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| Roman

7 mai 2010 : Philippe Claudel, la petite fille de Monsieur Linh (posté le 07/05/2010 à 17:33) |
Impression mitigée. Roman gentil d'un gentil vieux paumé dans un monde hostile? Peut-être. Roman sur l'amitié au delà des mots, avec ce gros Bark qu'il ne comprend pas (mais qu'en fait il est le seule à comprendre, bien sûr). Roman sur l'exil, la terre quittée alors qu'on l'aimait et l'hostilité du monde moderne, inconnu, de la ville tentaculaire. Roman de l'amour filial, cette petite fille adorée et inventée, qui raccroche au pays quitté, à la famille, à une vie perdue. On y croyait, naïvement, comme Monsieur Linh, jusqu'à la révélation finale, au moment de la mort, de la mort heureuse, au moment du retour de l'amitié. Bref, un roman de "bons sentiments" qui entraîne fatalement le jugement fatal et peut-être injuste : "On ne fait pas de la littérature avec des bons sentiments". J'ai pensé, en lisant cette petite histoire, à un petit prince qui aurait vieilli, et dont la rose aurait été une poupée. Bof. | |
2 mai 2010 : Arto Paasilina, Petits suicides entre amis (posté le 02/05/2010 à 10:35) |
Il est des romans qui ne se laissent pas aisément commenter. Troisième tentative de mise en boîte... Plaisir indéniable de lecture, du jeu subtil de la mort et de la vie, teinté d'humour noir. Deux suicidaires se rencontrent au moment fatitique. Ils renoncent à leur macabre dessein et décident de réunir les suicidaires de Finlande. Succès inespéré... Les plus fanatiques partent en voyage, vers la mort, croient-ils. Seulement, voilà, leur rencontre redonne sens à leur vie. Roman initiatique donc, rempli d'une ironie digne de Voltaire. Et si Candide avait été suicidaire? Peut-être son périple aurait été celui-là, le Cap Nord, l'Allemagne, où une guerre épique est remportée avec brio contre une horde de skinheads avinés, la Suisse, terre de suicide par exemple avec ses ravins (mais où jamais aucune foire de la pomme de terre n'a eu lieu le premier août), petite virée en France où des jeunes filles un rien délurées mettent à mal la virilité des mâles gaulois, et chute finale (évité, parce que décidément, le suicide n'a plus de sens) au Portugal (où jadis d'ailleurs Candide fut fessé en cadence pour éviter un tremblement de terre). | |
1er avril 2010 : Henning Mankell, Les chiens de Riga (posté le 01/04/2010 à 14:47) |
Tout ce qu'on attend d'un bon roman policier. Du suspens. Les doutes de l'enquêteur, qui n'a rien d'un super héros. Du glauque. Les bas-fonds d'un pays inconnu, avec ses traîtres, ses ripoux, ses victimes innocentes. Plonger dans la Lettonie d'avant l'indépendance, c'est pour Wallander et pour le lecteur, découvrir par dessous la dictature, sa corruption, l'absence de liberté de parole et de mouvement, les rêves d'en sortir. L'ambiance inquiétante du roman saisit. Contre son gré, un inspecteur suédois désabusé, se retrouve, parce qu'il tombe vaguement amoureux de la jolie veuve d'un major letton assassiné, au coeur d'un trafic politico-maffieux, qu'il parvient, un peu par hasard et beaucoup par entêtement, à dénoncer. L'errance à travers Riga, sous le regard des chiens, s'achève dans la mélancolie. Baiba ne le suivra pas en Suède. | |
19 mars 2010 : Jean-Philippe Toussaint, La vérité sur Marie (posté le 19/03/2010 à 16:08) |
