard. Presque décevante, cette fin... On l'aimait mieux bredin, Goubi, quand il se prenait pour André Verschuren en tapant sur son bidon et qu'il parlait aux oiseaux.

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26 juillet 2010 : George Orwell, 1984 (posté le 26/07/2010 à 21:00)

Totalitarisme poussé jusqu'au bout de sa logique, roman de l'anéantissement de la pensée, 1984 fait froid dans le dos. Certes l'utopie à l'envers n'est pas réaliste, mais le lecteur croit jusqu'au bout qu'il est possible que Winston résiste, qu'il conserve un semblant d'humanité (si ce mot veut dire quelque chose). Non. Finalement, il aime Big Brother, et il est heureux de l'aimer. Tout n'a été que manipulation, ses amours libérées avec Julia, l'espoir d'une fraternité secrète, le retour vers un passé non réécrit. C'est même au moment où il croit découvrir la vérité que la police de la pensée (existe-t-elle aujourd'hui?) dévoile la supercherie et que l'ami O'Brien montre son vrai visage monstrueux, odieux, insensé. Le mérite du roman est sans doute de montrer par l'absurde que la privation de la liberté est le pire mal que l'on peut provoquer mais que c'est seulement grâce à la privation de la liberté de l'autre que le pouvoir sur lui est possible. L'amour, quand il est celui pour Julia et non celui pour Big Brother, n'a donc rien à faire avec le pouvoir.

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11 juillet 2010 : San-Antonio, Emballage cadeau (posté le 11/07/2010 à 21:04)

L'été arrive, les grandes chaleurs, les vacances, la piscine... Donc arrive aussi San-Antonio. Comme chaque année, je m'en tape un, histoire de marquer le coup, et pour marquer le coup, le coup est marqué. Toujours le même plaisir de lecture, sans prise de tête, la bamboula des mots, une intrigue invraisemblable, des personnages adorés (ah, Béru...) et les moments incontournables, la scène gauloise, morceau de bravoure obligé, virtuosité gaillarde, cerise sur le gâteau. Lire un San-Antonio (celui-là ou un autre, peu importe, celui-là est moyen, c'est-à-dire excellent), c'est comme manger une salade de cervelas : on sait que ce n'est pas bon, mais on en salive quand même; et le plaisir est à chaque fois total. A ne pas bouder. Le pire, c'est que l'auteur lui-même le sait, ce que je viens d'écrire, que ce qu'il pond n'est pas à proprement parler (il écrirait à "salement parler") de la grande littérature, et le meilleur, c'est qu'il le revendique, qu'il en use et abuse pour notre joie la plus parfaite.

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2 juillet 2010 : Abbé Prévost, Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut (posté le 03/07/2010 à 00:40)

Sentiment de distance. Les classiques ne le sont jamais, parce qu'ils nous sont étrangers. Qu'est-ce que c'est que ce monde où l'on tombe amoureux éternellement en un regard et où un homme qui n'a plus d'argent ne pense pas même une seconde à en gagner en travaillant? C'est notre passé. Il est cependant difficile d'entrer dans ces aventures exagérées, dans ce romanesque téléphoné, dans cette société dont les codes nous échappent. Bref, lire Manon Lescaut, c'est exotique. Bien sûr, on peut se poser des questions qui font écho : jusqu'où un homme est-il capable d'aller par folie amoureuse? doit-on faire confiance à une femme qui nous a trompé? l'argent fait-il le bonheur? Exotisme et universel, peut-être est-ce ceci la formule des "classiques". Je suis des Grieux parce, comme lui, j'ai pu entrevoir ce qu'est la passion amoureuse, et je ne suis pas des Grieux, parce qu'aucune des aventures qu'il a vécues n'aurait pu m'arriver. D'où sans doute cette légère déception...

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17 juin 2010 : Philip Roth, La bête qui meurt (posté le 17/06/2010 à 12:06)

Un vieux prof d'université tombe amoureux des seins d'une de ses étudiantes. On aurait pu craindre le gros cliché. On y échappe, car derrière l'obsession sexuelle, le libertinage inconscient et la libération des moeurs, se cachent des fêlures. Le narrateur voit le temps qui passe et qui l'éloigne de la jeunesse de ses conquêtes. Il voit son fils, qui le hait et qu'il a rendu malheureux parce qu'incapable de s'identifier au père aimant qu'il n'a pas su être. Il voit son ami libertin mourir en voulant déshabiller sa femme (en la prenant pour une autre?), et surtout, il voit sa déesse, cette Consuela dont il a adulé le corps parfait au point d'aller jusqu'à boire le sang de ses règles, perdre ce qu'elle a de plus beau, ses seins, dans le cancer. Tantôt cru, tantôt profond, tantôt scandaleux, tantôt tendre, tantôt pensant, tantôt charnel, ce roman offre une palette d'une grande richesse. Il m'a fait penser à Kundera, en mieux, en plus facile à lire, en plus direct, en plus américain.

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6 juin 2010 : Paul Auster, Dans le scriptorium (posté le 06/06/2010 à 19:21)

Roman pour romanciers? Un vieil homme est enfermé. Des personnages (le mot compte) lui rendent visite, ils lui en veulent, il ne sait pas pourquoi. On lui demande de lire un roman inachevé. Il en invente la suite. Puis d'autres personnages (les siens, on commence à le deviner) entrent. Lui se croit enfermé. Il est livré à lui-même, sans mémoire, à la merci de ceux qu'il a créés comme ceux qu'il a créés étaient à sa merci. Et le voilà lui-même personnage de roman. Tout recommence, à l'envers. Ambiguité de l'écriture, aller-retour entre réalité et fiction, le roman marche. On aimerait y croire. On sait que c'est une illusion. Méta-roman réussi, mais la question demeure : roman pour romanciers? Sentiment d'une certaine stérilité.

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21 mai 2010 : Xavier de Maistre, Voyage autour de ma chambre (posté le 21/05/2010 à 16:38)

L'idée est bonne, un roman qui ne se déroulerait qu'à l'intérieur d'une chambre, pour montrer la toute puissance de l'imagination, de l'âme, sur le corps, la bête. Un homme est assigné à résidence pendant quelques semaines, c'est ce qui est réellement arrivé à l'auteur, et il décrit son monde, son serviteur bouche bée, son chat, son fauteuil, ses peintures et, lieu de toutes les aventures et de tous les voyages, sa bibliothèque. Le roman, inspiré par Sterne et par Diderot, part dans tous les sens, il se veut débridé, frétillant, digressif. Le fil des pensées et de la parodie est brisé sans cesse par des réflexion tantôt attendries, tantôt plaisantes. Hélas, on ne trouve pas la virtuosité des prédecesseurs, l'humour anglais par exellence de Sterne, la vivacité d'esprit de Diderot ou de Voltaire, et la lecture, courte, est assez vite lassante. Elle est cependant inspirante, et, pour en revenir à l'idée (énonçons-la : "la liberté est dans le mouvement de l'esprit, pas dans celui du corps"), elle me parait assez riche pour être reprise. Et si c'était un enfant qui se retrouvait enfermé dans sa chambre, quel serait son voyage? A découvrir bientôt, en musique...

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