meslectures

          | Ma musique

Ecrire sur et à partir de la musique a-t-il un sens? Souvent, il semble que la musique se suffit à elle-même, mais je ne peux m'empêcher de lui donner des mots, de la décrire ou de l'interpréter, de me souvenir des cadeaux qu'elle m'a offerts, des émotions qu'elle m'a procurées et du silence qui s'est brisé grâce à elle. 

J'écrirai donc, au hasard de mes musiques, ce qu'elles m'inspirent. 

Lonnie Johnson, Guitar blues (posté le 09/08/2014 à 09:22)

(extrait d'un projet en cours d'écriture)

 

Les 

cendres 

du feu de camp 

réveillèrent, 

dans leur crépitation de phénix, 

les fantômes mal endormis. 

 

Une guitare souffla fort 

le souvenir de la nuit. 

 

Elle revint. 

 

On vit des chevaux s'évader des ranchs, 

des filles de saloon se pâmer devant des cow-boys poussiéreux, 

des shérifs à moustache libérer à grand coups de santiag Jessie James et Calamity Jane, 

 

 

                                                                                on                      plus

                                                                                creusa                profond 

                                                                                des                    que

                                                                                canyons              des océans, 

 

 

on libéra de leurs chaînes des nègres qu'aussitôt on lyncha.

 

Quand, sans savoir où elle en était, 

 

 

la nuit retomba, 

l'ombre d'un stetson

accroché à la ceinture

et la menace d'un colt chargé de gros sel

se fondirent dans le couchant rougeoyant.

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Bob Dylan, Just like Tom thumb's blues (posté le 07/08/2014 à 12:27)

Ecouter Bob Dylan est pour moi très frustrant. Je me laisse certes bercer avec plaisir par l'air de la grand-route, les motels à l'abandon, l'homme à l'harmonica, tout une Amérique de cinéma familière et inconnue, tout un rêve de séries télévisées, mais je perçois que l'essentiel est ailleurs, qu'il est caché dans le texte de la chanson, dont je ne pige que des bribes.

De quoi parle-t-il? Quelle histoire raconte-t-il? Il y a de la pluie, on est autour de Pâques, arrive une femme (est-ce qu'elle est fâchée ou est-ce qu'elle a faim?), on lui dit merci (pourquoi? qui est-elle?). Il y a aussi mon meilleur ami et je peux pas bouger à cause de mes doigts, mais la fille m'invite dans sa chambre, il faut faire attention, puis surviennent la lune, la fortune, la renommée et la maladie. La fille n'est alors plus qu'un fantôme ou un ange. Il n'y a plus personne et je reviens à New York City. 

Voilà en gros ce que j'ai compris. Je pourrais bien sûr creuser, chercher une traduction, réécouter dix fois la chanson pour voir de quoi il en retourne, mais il me semble que j'y perdrais, qu'une chanson, ça doit s'écouter sans réfléchir, ça doit toucher sans intermédiaire, ça doit créer l'ambiance d'un instant. Au fond, le fait ne pas tout comprendre ouvre l'esprit. L'histoire qu'on me baragouine, je peux l'inventer à ma guise, la changer quand soudain un mot de plus semble prendre du sens, en faire ce que je veux. 

Finalement, écouter Bob Dylan n'est pas si frustrant que ça. 

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Georges Brassens, Germaine Tourangelle (poème de Paul Fort) (posté le 06/08/2014 à 15:06)

Pas même une guitare, pas même une mélodie, juste la voix de basse de l'ami Georges qui récite le poème.

Qui fut Germaine Tourangelle? Qui fut Thérèse? Qui fut Amélie? Des filles de passage, le grand amour d'un soir troublant, trois fins petits nez qui reniflèrent jadis le coin de nos coeurs, quelques coups de vent dans la sècheresse. Il y eut aussi Jeanne, la Jeanne, ses chats, le foyer des jours heureux.

Puis il n'y eut plus rien. Elles moururent, se couchèrent au Père-Lachaise, et il ne resta d'elles que des prénoms qui laissent songeur. 

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Edith Piaf, L'étranger (posté le 05/08/2014 à 19:18)

Chez Piaf, il y a toujours, à travers la caresse d'un instant, le feu de la passion qui couve. Ici, un homme d'une nuit, un marin au regard très doux, un homme de peine (double peine, de corps de coeur) au sourire d'ange, chavire l'âme de la pauvre petite femme fragile qui s'enflamma si souvent et qui se consuma si vite.

Faux espoir, bien sûr. L'homme s'en va. Au petit matin, un corps flotte dans l'océan. 

Tout, dans la vie et les chansons de Piaf, après la naïveté des premiers baisers, tourne à la tragédie. Cet étranger s'appelait peut-être Marcel Cerdan, et je ne peux m'empêcher de revoir la frêle silhouette errante d'Edith mourant d'avoir trop aimé. 

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Charles Aznavour, Mon émouvant amour (posté le 04/08/2014 à 14:22)

La chanson peut sembler banale : déclaration d'amour assez classique ("Je t'aime si fort" n'est pas la trouvaille du siècle), voix de femme tout droit sortie d'un mauvais mélo des années cinquante, mélopées de piano un rien répétitives.