La fuite en avant de Toussaint, toujours plus agréable à lire. Tout fuit, les hommes, les femmes, les chevaux, dans les appartements, dans les aéroports, dans les incendies. Le narrateur et Marie font l'amour au même moment, mais pas ensemble. Le roman raconte les péripéties (qui auraient été loufoques il y a dix ans) qui éloignent et recollent Marie et le narrateur, la mort de l'autre, faussement nommé, par jalousie, Jean-Christophe de G., un bahut que l'on transporte, un cheval en fuite dans un aéroport japonais, une femme (Marie, bien sûr, il n'y a qu'elle, et quand ce n'est pas elle, elle s'appelle quand même Marie) nue avec un masque de plongée, la même femme avec des tongs à marguerite (effeuillée) à la commissure des gros orteils. Toussaint réussit à écrire, à l'heure où c'est le plus passé de mode, un vrai beau roman d'amour, l'évidence de deux corps qui se cherchent et qui ne se retrouvent que quand il faut, l'absence de l'autre qui est présence, parce l'autre, comme Swann s'en était rendu compte trop tard pour Odette, vit toujours quand il n'est pas à nos côtés, la tendresses des moments vrais et la vérité des moments tendres. Plaisir de lire intact malgré trois semaines où la seule activité sérieuse a été la dévoration de bouquins. | |
18 mars 2010 : Jacques Chessex, Le dernier crâne de M. de Sade (posté le 19/03/2010 à 16:07) |
Bien sûr, ça se termine par « serait-ce déjà la mort ? » et c’est vrai. Jacques Chessex, vivant, s’effondre. Jacques Chessex mort. Quoi d’autre ? Sade, le sadisme, quelques scènes obscènes, sans le trop-plein du dernier Robbe-Grillet. Un brin de fantastique, un crâne maudit (ou béni) qui sème le crime comme jadis M. de Sade le semait, la fascination du mal, de cet homme affublé très ironiquement de l’adjectif « divin » et qui est devenu le symbole de l’outrancière liberté des monstres et des cruels, ces êtres qui hantent nos Blicks et nos Matins quand Chessex (et pas Sade !) est cellophané, mort, enterré le plus chrétiennement du monde. | |
18 mars 2010 : Herman Melville, Moby Dick (posté le 19/03/2010 à 16:00) |
Pavé pour l’armée, lu très vite. Bonne idée. Au civil, j’aurais traîné. Les longues descriptions pseudo-scientifiques du Léviathan m’auraient lassé. J’aurais peut-être sauté des passages. Curieux mélange que ce roman, à la fois traité de cétologie, guide sur la pêche à la baleine et drame mythologique. Après de longs détours pour montrer au lecteur que le cachalot, décidément, ça n’a rien à voir avec tout ce qu’il a déjà vu, le roman se fait théâtre. On se retrouve sur le pont du navire, au milieu de son équipage maudit, fasciné par ce démon de capitaine Achab, assoiffé de vengeance, qui ne reculera pas même devant la mort pour tenir sous son harpon Moby Dick, on voit vivre et mourir (car la mort n’est jamais loin quand on est au milieu de l’océan) les seconds et les harponneurs, ces sauvages de la mer, les matelots, l’ignoble charpentier qui construit des cercueils de des jambes d’ivoire et le lâche Pip qui divague. Enfin arrive le monstre. On le chasse. Il emporte le navire maudit. Tout ce qui a été raconté en long et en large sur le cachalot est vérifié. L’homme, même galvanisé par les passions les plus vitales, n’est rien face à son destin, qui est, qu’il le veuille ou non, de mourir sous l’assaut ténébreux du Léviathan indomptable. Aujourd’hui pourtant, l’on ne chasse presque plus les baleines. Elles sont devenues les victimes. Le monde semble s’être renversé. Il semble… | |
9 mars 2010, Jonathan Littel, Les Bienveillantes (posté le 13/03/2010 à 17:00) |
Que penser d'une telle somme d'horreurs? Que penser de la sympathie (relative parce qu'à la fin, il est odieux) que nous inspire cet officier SS quiveut jouer le bon rôle, qui voit et vit tout, la Shoah par balles, Stalingrad, Auschwitz, la chute de Reich? Un certain malaise s'insinue. L'Histoire par l'autre bout de la lorgnette n'est pas belle à voir. Elle n'est pas inhumaine, elle se trouve des excuses, elle se refuse au sentimentalisme. Petit à petit, le lecteur, comme le Dr Aue, se blinde. Les ignominies pleuvent et - c'est cela qui crée le malaise - lassent. De la grande ou de la petite histoire, laquelle est-elle la plus insupportable? Celle de ces millions d'ennemis du Volk allemand dont on se débarasse pour une illusoire race ou une impossible sécurité? ou celle de cet homme perdu, amoureux de sa soeur jumelle, peut-être assassin de sa mère, qui se vautre dans le glauque de ses perversions tout en cherchant à rendre le travail des détenus des camps moins pénible, par pur calcul économique? Où sont les monstres? Où sont les victimes? Comme la plupart des livres importants, Les Bienveillantes ne répond pas à ces questions, et le lecteur, assomé, les voit circuler devant son esprit fatigué. | |