Pourtant, comme c'est Charles Aznavour qui chante, la bluette prend de l'envergure. Les mots prononcés avec force et sincérité touchent directement au coeur (cette phrase aussi, pour ne plus sembler si cliché, devrait être dite par Aznavour).

Si le vieux Charles est devenu le dernier monstre de la chanson française vivant, c'est sans doute parce qu'il a la capacité de donner de l'intensité et de la beauté à des objets que l'on n'aurait pas vus s'il ne nous les avait pas montrés de la voix. 

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Serge Gainsbourg, Ballade de Melody Nelson (posté le 04/08/2014 à 12:08)

L'aima-t-il? La voix de Jane tremble. Rivale? Parfum suave de scandale, quatorze automnes et quinze étés, petit animal, délicieuse enfant, aimable petite conne. Gainsbarre en perd la raison, il se terre dans l'alcool et la fumée. Aujourd'hui, on le ferait taire. 

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Carmina burana, Dic Christi veritas, Axe Phebus aureo, par le Berry Hayward Consort, sous la direction de Berry Hayward (posté le 03/08/2014 à 15:52)

Les Carmina burana du Moyen-Age sont généralement éclipsée par le tube de Carl Orff et sa vision tragique de la roue du destin entrecoupée par les scènes lubriques et lugubres des tavernes dévergondées et des amours printanières. Ici, on ne trouve que ces dernières, les premiers émois des jeux adolescents, des bergers qui font la ronde autour des bergères, des flûtes-fleurs qui s'amusent dans les sous-bois, Cécile au tambourin en robe de fée, et, quand la fête prend feu, un presque-swing qui emporte avec le vent fripon la vertu et les jupons. 

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Georges Brassens : La femme d'Hector (posté le 03/08/2014 à 12:50)

Le premier plaisir qui survient quand on écoute Georges Brassens, c'est le plaisir des mots qu'on n'entendait plus. 

Ici, ça commence par les vieux prénoms, qui réveillent des vieux potes oubliés : Pamphile et Théophile (ne pas oublier d'accentuer le "e" final), Firmin (c'était le nom du cochon de l'oncle, me souviens-je soudain, du moins c'est ainsi qu'on l'appelait en-là; en-ça, il avait un autre sobriquet), Germain, Désiré, Nestor (dont je me demande qui est la femme qu'évoque le brave Georges, notre père d'eau) et enfin cet Hector cocu qui se sacrifie pour le bien-être de ses copains. 

Les mots sans majuscules eux aussi réveillent de vieux trésors qui dormaient dans les dictionnaires en boule trop triturés par grand-maman quand elle parvenait encore à remplir les cases des mots croisés : les cousettes, les foutriquets, les bobèches, les paltoquets et surtout les fesse-mathieu, qui pourtant pullulent encore sous le nom fallacieux de banquiers. 

Même les mots de tous les jours sont si bien assemblés qu'ils en deviennent savoureux. Qui tricote encore "des arc-en-ciels à nos chaussettes"? Qui jette encore "des morceaux de nos coeurs aux pourceaux"? Plus grand monde. On a enterré la langue française avec la femme d'Hector et avec Georges Brassens. Les funérailles ne furent pas nationales, pas même presque nationales. On a juste "perdu notre latin au profit des pantins". 

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Francis Poulenc, En rentrant de l'école, extrait des Petites Voix, par le New London Chamber Choir, sous la direction de James Wood (posté le 29/07/2014 à 20:21)

La musique chorale de Poulenc, même quand elle ne se veut que comptine, nous perd dans la subtilité de ses accords. Légère et mutine, elle conserve ce petit côté bizarroïde qui titille l'oreille. Les voix affirment très fort qu'elles ont rencontré la lune, puis, parce que les petites Anglaises baragouinent un rien leur français, on ignore ce qu'elles en ont fait. Toutes fières de leur combine, elles nous enfument en des la la la d'abord envoûtants puis plus espiègles.

C'est déjà fini? Les petites Anglaises se sont évaporées. 

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Robert Schumann, Quatrième mouvement Allegro molto vivace de la Symphonie n°2, par l'Orchestre philharmonique de Vienne, sous la direction de Leonard Berstein (posté le 29/07/2014 à 15:30)

Ce n'est pas ce Schumann-là qui s'est jeté à l'eau. Celui-là, il fonce, il fait sonner l'orchestre avec une énergie folle que viennent parfois attendrir quelques souffles de hautbois, respiration courte avant que ne se déchaîne à nouveau la pompe triomphale. Tout est sans cesse en mouvement, tout va vers le fortissimo final (tiens, voilà que que ce sont les cordes qui calment le jeu, un instant un peu plus long que le précédent, entracte bienvenue au coeur du déluge), vers les cuivres viriles et vers les timbales qui s'en donnent à coeur joie.

Ce Schumann-là semble heureux, triomphant, au sommet de sa gloire, mais déjà perce, dans l'excitation qui jamais ne donne de répit, un brin de folie qui cherche à se débrider, à foutre le camp hors de la partition, à renverser la passion trop ordonnée d'un final assommant tant il ne doute pas de sa force. 

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