15 février 2010 : Marcel Proust, Du côté de chez Swann (posté le 15/02/2010 à 17:38) |
Relire Proust, c'est retrouver intact le plaisir d'un langage dont la délicatesse et la justesse se dégustent comme se dégustaient la madeleine à l'origine du monde et le pain merveilleux de monsieur Sudan, dans l'enfance, à la naissance de l'intérêt pour le monde, le petit monde, celui des promenades et des vieilles tantes pas assez ou un peu trop malades, et le grand monde, ces soirées chez les ennuyeux et chez les snobs. Qu'ajouter à ce pur plaisir ? Que l'analyse psychologique de la naissance de l'amour, du désir, de la jalousie, y est parfaite, que la dialectique de l'art et de la réalité, de la nature et de la culture, du rêve et du vrai, du temps perdu et de la mémoire infidèle, est une source inépuisable de pensée et de sensations, que l'on plonge corps et âme (surtout âme bien entendu) dans une quête impossible qui réussit, et qu'avoir en bouche une seule phrase de Proust vaut le foie gras le plus subtil. Pourtant le bouquin est étrange. On découvre les souvenirs d'un homme qui se rappelle par hasard son enfance, qui la fait renaître dans un festival de mots qui ne font qu'esquisser un univers; ensuite, on nous raconte les amours d'un inconnu, ce Swann à peine rencontré, sa folie; et soudain, voilà à nouveau notre narrateur, qui retrouve, amoureux de la fille de ce même Swann, la folie de cet homme. Déjà un écho se crée, comme s'en créera mille dans cette Recherche du temps perdu dont relire infiniment la suite s'impose comme une évidence. | |
5 février 2010 : Monique Saint-Hélier, Bois-Mort (posté le 05/02/2010 à 15:46) |
Etrange roman où des esquisses de personnages se meuvent dans un univers laiteux, flou, mystérieux. L'antique famille Alérac se meure dans un chateau (peut-être n'est-ce qu'une ferme) où les ancêtres ne se reconnaissent plus, quelque part en Suisse romande ou en Angleterre, impossible de ne rien affirmer qui soit certain. Une jeune fille, la dernière, fascine les hommes. Trois demandes en mariage. D'autres se sont sans doute aimés, se sont peut-être fait du mal, jadis, au creux d'un passé secret qui ne passe pas. Tout se déroule dans les univers intérieurs de personnages qui ne s'avouent pas. L'atmosphère est de brouillard. Le lecteur en est charmé, mais il reste sur le seuil d'un livre peut-être trop bien écrit. L'emportera-t-il sur une île déserte ? Il faudrait pour cela que l'île se situe très au Nord. | |
26 décembre 2009 : Arthur Schnitzler, Thérèse (posté le 26/12/2009 à 12:36) |
Derrière la Vienne vue, y a-t-il la Vienne de Thérèse, la Vienne d'un malheur ordinaire, d'une descente douce aux enfers, la Vienne des amours éphémères et des mariages promis, non désirés, échoués ? Derrière le faste, Schönbrunn, Sissi, les marchés de Noël, il y avait sans doute Thérèse, l'institutrice qui s'attache trop à ses élèves d'une saison et à ses hommes de quelques nuits, l'amante devenue mère par accident, qui se retrouve face à deux inconnus odieux, ce faux Casimir Tobisch, sans nom, le père évadé, et son fils, qu'elle avait voulu tuer avant sa naissance, et qui la tue. Comme toujours, le touriste qui revient n'a pas vu la merde sous les tapis. Il a entrevu la souffrance dans les toiles d'Egon Schiele. Il lui donne un nom dans la lecture d'un roman. | |
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